Kigali: En 2019, le président de la République, Pierre Nkurunziza avait publiquement mis fin aux contributions dites volontaires pour les élections de mai. Une année après la suspension de la mesure, International Crisis Group(ICG) vient de prouver que malgré les discours officiels, ces contributions continuent d’être perçues.
Dans un rapport que cette ONG vient de rendre public, il est clair que certains administratifs ont continué à collecter ces fonds. Des membres des partis d’opposition sont obligés de cotiser pour éviter des conflits avec les administratifs à un mois des élections.
Introduites en 2017, ces contributions aux élections de mai 2020 ont suscité plus d’attention et ont alimenté des polémiques.
D’abord volontaires selon l’ordonnance ministérielle des ministres de l’intérieur et des finances, International Crisis Group a trouvé dans ses enquêtes que la mise en application de cette ordonnance a été faite en ignorant le caractère volontariste.
“De nombreux Burundais ont payé les contributions parce que les autorités s’en prennent à ceux qui refusent de le faire. Un membre de la police ou de l’administration locale, accompagné des jeunes Imbonerakure, venait directement chez les citoyens pour percevoir les contributions. Cette jeunesse Imbonerakure qualifiée de milice par les Nations Unies intimidait les citoyens qui ne voulaient pas payer ou qui n’étaient pas en mesure de payer, les Imbonerakure recouraient parfois à la violence. Certains Burundais qui ont refusé de payer ont été incarcérés. Dans certains cas, les contributeurs ont eu des reçus, mais dans d’autres cas non” détaille le rapport de ICG.
International Crisis Group souligne que dans plusieurs localités du pays, les citoyens ne peuvent bénéficier des services publics sans avoir payé ces contributions.
“Certains se sont vu refuser des services publics tels que l’accès aux soins de santé et l’enregistrement des mariages ou des naissances. Les enfants de familles accusées de ne pas payer ont été renvoyés dans certaines écoles. Il existe de nombreux témoignages de citoyens qui ne pouvaient faire leurs achats sur les marchés locaux qu’après avoir présenté un reçu aux Imbonerakure à l’entrée du marché. Plusieurs opposants ont préféré fuir le pays par crainte d’être poursuivis”, ont indiqué les chercheurs de ICG.
En 2019, à la veille de la célébration du 57ème anniversaire de la fête de l’indépendance, le président de la République a mis fin a ce système de contributions dites volontaires.
Pierre Nkurunziza avait déclaré, sans préciser le montant, que la somme déjà collectée était suffisante pour le bon déroulement des élections de 2020.
Néanmoins, a-t-il nuancé, “ceux qui le veulent peuvent continuer à contribuer de façon volontaire’’.
Cependant, ICG précise que sur terrain, le forcing est toujours de mise à un mois des élections générales de mai prochain.
“Les collectes se font de manière moins systématique et à une échelle moins étendue, mais elles persistent. Jusqu’à maintenant, un citoyen ne peut pas avoir un service au niveau des communes sans avoir payé cette contribution. Il y en a ceux qui paient même trois fois par mois. Les personnes refusant de payer ou critiquant la collecte continuent d’être menacées. Dans l’entre temps, le gouvernement a initié d’autres programmes de collecte comme pour la construction des bureaux du gouvernement et du parti au pouvoir et à la célébration de journées spécifiques, telle que la Journée des Imbonerakure le 17 août 2019”, lit-on dans ce rapport.
Jusqu’au 31 mai 2018, la contribution aux élections s’élevait à plus de 17 milliards de frbu sur un but de collecte de 70 milliards de frbu.
D’après Domitien Ndihokubwayo, ministre des Finances, plus de 8,9 milliards de Fbu de cette somme représentent les contributions de la population.
Pour aider à apaiser les tensions à l’approche des élections de mai et préparer le terrain pour un engagement constructif, ICG recommande aux partenaires internationaux de faire pression sur les autorités burundaises pour qu’elles mettent fin définitivement à la collecte des contributions forcées de l’argent et de biens et de faire un compte rendu public de la façon dont les fonds collectés pour les élections ont été dépensés. Cette ONG demande également au gouvernement de poursuivre les auteurs d’abus graves et de détournement de fonds. L’ONG estime qu’il serait mieux que le gouvernement puisse accepter un débat sur les droits de l’homme et les réformes de la gouvernance. (Fin)