7-8 mai 1994: Génocide perpétré contre les enfants-orphelins Tutsi au Village SOS de Gikongoro

By BIZIMANA Jean Damascène*

Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été caractérisé par des atrocités, que ce soit pour la façon avec laquelle les Tutsi ont été tués, en leur déniant toute humanité, en tuant les malades sur leurs lits d’hôpital, en les massacrant dans des églises et dans beaucoup d’autres endroits où ils s’étaient réfugiés. Les atrocités ont dépassé toutes les limites quand des enfants orphelins du Village SOS de Gikongoro ont été tués par leurs éducateurs en totale négation des principes fondamentaux de ceux qui ont fondé les établissements Villages d’enfants SOS.

1. Transformation du Village SOS de Gikongoro en un lieu de rassemblement de génocidaires

Le Centre Village d’enfants SOS de Gikongoro était dirigé par Marc YIRIRWAHANDI, secondé par Venuste NYOMBAYIRE qui était originaire de la Préfecture de Byumba; ce Centre prenait soin d’enfants orphelins.  Dans la nuit du 7 au 8 mai 1994, les orphelins Tutsi ont été sélectionnés et tués.

Venuste NYOMBAYIRE avait été envoyé à Gikongoro par le Ministère de l’Intérieur, alors qu’il était un agent de la Préfecture Kigali Rural, dans le but de le protéger de graves accusations qui le visaient pour avoir participé activement aux massacres de Tutsi commis en mars 1992 dans la région de Bugesera. Celui qui l’a engagé au Village d’Enfants SOS de Gikongoro, c’est MUNYANGABE Marcel qui était le Directeur général de SOS au niveau national, et qui figurait parmi les milices Interahamwe les plus zélés dans la localité de Kacyiru.

Arrivé à Gikongoro, NYOMBAYIRE s’est empressé de saborder systématiquement le Directeur du Village d’Enfants SOS dans le but de le remplacer. Pour accéder au poste de Directeur du centre en remplacement de Marc YIRIRWAHANDI, un Tutsi, il a comploté contre celui-ci qui fut victime d’une violente attaque à la grenade le 8 avril 1994. Il fut blessé grièvement, raison pour laquelle il s’est enfui, a quitté Gikongoro pour aller à Butare, sa région d’origine, dans l’ancienne  Commune Mbazi.

La grenade en question avait été lancée par NSENGUMUREMYI Alphonse, un agent de l’ELECTROGAZ à Gikongoro, sous l’instigation de NYOMBAYIRE; NSENGUMUREMYI s’est par ailleurs distingué comme étant un redoutable tueur. Après la fuite de Marc YIRIRWAHANDI, Venuste NYOMBAYIRE s’est d’office installé au poste de Directeur du Village d’Enfants SOS de Gikongoro, où il s’était arrogé de tous les pouvoirs, tant celui de tuer que celui de sauver.

Il faut aussi signaler que depuis son arrivée, Venuste NYOMBAYIRE a intégré la clique d’extrémistes Hutu qui occupaient divers postes de responsabilité dans la Préfecture de Gikongoro, et dont la plupart étaient des gens du nord du pays, originaires de Ruhengeri, Gisenyi et Byumba; ceux-ci ont planifié le Génocide dans Gikongoro. 

SOS Gikongoro possédait de nombreux bâtiments, sis dans un endroit discret, raison pour laquelle ils étaient destinés à être utilisés pour abriter des réunions qui planifiaient le Génocide et pour d’autres activités relatives à la préparation de massacres.

Cette clique de meneurs du génocide à Gikongoro était notamment composée par :

  le Préfet BUCYIBARUTA Laurent;

  le Sous-préfet Froduald HAVUGIMANA;

  le Colonel SIMBA Aloys;

  le Bourgmestre de Nyamagabe   Félicien SEMAKWAVU;

  NDEREYEHE Charles NTAHONTUYE, originaire de Ruhengeri et qui dirigeait le projet de développement de l’agriculture dans Gikongoro, PDAG, avant qu’il ne soit muté à l’ISAR Rubona. Il réside aux Pays Bas;

  Célestin MUTABARUKA qui dirigeait le projet de développement de l’agriculture et de l’élevage dans la région à proximité de la Crète Zaïre Nil, CZN, (il réside en Grande Bretagne) ;

  le Capitaine Faustin SEBUHURA, originaire de Ruhengeri, et qui était le commandant adjoint de la gendarmerie à Gikongoro (décédé) ;

  Denis KAMODOKA, Directeur de l’usine à thé de Kitabi, et qui était originaire de la Commune Mutura dans Gisenyi ;

  Juvénal NDABARINZE Directeur de l’usine à thé de Kitabi, originaire de la Commune Nkumba dans Ruhengeri;

  SEMIGABO Celse qui était Procureur de la République à Gikongoro ;

  Justin AYURUGARI chef de l’ELECTROGAZ à Gikongoro et originaire de Ruhengeri,

  Fabien UWIMANA qui était le responsable du service de renseignement ;

  Innocent TANGISHAKA qui était chargé de l’Immigration et de l’Emigration ;

  RURANGWA Joseph qui dirigeait le centre de perfectionnement CPDFP ;

  le Sous-préfet de la Sous-préfecture Munini Damien BINIGA ;

  Joseph NTEGEYINTWALI, Sous-préfet de Karaba;

  le Sous-préfet Joachin HATEGEKIMANA ;

  David KARANGWA qui était greffier du Tribunal de Canton de Gikongoro, et d’autres.

C’est cette clique qui a planifié la mise en oeuvre du Génocide dans la Préfecture de Gikongoro, NYOMBAYIRE l’a intégrée à son arrivée à Gikongoro vers 1992.

2.      Massacre des enfants orphelins Tutsi au centre SOS de Gikongoro

SOS Gikongoro employait majoritairement des Hutu et quelques Tutsi qui s’occupaient de tâches subalternes. Dans la nuit du 7 au 8 mai 1994, NYOMBAYIRE Venuste a amené dans le centre SOS des Interahamwe qui ont tué les orphelins Tutsi en collaboration avec KABARERE Venantie qui était éducatrice de ces enfants; elle a été condamnée pour crime de génocide par les juridictions Gacaca et est actuellement incarcérée dans la prison de Nyamagabe.

Venuste NYOMBAYIRE a ouvert la porte de la chambre où étaient rassemblés ces enfants qui furent immédiatement tués.

Parmi les enfants, il y en avait huit (8) qui étaient venus de Kigali, du centre SOS de Kacyiru, pour, semble-t-il, les éloigner des zones de combats, et les six (6) Tutsi parmi eux furent également sélectionnés pour être tués. Ces enfants avaient été sélectionnés par NYOMBAYIRE qui les avait séparés des autres et les avait mis dans une salle à part vers le 6 mai 1994, ce qui démontre qu’il savait qu’ils allaient être tués le temps venu.

Le soir du 7 mai 1994, NYOMBAYIRE a sélectionné parmi les orphelins Tutsi une jeune fille de 12 ans et la livra à l’Interahamwe du nom de RUZINDANA dans le cadre de le remercier pour participer au massacre des enfants, et l’a autorisé à la violer toute la nuit avant de la tuer le lendemain, ce qu’il a fait.

Dans son témoignage, KABARERE Venantie qui a participé au massacre de ces enfants, affirme qu’elle se souvient seulement de quelques noms de victimes, à savoir Ernestine, Hélène et Janson, et qu’elle ne se souvient pas des autres.

Entre quinze (15) et vingt (20) orphelins Tutsi ont été tués au centre SOS de Gikongoro.

 3.      Massacre des employés Tutsi de SOS Gikongoro

Au cours de cette nuit, après avoir massacré les enfants, les tueurs ont également donné la mort aux employés Tutsi de SOS Gikongoro, en commençant par ceux qui étaient de garde la nuit. Ils ont alors tué le gardien de nuit NYIRIMIRERA, avant d’attaquer son domicile et de tuer son épouse et ses quatre enfants; ils ont aussi tué le jardinier Ntaganda Pierre. Parmi les tueurs il y avait notamment NDIRAMIYE Boniface, MBIGIZEMBISHAKA Jean, KANYAMANZA Damascène, Athanase, Marc et d’autres.

Les enfants et les employés ont été tués par un groupe de tueurs amené par Venuste NYOMBAYIRE et composé notamment par: MUNYANGOGA qui était gardien de nuit à l’ELECTROGAZ à Gikongoro, NSENGUMUREMYI Alphonse lui aussi agent de l’ELECTROGAZ et qui était parmi les dirigeants des Interahamwe de Gikongoro, KANYAMANZA Jean Damascene, HABARUREMA Fidèle, KAKIRA Ildefonse, HABINEZA alias MAPENDU, RUSATSI Juvénal, Anastase alias RUHABANA, GASANA fils de NYAMWASA, NYAMUHENE Vianney, GASIMBA, François fils de NYARUGWE, NDAYISABA alias KINONKO, NAHAYO Elisée, RUBERAMANZI Innocent, UTAZIRUBANDA Emmanuel, BISHOKANKINDI, MUSABYIMANA alias BISABO, HASHAKIMANA, MUNGWARAREBA.

NYOMBAYIRE était allé au centre commercial de Gatyazo chercher ces Interahamwe, lesquels étaient dirigés par MUNYANGOGA Félicien.

Le 16 octobre 2009, Venuste NYOMBAYIRE a été condamné par contumace par la juridiction Gacaca de secteur Gasaka à la prison à vie.

CONCLUSION

Le Génocide perpétré contre les Tutsi a été caractérisé par les massacres commis contre des enfants, des jeunes gens et des femmes. Les atrocités sans nom commises contre les enfants constituent la preuve irréfutable qu’un génocide avait été planifié pour exterminer les Tutsi. (Fin).

Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)