By Bizimana Jean Damascène*
Le 16 avril 1994, le gouvernement criminel a continué à mettre en œuvre son plan génocidaire d’exterminer les Tutsi dans tout le pays. Dans le cadre de nous remémorer les victimes du Génocide perpétré contre les Tutsi, la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG) continue à rappeler l’histoire de ce Génocide, comment celui-ci a été mis en œuvre au quotidien, et comment il a été exécuté à travers le pays le 16 avril 1994.
Nous publions aussi les massacres des Tutsi de la région de Nyamata qui ont été massivement perpétré le 15 avril 1994 dans l’église de Nyamata et qui se sont achevés le 16 avril 1994.
1. Le génocide perpétré contre les tutsi dans les bâtiments ecclésiastiques de Nyamata
Apres la mort du Président Habyarimana le 6 avril 1994, le 7 avril 1994 les Tutsi qui habitaient Nyamata et ses environs ont commencé à se réfugier dans différents endroits, certains d’entre eux ont voulu résister aux attaques mais succombèrent devant un ennemi plus fort. Nombre des Tutsi se sont réfugiés sur la Colline de Kayumba, en amont du centre de Nyamata.
Les 9 et le 10, les Tutsi qui se trouvaient à Kayumba ont tenté de se défendre et ont repoussé les attaques des tueurs et certains parmi ceux-ci furent blessés, mais ils sont allés appeler à la rescousse les militaires du camp Gako, clamant qu’à Kayumba il y avait des rebelles Inkotanyi. Le 11 avril 1994 vers 11h du matin, des miliciens Interahamwe et des militaires sont venus de Gako dans des bus de l’Etat. Ils ont tiré sur les Tutsi qui se trouvaient à Kayumba, les survivants descendirent pour aller sur le terrain qui se trouvait devant l’ancienne Commune Kanzenze, et vers 15h de l’après-midi le Bourgmestre Gatanazi est venu s’adresser à eux : « Enlever cette saleté de devant la commune », les Tutsi lui répondirent qu’ils n’avaient pas où aller et le Bourgmestre de leur répondre : « Où que vous alliez, vous serez tués. »
Les policiers communaux se sont immédiatement mis à tirer sur eux, et les Tutsi ont tous couru vers l’église. Mais les portes de l’église étaient fermées, le prêtre européen n’a pas voulu leur ouvrir, arguant qu’à Ririma des Tutsi avaient été tués dans leur établissement. Les Tutsi escaladèrent alors la clôture pour retomber à l’intérieur de l’enclos de la paroisse. Vers 17h, le prêtre a fini par ouvrir les portes de l’église aux réfugiés Tutsi qui s’y engouffrèrent. Ils étaient trop nombreux et à un certain moment les hommes et jeunes hommes ont laissé l’église aux femmes et aux enfants tandis qu’eux restaient à l’extérieur. D’autres allèrent s’installer au centre pastoral.
Le 12 avril 1994, les familles avec des enfants reçurent du riz à cuire, mais lorsque vers 10h ils allaient nourrir les enfants, des Interahamwe surgirent, lancèrent des grenades et tirèrent sur les réfugiés Tutsi, il y eu des morts et des blessés. L’attaque dura 30 minutes, avant de partir les tueurs renversèrent les marmites et leur contenu.
Le 13 avril 1994, les réfugiés ont pu s’organiser et cuire de la nourriture. Mais encore vers midi, des Interahamwe lancèrent une autre attaque qui dura elle aussi quelques 30 minutes, ils tirèrent sur les bergers qui gardaient es vaches près du cimetière, lancèrent des grenades dans l’église tuant et blessant des réfugiés, et une fois encore renversèrent les marmites pleines de nourriture. Le même jour, des militaires amenèrent à l’église des Tutsi qui venaient de Kanazi.
Le 14 avril 1994, arrivèrent d’autres Tutsi qui venaient de Maranyundo, certains parmi eux étaient des survivants des massacres de la colline de Rebero. C’est également à cette date que les prêtres européens quittèrent Nyamata.
Le vendredi 15 avril 1994, il y eu une autre attaque de tueurs dont des militaires qui venaient de Gako, les Interahamwe avaient revêtus leurs chemises pagnes, d’autres tueurs portaient des feuilles de bananiers pour se distinguer de ceux qu’ils allaient tuer. Un groupe a attaqué à partir de la route en dessous du cimetière, un autre à partir de la route qui menait aux écoles, et ils encerclèrent les réfugiés Tutsi.
Vers 11h du matin, les militaires ont commencé par tirer, et les réfugiés hommes leur lancèrent des pierres avant de se retirer et d’entrer dans l’église ; des gaz lacrymogènes et des grenades furent lancés dans l’église, les portes de l’église qu’essayaient de protéger les réfugiés pour interdire aux tueurs d’entrer, furent finalement défoncées, et, au son de leurs sifflets et tambours, les Interahamwe et d’autres paysans Hutu entrèrent dans l’église et tuèrent les réfugiés à coups de machettes et de gourdins, le carnage dura jusqu’à 16h de l’après-midi ; des femmes Hutu dépouillèrent les corps sans vie de leurs vêtements et fouillaient les victimes en quête d’argent.
Le 16 avril 1994, les massacres ont continué au centre pastoral, les tueurs y arrivèrent vers 14h de l’après-midi, les réfugiés hommes essayaient de se défendre à l’aide de morceaux de bois, mais les militaires et les Interahamwe leur lancèrent des grenades et en tuèrent un grand nombre ; les tueurs défoncèrent le portail et entrèrent, ils se mirent à massacrer les réfugiés qui se trouvaient à l’intérieur, le carnage dura jusqu’à 18h. C’est aussi le 16 avril 1994, que furent massacrés les Tutsi qui s’étaient réfugiés chez les sœurs benebikira à la maternité de sœur Agnès.
Le 17 avril 1994, les Interahamwe sont revenus et, par un communiqué, ils demandèrent aux survivants de sortir, que la paix était revenue et qu’ils allaient pouvoir rentrer chez eux ; ceux qui respiraient encore sortirent et on leur a fait s’asseoir sur le terrain. C’est encore le 17 avril 1994, qu’un engin a été amené pour creuser des fosses derrière l’église pour y jeter les corps des victimes qui commençaient à se décomposer, certains parmi ceux qui déplaçaient les corps étaient des prisonniers habillés de noir. Quant aux survivants à qui l’on avait promis la vie sauve, il a été décidé de les amener auprès des fosses et les y jeter, c’était plus facile que de transporter les lourds corps en décomposition sur des branches sur lesquelles restaient des lambeaux de ces corps.
Au mémorial du Génocide de Nyamata, ont été inhumés plus de 45,000 corps de victimes, dont ceux des Tutsi tués à l’intérieur de l’église et aux alentours, et d’autres qui ont été tués dans des endroits différents dont Mayange, Rebero , Maranyundo, Kayumba, Kanazi, Murama, Mwogo et ailleurs.
Quelques-uns parmi les responsables de ces massacres : Gasana Jauma (Sous-préfet de la Sous-préfecture de Kanazi), Gatanazi Bernard (Bourgmestre de la Commune Kanzenze), Karerangabo Vincent (Inspecteur), Bizimana Jean de la Croix (Directeur de l’école catholique de Nyamata), Ngombwa Gervais (Commerçant), Janvier (Agent du Ministère des travaux publics, réside actuellement à l’étranger, c’est lui qui a disponibilisé l’engin qui a creusé des fosses pour y jeter les corps des victimes), Ntambara (Policier, il a purgé sa peine, il admet avoir tué des Tutsi dont il ne connait pas le nombre), Rwabidadi (Militaire, purge sa peine à Ririma), Rwarakabije Bernard (Interahamwe), Mugaga (Interahamwe, réside au Malawi), Pasteur Uwinkindi Jean; Nzarora Laurent (reserviste), Wacawaseme (chauffeur de la commune Kanzenze), Niyibizi Cleophas (conseiller de secteur Kanazi), Murangira Richard (commercant), Pierre (agent de la Pharmacie Sodephar), Rwamwaga (commercant).
2. Massacres de Tutsi à Mugonero/Karongi
A Mugonero, les adventistes du 7eme jour avaient construit un hôpital, et une école d’infirmiers Les adventistes du 7ème jour étaient dirigés par le Pasteur Ntakirutimana Elizapan et son fils Ntakirutimana Gérard qui dirigeait l’hôpital de Mugonero. Pendant le Génocide, les Tutsi qui se sont réfugiés à Mugonero venaient surtout des Communes Gishyita, Gisovu et Rwamatamu. Les Tutsi ont commencé à s’y refugier depuis le 8 avril 1994.
Le 15 avril 1994, le Pasteur Ntakirutimana Elizaphan, accompagné des gendarmes qui y assuraient la sécurité, s’est rendu à une réunion à la Préfecture de Kibuye, pour revenir vers 19h du soir, et certains des gendarmes commencèrent à dire aux réfugiés qu’ils ont participé à une réunion qui planifiait leur extermination pour le lendemain samedi 16 avril 1994. Parmi les réfugiés il y avait des Pasteurs Tutsi qui adressèrent une lettre au Pasteur Ntakirutimana lui demandant de protéger les réfugiés Tutsi et ne pas faire couler leur sang un samedi jour de prières, et ils lui demandèrent d’appeler à l’aide le Bourgmestre de la Commune Gishyita Sikubwabo Charles qui avait toujours été leur collaborateur, rappelant que le père de celui-ci était lui-même Pasteur dans leur église. Le Pasteur Ntakirutimana leur répondit dans une lettre dans laquelle il leur signifia qu’il ne pouvait plus rien faire, que la décision de les tuer avait été prise et qu’elle devait être exécutée coûte que coûte.
Le 16 avril 1994, les Tutsi furent attaqués mais résistèrent depuis 8h du matin jusqu’à 13h de l’après-midi. Les tueurs allèrent chercher des renforts à Kibuye, lesquels arrivèrent munis d’armes de guerre, et désormais plus forts que les Tutsi commencèrent à massacrer ceux-ci à l’hôpital, à l’église et à l’école des infirmiers. Ont participé à l’attaque le Préfet de Kibuye, Dr Kayishema Clement, le Bourgmestre Sikubwabo Charles, NTAKIRUTIMANA Elizafani, Dr NTAKIRUTIMANA Gérard, le commerçant RUZINDANA Obed et d’autres. Le Bourgmestre Sikubwabo est entré dans l’église et a demandé aux femmes Hutu mariées à des Tutsi de sortir, et deux femmes sortirent laissant à leur triste sort leurs enfants.
Parmi les tueurs il y avait des militaires, des gendarmes et des Interahamwe. Ils sont entrés dans l’église en tirant et en lançant des grenades, et de nombreux Tutsi périrent tandis que d’autres furent grièvement blessés et furent achevés. Ils ont continué à tuer les Tutsi qui s’étaient cachés à l’hôpital et à l’école des infirmiers dont des étudiants.
3. Massacres de Tutsi à l’église catholique de St Jean, Karongi
A l’église catholique de Kibuye et au Home st Jean qui lui est affilié, ont été tués de nombreux Tutsi pendant le Génocide. Près de 11,400 Tutsi s’y sont réfugiés et venaient principalement des Communes Gitesi, Mabanza, Gisovu na Gishyita.
Ils y sont arrivés très nombreux le 12 avril 1994. Le 14 avril 1994, la faim a commencé à tenailler ceux qui se trouvaient dans l’église, et le curé de la Paroisse de Kibuye, Senyenzi, est allé contacter le Bourgmestre de Gitesi, Karara Augustin, et lui demander assistance et protection, ce qui lui fut refusé.
Le Préfet Kayishema Clement adressa une lettre au Père Senyenzi et au Bourgmestre Karara, ordonnant d’envoyer les Tutsi qui se trouvaient à l’église au stade Gatwaro où ils seraient protégés parce qu’il était difficile de leur trouver des militaires qui assureraient la sécurité des seuls réfugiés de l’église. Le Père Senyenzi refusa et demanda aux réfugiés de rester à l’église.
Mihigo Juvénal qui était Président du Tribunal de première Instance de Kibuye a conseillé à un Frère Tutsi de ses amis, Joachim Rugabagaba, qui habitait ensemble avec le Père Senyenzi, de prendre la fuite parce que leur extermination était en cours de planification. Ce Frère pris effectivement la fuite tandis que le Père Senyenzi l’a refusé, lui disant qu’il ne pouvait abandonner les brebis dont il avait fait le serment d’être l’indéfectible berger.
Au Home st Jean, les Tutsi furent assistés surtout par une Belge du nom de Emma et qui était la gérante de ce home ; elle sortait et allait quérir des informations qu’elle fournissait au Père Senyenzi, elle lui disait que leur mort était en cours de planification. Des Interahamwe ont battu cette dame, démoli sa maison et brûlé son véhicule au Home St Jean parce qu’elle portait assistance aux Tutsi. L’ambassade de Belgique s’est fait assister de la MINUAR pour l’évacuer, et elle est partie triste de ce qu’elle avait vu et de devoir quitter ceux qui s’étaient réfugiés auprès d’elle.
Le 12 avril 1994, les canalisations qui fournissaient de l’eau à la paroisse et qui étaient branchées à un château d’eau situé à l’intérieur du camp militaire de Kibuye, furent fermées. De nombreuses réunions furent organisées à la Commune Gitesi pour planifier le massacre des réfugiés Tutsi, elles étaient dirigées par le bourgmestre Karara Augustin, Rusezera Innocent, Kayihura Bernard et d’autres.
Le samedi 16 avril 1994, des Interahamwe et d’autres tueurs ont attaqué la paroisse et les réfugiés qui se trouvaient dans l’église ont repoussé l’attaque à laquelle avait participé près de 100 Interahamwe. Les tueurs sont allés se concerter et sont revenus le lendemain dimanche 17 avril 1994, avec des militaires, des gendarmes, des surveillants de prison, des Interahamwe munis d’armes à feu – ils avaient reçu en cachette des entrainements au maniement de celles-ci -, de grenades, de machettes et autres armes diverses. Le Préfet de la Préfecture Kibuye, Kayishema Clément, est venu en personne à l’église en conduisant lui-même son véhicule, et a dit aux tueurs qu’il avait reçu l’ordre de tuer les Tutsi et leur a demandé de commencer immédiatement à le faire.
Les attaques commencèrent par des tirs en dehors et dans l’église. Le camp militaire situé près de la colline Gatwaro s’est mis à bombarder l’église et leur envoyer des grenades lacrymogènes. Ce jour de très nombreux Tutsi furent tués dont le Père Senyenzi Boniface, abattu avec beaucoup d’autres au Home st Jean. Le chef des Interahamwe, Rukundo Emmanuel, a donné le signal d’entrer dans l’église, et ils commencèrent à tuer à la machette, à l’épée, tuant sans pitié les enfants en bas âge, les corps étaient empilés les uns sur les autres. Parfois, des personnes encore vivantes étaient en dessous des cadavres.
Les femmes et les filles ont été violées avant d’être tuées et dépouillées, tout comme les hommes, de leurs vêtements. Des enfants sont morts alors qu’ils tétaient encore le sein de leurs mères mortes. Des Interahamwe ont été postés sur la rive du lac Kivu pour empêcher les Tutsi d’aller s’y abreuver pendant la journée ou prendre la fuite ; en effet, à part la petite route qui menait à la paroisse, celle-ci était entourée par le lac Kivu. Peu après, les autorités et divers autres intervenants, telle la croix rouge, ont évacué les corps des victimes qui ont été ensevelis dans des fosses communes creusées à cet effet.
Près de 150 enfants Tutsi ont été amenés du Home st Jean à l’hôpital de Kibuye pour y être tués. Des agents de nationalité étrangère de la croix rouge, et qui connaissaient ce qui était arrivé aux 150 enfants Tutsi, accueillirent des enfants Hutu dans ce qu’ils ont appelé « enfants du monde » pour faire le change et prétendre qu’il s’agissait de survivants Tutsi alors que les enfants Tutsi avaient été tués.
4. Massacres de Tutsi à Rukumberi
Rukumberi est un des Secteurs qui composaient la Commue Sake, en Préfecture de Kibungo. Le fait d’être entouré par les lacs Mugesera et Sake, et la rivière Akagera, a facilité aux Interahamwe le massacre des 35,000 Tutsi qui y habitaient, les Inkotanyi n’ont pu sauver que quelques 700 survivants dont la plupart étaient grièvement blessés.
Les massacres de Tutsi à Bukumberi ont commencé le 7 avril 1994 matin dans la Cellule Ntovi. Les Tutsi de la région, très nombreux, ont d’abord résisté. Malgré les Interahamwe, les policiers armés de fusils, dont Butoyi, Ignace et Uwimana, ils n’ont pas pu tuer de nombreux Tutsi ce jour-là. Ils n’ont pu tuer que les membres de deux familles d’enseignants, celle de Nyiramuroli Elisabeth et celle de Ntaganda Celestin qui était le directeur de l’école primaire de Rwintashya.
Le 8 avril 1994, des Interahamwe armés d’armes traditionnelles sont venus de la Commune Sake, des policiers communaux de la Commune Sake dirigés par le Bourgmestre Ernest Rutayisire et le député Mutabaruka Sylvain ont rencontré à l’église ADEPR de Rwintashya, Birindabagabo Jean Paul qui avait amené des militaires dans son véhicule. Cette église de Rwintashya était située dans le Secteur Rukumberi où de nombreux Tutsi, surtout des adeptes de l’ADEPR, s’étaient réfugiés. Ils étaient réunis dans l’église et priaient sous la direction du Pasteur Tutsi Yaramba ; les tueurs ont défoncé la porte et Birindabagabo, lui-même adepte de l’ADEPR et qui fréquentait cette église, a donné le signal des massacres en abattant lui-même le Pasteur Yaramba. Des grenades furent lancées sur les Tutsi, et ceux qui essayaient de s’échapper étaient tués à la machette par les nombreux Interahamwe qui avaient encerclé l’église. Plus de 1,800 Tutsi furent tués lors de cette attaque.
Le 10 avril 1994, le Bourgmestre de la Commune Sake Ernest Rutayisire, le député Mutabaruka Sylvain et Birindabagabo Jean Paul, qui continuaient à coordonner les massacres à Rukumberi, ont lancé une autre attaque dans la Cellule de Ntovi. Lors de cette attaque ils ont reçu le renfort de réfugiés Hutu burundais qui avaient leur camp dans la Commue Sake, ils ont tué de nombreux Tutsi cachés dans les champs de sorgho et ailleurs, mais l’attaque a visé spécialement le domicile du nommé Ruhumuriza et y ont été tués un grand nombre de Tutsi qui s’y étaient réfugiés, dont de nombreux enfants, femmes et autres personnes vulnérables qui n’avaient pas pu fuir. Plus de 200 Tutsi, dont une majorité de femmes, y furent massacrés.
Le 11 avril 1994, Mutabaruka, Rutayisire et Birindabagabo sont allés au camp militaire de Kibungo pour demander des militaires pour attaquer les Tutsi de Rukumberi, arguant mensongèrement que ceux-ci avaient reçu le renfort des inyenzi et résistaient ; ils ont reçu 4 bus remplis de militaires avec leur matériel comme s’ils allaient à la guerre, et les Tutsi de Rukumberi furent massacrés à l’aide d’armes lourdes qui démolissaient et incendiaient leurs maisons. Ce même jour, la chapelle de l’enseignant nommé Gasarasi Osée où des Tutsi s’étaient réfugiés et étaient en train de prier, fut attaquée par les tueurs qui les massacrèrent et incendièrent la chapelle. Parmi les tueurs de cette chapelle, a été vu Twahirwa François, originaire de Rukumberi et directeur général au Ministère de la fonction publique, qui était sur place pour superviser les massacres.
Le 16 avril 1994, les Tutsi de Rukumberi étaient à bout, extenués par les attaques incessantes de tous les jours, et l’attaque du jour devait, comme s’en était vanté le député Mutabaruka, balayer les survivants. Ce jour-là, le lac Mugesera qui relie Sake, Mugesera et Bicumbi, était rempli d’embarcations transportant des Interahamwe venant de Mugesera, de la Commune Bicumbi pour aller appuyer les militaires qui étaient en train de semer la désolation à Rukumberi ; ceux qui débarquèrent ont commencé par traquer les Tutsi qui s’étaient cachés dans les marécages et sont remontés vers la terre ferme pour les traquer dans les champs de sorgho, tuant un nombre incalculable de Tutsi.
Le même jour des Tutsi désespérés ont préféré se suicider dans l’eau du lac ou dans les sols mouvants des marécages, en lieu et en place d’être tués de façon atroce. Le domicile du nommé Mushoza qui avaient accueilli des réfugiés Tutsi, essentiellement des femmes, des enfants et de vieilles personnes, fut attaqué par des tueurs dont des militaires, dirigés par le député Mutabaruka ; ils massacrèrent tous les Tutsi, les corps s’empilaient à l’intérieur et à l’extérieur de la maison, les corps sans vie des femmes étaient dépouillés de leurs vêtements par les femmes Hutu qui suivaient les groupes de tueurs pour piller. Lors de cette attaque, le député Mutabaruka Sylvain s’est assis au bord de la route et a commandé de la bière pour se féliciter d’avoir terminé le «travail » à Rukumberi. A cette seule date, ont été tués à peu près 10,000 Tutsi dans le Secteur de Rukumberi.
Les jours suivants, d’autres attaques ont continué à viser les Tutsi qui avaient survécu, et les tueurs, armés de machettes, ont ratissé les champs de sorgho, rasant systématiquement ceux-ci pour qu’il n’y ait pas le moindre endroit où les Tutsi pourraient se cacher.
A Rukumberi les Tutsi furent attaqués et tués à leurs domiciles, comme chez Cyabatende Marianne, chez Nyagasaza et d’autres endroits où s’étaient réfugiés les plus faibles qui ne pouvaient pas fuir, les femmes, les enfants, les blessés qui tous se cachaient dans les maisons qui n’avaient pas encore été détruites. Ils ont rasé les champs de sorgho et les bananeraies où les Tutsi pourraient se cacher, si les troupes du FPR Inkotanyi n’étaient pas arrivés à Rukumberi le 5 mai 1994, aucun Tutsi de la région n’aurait survécu car les tueurs avaient également pris la décision de brûler les marécages, ce qu’ils n’ont pas eu le temps de faire.
Parmi les tueurs et les responsables des massacres de Rukumberi, il y a les personnes suivantes: l’Assistant Bourgmestre Albert originaire de Jarama dans Sake, Bizimana André, Inspecteur, Butoyi, policier communal, Dorisi, chauffeur d’ambulance au Centre de Sante de Rukoma, Gapfizi, commerçant, Gasirabo Twaha, commerçant dont le véhicule transportait les Interahamwe partout où ils allaient tuer, Habimana Edward, enseignant, Habyalimana, responsable de la Cellule Mugwato, Hadigi, militaire: il n’a jamais été poursuivi et réside àKi misagara-Nyabugogo, Harerimana Ezechiel, enseignant, Hategekimana Gaspard, commerçant au marché de Rubona, Ignace, Brigadier à la Commune Sake, Isidoli: chauffeur de la Commune Sake, Kagorora, commerçant, Kamanzi Stanislas, enseignant, Kampayana Cyprien, Conseiller du Secteur Sholi : celui-ci remplaçait le Bourgmestre en l’absence de celui-ci, Rusatsi, enseignant, Karegeya Augustin, président des Interahamwe dans la Commune Sake. Celui-ci réside aux USA, une personne originaire de Sake et résidant aux USA, Semuhungu, l’y a vu et connait où il habite, Kiruguya: un murundi qui dirigeait le camp de réfugiés, Mabeyi, fils de Rulinda, Misago, vice-président des Interahamwe dans la Commune Sake et réside au Malawi, Mugabushaka Innocent, Percepteur de la Commune Sake, Munyankwiro, réserviste, Ngendahimana Jeremiah, Responsable de l’école de Rwintashya, Nizeyimana Augustin, commerçant, son véhicule transportait les Interahamwe lors des attaques: réside au Malawi, Nkezabera, commerçant, Nzabagumira, commerçant, Rurinda, responsable de la Cellule Rukongi, Rutuku qui dirigeait les groupes de tueurs qui venaient de Bicumbi et traversaient le lac Mugesera, Rwabuzisoni Ladislas, les réunions se tenaient chez lui, Rwasibo, commerçant, Shirimpaka, commerçant, Gafunzo, Turatsinze: chauffeur de Nizeyimana, Mariyamu, Uwimana, policier communal, Yeremiya, enseignant : a fui les juridictions Gacaca.
5. Massacres de Tutsi dans Rwamagana
Chez le Conseiller Turatsinze François de Kigabiro, Rwamagana, ont ete tuees de nombreux Tutsi qui s’y étaient réfugiés et auxquels il avait promis d’assurer la sécurité. Des enfants en bas âge furent enlevés des bras de leurs mères et jetés vivants dans des latrines, avec la participation du Bourgmestre Bizimana Jean Baptiste de la Commune Rutonde. A l’hôpital de Rwamagana, ont été tués les malades Tutsi ainsi ceux qui veillaient sur ceux-ci et d’autres qui, venant de la ville de Rwamagana, s’y étaient réfugiés.
Au Groupe Scolaire st Aloys, ont été tués des Tutsi qui s’y étaient réfugiés et qui étaient venus de la ville de Rwamagana, et des localités de Nyarusange Gishali et Mwurire, fuyant les massacres qui y sévissaient. Parmi les tueurs il y avait Nkundabakuru alias Nkunda, Karorishoti, Conseiller de Rwibuko, Munyambo et des gendarmes du camp de gendarmerie de Rwamagana.
Au lac Muhazi, dans le Secteur de Muhazi, Rwamagana, ont également été tués près de 3000 Tutsi. Les Interahamwe les ont dénudés, battus, tailladé les talons d’Achille et jetés dans le lac Muhazi. Les tueurs faisaient porter aux parents leurs enfants dans le dos et les jetaient ensemble dans le lac Muhazi, tout en sachant qu’ils ne savaient pas nager, et ceux-ci se noyaient et mourraient sur le champ. Les tueurs lestèrent de grosses pierres leurs victimes pour que leurs corps ne puissent jamais remonter à la surface, et les jetaient dans le lac.
Ceux qui se sont réfugiés sur la colline de Rutonde, ont résisté aux attaques des Interahamwe depuis le 12 jusqu’au 15 avril 1994, ils étaient venus de localités différentes et s’y étaient rassemblés en grand nombre ; le 16 avril 1994, ils furent défaits et tués, il y eu très peu de survivants. Parmi les Interahamwe tueurs il y avait le policier du nom de Mugwaneza, Habiyakare, Ruhatana, Sibomana, Rusatsi, Ntihabose, Mudaheranwa, et d’autres.
Conclusion
Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été planifié et exécuté par l’Etat. Le fait que depuis le 7 avril 1994 au matin, les Tutsi ont été en même temps massacrés sur toute l’étendue du pays, à partir de Kigali, et ailleurs, démontre sans le moindre doute que le Génocide avait été planifié par l’Etat rwandais. (Fin)
Bizimana Jean Damascène est Secrétaire Exécutif de la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide, CNLG