Musanze et la prise en charge de ses tuberculeux

De ce fait, son éradication exige plusieurs efforts de la part du personnel de santé et de la part de la population en général. C’est une pandémie qui fait des ravages essentiellement parmi les sujets économiquement actifs, c’est-à-dire la tranche d’âge comprise entre 15 et 45 ans.  

La tuberculose se transmet à travers différents canaux, notamment par l’usage des mêmes ustensiles. Il n’est pas superflu de dire ici que les Banyarwanda ont l’habitude d’utiliser le même chalumeau en buvant de la bière traditionnelle [vin de banane communément dit « urwagwa » ou de sorgho appelé « ikigage »].  

Cette pratique n’est pas l’apanage des attardés. Elle est tellement ancrée dans les mœurs à telle enseigne que, même dans les milieux urbains, bien de personnes pourtant cultivées utilisent sans sourciller un même chalumeau au cours des cérémonies de convivialité et de mariage.  Selon une infirmière attachée au service de la médecine interne de l’hôpital de Musanze [ex hôpital de Ruhengeri], cela constitue une voie de contamination évidente.

La prise en charge

Pour la prise en charge proprement dite, l’infirmière de l’hôpital de Musanze nous a expliqué qu’on fait passer trois examens de crachat pendant deux jours à un cas suspect. Si deux des trois examens s’avèrent positifs, le patient est directement mis sous traitement.

Selon les indications de l’infirmière, deux phases sont obligatoires pour le traitement. La première phase se fait pendant deux mois et le patient reçoit le médicament chaque jour, la deuxième pendant quatre mois et cela trois fois la semaine.

Pour la première phase, le traitement se fait sous hospitalisation si le cas est grave. La Tuberculose apparaît dans la plupart des cas avant d’autres maladies opportunistes chez les sidéens. Les séropositifs déshérités bénéficient des ARV comme le stipule la loi.

Pour les tuberculeux hospitalisés, il est déconseillé de dormir trop longtemps car cela peut entraîner la multiplication des microbes stagnant dans la poitrine. De façon générale, selon les patients interviewés par Grands Lacs Hebdo, les tuberculeux suivent sans rechigner les prescriptions médicales car ils souhaitent tous la guérison étant donné la souffrance extrême qu’ils endurent.

Risque de contamination

Les mesures strictes sont prescrites au cours de deux premières semaines de traitement. Le garde-malade doit observer scrupuleusement les conseils du médecin selon lesquels les instruments comme gobelet, assiette, fourchette, etc, du malade ne doivent être utilisés que par lui seul, tandis que personne ne doit s’entretenir face à face avec le tuberculeux.

Nous avons voulu savoir les mesures préconisées quand la malade est une maman avec son rejeton qu’elle doit allaiter, consoler et même nourrir s’il n’a pas de nounou.

“Il est difficile de séparer l’enfant de sa mère”, a réagi l’infirmière de l’hôpital de Musanze, en indiquant toutefois que ces femmes ne doivent ménager aucun effort pour réduire les risques de contamination.

Qu’en est il du personnel soignant ?

Ils ne sont pas n’ont plus à l’abri des risques de contamination. Il peut s’avérer que lors de la consultation, le malade tousse et, par là, faire sortir les BK (Bacille de Kock) se trouvant dans sa salive.

Des fois les infirmiers et médecins traitant portent des masques pour la protection mais malheureusement ces masques ne constituent pas un obstacle à l’air qui contient les microbes. “Dieu seul est notre bouclier”, déclare en substance Jean Batiste Gatabazi qui travaille dans une clinique privée de la ville.

A l’hôpital de Musanze, nous avons par ailleurs appris que la tuberculose profite de la faiblesse de l’organisme du corps. Le tabac et l’alcool détruisent l’appareil respiratoire et particulièrement les poumons. Ce qui fait que les consommateurs de ces produits nuisibles à la santé sont les plus exposés à la tuberculose.

Les détenus, les cas difficiles à traiter

Parmi les porteurs de la tuberculose, il y en a qui laissent aller leur découragement  sous prétexte que cette maladie est incurable. Les malades de tuberculose guérissent, sauf ceux qui ne respectent pas les prescriptions médicales. Parmi les cas difficiles à traiter figurent les détenus, car ils vivent dans des conditions précaires.

L’état d’hygiène qui laisse à désirer, la promiscuité de leur bâtiment carcéral et la surpopulation accélèrent la souillure résultant de leur contact impur, et diminue les chances de guérison. Quand l’un se trouve dans un état de convalescence, l’autre le contamine. D’autre part, les détenus sont dans des conditions telles qu’il leur est difficile de respecter le régime alimentaire.

La tuberculose affecte le panier de la ménagère

Même si les médicaments et les traitements sont gratuits, la tuberculose affecte le panier de la ménagère.  Etant donné que l’hospitalisation prend une longue durée, les familiers du malade sont obligés de dépenser beaucoup d’argent pour parvenir à lui apporter à manger. Et en cas de régime alimentaire, le panier de la ménagère en souffre davantage. Chose qui enfonce pas mal de ménages de Musanze dans la pauvreté, l’une des conséquences graves de cette maladie, en plus de la perte de vies humaines.

Le service social de l’hôpital s’efforce néanmoins de prendre en charge ceux qui n’ont pas de gardes-malades ou tout simplement ceux qui sont issus des familles démunies.

Background

La tuberculose est une maladie infectieuse provoquée, dans la plupart des cas, par un micro-organisme (bacille). Ce bacille pénètre habituellement dans le corps humain par inhalation dans les poumons.

A partir de la localisation pulmonaire initiale, il se multiplie et gagne d’autres parties du corps via le système sanguin, le système lymphatique, les voies aériennes, ou par propagation directe à d’autres organes.

La tuberculose est connue au Rwanda depuis plusieurs siècles comme une affection extrêmement redoutable.  Malgré la création du Sanatorium national à Rwamagana en 1952, il apparut clairement que l’activité de cet établissement n’aurait qu’un impact limité sur l’ensemble de la population. Il fallait donc un programme de lutte plus réaliste et plus compatible avec les moyens du pays.

C’est ainsi qu’à partir des année 1970, le pays en collaboration avec l’Organisation Mondiale de la Santé a lancé une série de campagnes de lutte antituberculeuse avec 3 composantes : la prévention par la vaccination au BCG, la détection des cas contagieux et leur traitement.

Avec l’avènement du VIH/SIDA dans les années 80, l’incidence et la prévalence de la tuberculose sont passées à une vitesse supérieure. Ainsi pour y faire face, il a fallu mettre sur pied un Programme national intégré de lutte contre la tuberculose mais aussi la lèpre (celle-ci étant déjà contrôlée voire en voie d’élimination).  

C’est ainsi que le Programme National Intégré de lutte contre la Lèpre et la Tuberculose (PNILT) a été crée en 1990 avec l’appui financier et technique d’une ONG Belge, la Fondation Damien de Belgique.

Le Programme se développa très vite sur toute l’étendue du pays. Déjà à la veille de 1994, la recherche était amorcée avec la collaboration de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers.

Une étude de sensibilité des Mycobactérium tuberculosis aux médicaments avait été réalisée. Ces acquis furent réduits à néant avec le génocide de 1994 au point que tout était à recommencer à zéro à partir de 1995.