« Parmi les femmes enceintes qui fréquentent nos services de santé, 99 pour cent acceptent le dépistage », a indiqué Jules Mugabo, directeur du Centre de traitement et de recherche sur le sida du gouvernement rwandais. « Aujourd’hui, avec la participation des partenaires [masculins], 76 pour cent des conjoints viennent effectuer un test dans des centres de consultations prénatales… le dépistage a ainsi touché environ un million de personnes l’année dernière ».
Alors que le Rwanda est extrêmement pauvre et s’efforce de reconstruire un système de santé décimé par le génocide de 1994, des pays voisins plus grands et plus riches tels que le Kenya et l’Ouganda ne fournissent des traitements ARV qu’à moins de la moitié des personnes qui en ont besoin.
Contrairement à ce que l’on observe dans de nombreux pays africains, la population du Rwanda, qui compte près de 10,5 millions d’habitants, parle une seule langue commune et dispose d’une culture globalement homogène, ce qui facilite la coordination des campagnes de sensibilisation au sida.
Entre 1999, date de lancement du premier programme de PTME, et 2001, un peu plus de 11 000 femmes rwandaises avaient effectué le test du VIH ; en 2006, ce chiffre avait augmenté, dépassant largement 200 000 par an.
Les experts attribuent ces succès à un engagement politique au plus haut niveau, qui a permis aux acteurs de la lutte contre le VIH de développer leurs programmes à l’échelle nationale. Le président Paul Kagamé, tout comme Jeanette Kagamé, la première dame du Rwanda, ont parlé ouvertement du VIH, encourageant la population à avoir des comportements sexuels responsables.
Un travailleur de santé a observé que les Rwandais avaient une « culture de l’obéissance », qui a encouragé les femmes à fréquenter les consultations prénatales, et leurs partenaires à les accompagner dans cette démarche.
« Le Rwanda a une structure administrative très forte, jusqu’aux échelons les plus bas », a dit Aksa Leslie, responsable de programme à l’organisation non gouvernementale (ONG) Family Health International. « Dans ce contexte, on essaie de décentraliser le système de santé ».
Chacun des 30 districts rwandais dispose d’au moins un centre de santé proposant, en un même lieu, des services de conseil, de dépistage et de traitement. Les patients dont le test se révèle positif font immédiatement une prise de sang, puis reviennent une semaine plus tard pour recevoir les résultats de la numération de CD4, qui indique la résistance de leur système immunitaire.
« Quand le patient reçoit son taux de CD4, il doit consulter un médecin », a indiqué Jean Paul Balinda, infirmier dans une clinique de la capitale, Kigali. « Si le patient a un taux de CD4 inférieur à 350, il débute un traitement ARV ».
Les patients retournent à la clinique une fois pendant la première semaine de leur traitement pour recevoir des services de conseil et de suivi, puis une fois par mois par la suite. Dans chaque village, deux travailleurs de santé communautaires sont formés aux soins et au soutien au niveau local des personnes atteintes du VIH.
Cependant, des experts affirment que les Rwandais vivant avec le VIH sont toujours victimes d’une stigmatisation très forte. Cette discrimination pourrait ralentir la course vers l’accès universel car elle dissuade les populations de demander un dépistage ou un traitement.
Stigmatisation et problèmes de prévention
Les résultats d’une étude menée en mai 2009 par l'Association des veuves vulnérables affectées et infectées par le VIH/SIDA et le Réseau des personnes vivant avec le VIH ont montré que les personnes séropositives étaient les premières victimes de discrimination dans la société rwandaise, les autres groupes mentionnés étant notamment les travailleurs du sexe et les demandeurs d’asile.
« S’il n’y avait pas de stigmatisation, les gens seraient plus nombreux à se faire dépister, et on pourrait ainsi mettre plus de patients sous ART [thérapie antirétrovirale] », a expliqué Fulgence Africa, médecin et directeur du département de Planification, coordination, suivi et évaluation du VIH de la Commission nationale de lutte contre le sida (CNLS).
La prévention est donc un problème persistant. Les préservatifs sont relativement mal acceptés car encore très connotés dans le pays. Leur distribution est géographiquement inégale et particulièrement insuffisante dans les zones rurales.
Le Rwanda a adopté une stratégie large, qui s’appuie aussi bien sur les principes d’éducation, d’abstinence, et de fidélité que sur la promotion de l’usage correct et constant du préservatif. Cependant, les groupes les plus exposés, comme les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, les travailleurs du sexe ou les chauffeurs routiers, sont encore mal informés sur le VIH.
Le dernier rapport sur le progrès vers un accès universel observe que le Rwanda doit identifier les principaux facteurs responsables de la pandémie, afin de s’assurer que les efforts de prévention sont adaptés aux schémas de transmission du VIH.
« Il faudrait mettre l’accent sur la connaissance de l’épidémie, de façon à élaborer des interventions sur mesure correspondant aux besoins des populations les plus à risques », d’après ce rapport. « Cette analyse approfondie devrait porter notamment sur les liens entre le VIH, les drogues et l’alcool ».