“Ces ibihoho – sacs pour la germination en kinyarwanda – ont la particularité de garder l’eau et la fraîcheur après l’arrosage, et ils pourrissent facilement, devenant ainsi du fumier pour le plant”, explique Alexis, de Land Love Rwanda, une coopérative d’artisans écologistes rwandais qui propose, depuis deux ans, de petits sacs en écorce de bananier pour la germination des plants d’arbres. Avant l’interdiction de l’usage des sacs en plastique, il y a 3 ans, la germination se faisait dans des sachets qui aggravaient la pollution. Lors de la plantation, les sachets étaient retirés et jetés dans la nature.
Des solutions de remplacement ingénieuses à base de matériaux locaux sont plus indispensables que jamais, car l’État vient encore de renforcer la lutte contre la pollution par les sacs en plastique. Début juin, la loi sur la limitation de l’usage, l’importation et la commercialisation des sacs en polyéthylène au Rwanda a été promulguée. Elle prévoit de lourdes peines pour des contrevenants : un emprisonnement de six à 12 mois et/ou une amende allant de 100 000 Frw à 500 000 Frw (200 à 1000 $). Il faut une autorisation préalable de l’Office rwandais de la gestion de l’environnement (REMA), pour faire vendre ou utiliser ces sacs.
Moins solides mais plus écologiques
Depuis 2006 déjà, “quand la guerre contre les sacs en plastique a été déclarée, tous les Rwandais sont contraints de recourir aux sacs de fortune, moins réutilisables mais plus écologiques”, remarque un agent du ministère de l’Environnement. Ainsi, les fabricants rivalisent d’ingéniosité pour rendre disponibles les sacs pour le transport, la distribution et la conservation des aliments ainsi que des objets. Chez Land Love, un petit sac pour un plant d’arbre, fabriqué avec deux écorces de bananier coûte 10 frw. Ce n’est pas le marché qui manque. “Tous les pépiniéristes passent leurs commandes pour leurs graines et germes d’arbres, note Alexis. “À l’heure actuelle, les feuilles et les écorces de bananier sont abondantes. Ce n’est pas comme auparavant quand on les utilisait dans la couverture des maisons en paille, qui ont presque disparu”, ajoute-t-il.
Une demande croissante
La KOABIMU, coopérative des tresseurs de feuilles et de la fibre de bananier de Murunda, Kibuye, Ouest, se distingue, elle, dans la fabrication de différentes sortes de sacs et objets d’art à base de bananier. Grand fournisseur de chaises, tables, dessous de plats, sacs, petits paniers traditionnels, balles de football, nattes,… elle attire bon nombre de clients. “Nous vivons de ce métier. Chaque membre gagne mensuellement au moins 30 000 Frw, (53 $)”, affirme Joseph Bimenyimana, président de cette coopérative, qui regroupe 120 tresseurs.
Pour faire face à une demande croissante, les jeunes désoeuvrés sillonnent aussi les quartiers en ramassant les résidus des sacs de ciment. Les fabricants locaux les achètent pour en faire de nouveaux emballages.
Les alimentations et magasins ajoutent désormais au prix de leurs produits celui des solides sacs en papier qu’ils donnent à leurs clients. “J’ai acheté du pain et autres denrées à 800 Frw,(1,5$) et j’ai été surpris de me voir obligé de payer 100 Frw pour l’emballage. Pour moi c’est du vol. C’est cela qui augmente le prix des denrées alimentaires”, se plaint un consommateur de Kigali. “Au début, les clients avaient du mal à nous comprendre, car ils étaient habitués à voir leurs marchandises emballées par les vendeurs dans les petits sacs en plastique fins. Aujourd’hui, au prix des marchandises, ils doivent ajouter aussi celui de l’emballage”, explique le tenancier d’une alimentation de Remera, Kigali. En effet, alors qu’un sachet coûtait 10 frw et durait longtemps, un emballage en papier coûte 50 ou 100 frw et ne peut être longtemps réutilisé. Si quelqu’un persiste à transporter ses achats dans un sachet plastique, celui-ci est vite confisqué par la police sans égard pour les marchandises. Cela se passe égale
ment ainsi, depuis trois ans, à toutes les entrées du pays.
Le résultat de cette chasse au plastique fin est net. Cette importante source de pollution a disparu. “La propreté visible dans les villes est en grande partie due à la chasse aux sachets”, estime un dirigeant local de Gikondo, Kigali. Pour lui, “les produits finis comme des paniers traditionnels ou des sacs artisanaux fabriqués avec des écorces ou des feuilles de bananier sont très recherchés et rentables. Ils contribuent à dépolluer le pays et la population parvient à se nourrir des travaux artisanaux”.
Opération : 50 kg de sachets pour 1000 Fc
“Je ne pouvais m’imaginer un seul instant que l’avenue Lumumba soit débarrassée de ses nombreux sachets”, s’étonne Aimé Mavungu, une habitante de la ville portuaire de Boma, à 120 km de Matadi, revenue y passer ses vacances. Plusieurs autres avenues de cette ville sont propres depuis qu’en avril, Marie-José Niongo, maire de Boma, a lancé l’opération “Un sac de 50 kg de sachets en plastique pour 1000 Fc (1,2$)”. “Ces sachets ternissent l’image de la ville, bouchent les caniveaux, empêchent l’infiltration des eaux. Cette matière difficilement biodégradable est un poison pour l’environnement”, estime-t-elle.
Les habitants ont trouvé là un gagne-pain. “Je vais dans les marchés, les hôtels et je sillonne les rues pour récolter des sachets qui me permettent d’avoir quelque chose à manger”, se réjouit Désiré Nlandu, un jeune du quartier Dinalo. “Depuis le lancement de cette opération, chaque jour, une dizaine de sacs de sachets sont brûlés”, signale les services de la mairie, ce qui selon les écologistes, est nocif. “C’est l’unique façon de les éliminer. Pour atténuer le choc, nous les brûlons dans des trous”, se défend le maire qui ajoute : “Nous tenons à l’implication du gouvernement provincial pour que l’Assemblée prenne un édit interdisant les sacs en plastique au profit des sacs biodégradables. Sinon, nous allons tous mourir de faim lorsque d’ici cinq ans nos terres en seront bourrées.”
Recycler les sachets pour survivre
Assis au bord du fleuve de jeunes enfants de Kisangani, au nord est de la RD Congo, trient des sachets en plastiques qu’ils ont ramassés dans les rues, les caniveaux, les poubelles. Ils les classent d’après leur degré de déchirures, les dénouent, souvent à la dent, avant de les laver à l’eau et au savon dans le fleuve. Ensuite, ils les plient par paquets de 5 qu’ils vendront 10 fc dans les marchés de la ville.
Ces sachets recyclés, moins chers que les neufs et plus abondants que les feuilles d’emballage sauvages devenues rares, sont appréciés de nombreuses vendeuses peu regardantes sur l’hygiène comme Maman Bebe, vendeuse de tomates fraîches au marché qui apprécie de faire des économies sur l’emballage. Certaines commerçantes refusent, elles, de les utiliser. “Je ne sers pas mes clients dans ces sachets recyclés car ils proviennent d’endroits malsains ; ils peuvent causer des problèmes de santé”, estime madame Charly, vendeuse au marché situé devant la cathédrale .
Les enfants, souvent des enfants de la rue, y trouvent leur compte. Ils disent gagner 1000 à 1500 Fc (1,2 à 2 $) par jour en vendant ces petits sacs. Ne pouvant aller à l’école faute de moyens, ils survivent ainsi, ce qui est mieux que voler, estiment-ils. En tous cas, quand on voit les rues de la ville, ils ne manquent pas de matière première.