By Dr BIZIMANA Jean Damascène;
En juin 1994, dans les régions que le FPR Inkotanyi n’avait pas encore prises, les tueurs ne se sont pas contentés d’exterminer les Tutsi, ils ont poussé la cruauté jusqu’à l’extrême. Dans Ngororero, après avoir tué les Tutsi, ils ont pendant ce même mois de juin 1994, massacré dans des conditions atroces des enfants nés de mères Hutu et de pères Tutsi.
1) À KAVUMU, LE GÉNOCIDE A ÉTÉ MIS EN ŒUVRE DE LA MANIÈRE LA PLUS ATROCE
Kavumu était l’un des Secteurs de la Commune Ramba, en Préfecture de Gisenyi, et était une des localités habitées par de nombreux Tutsi dans Gisenyi. L’histoire de Kavumu nous révèle que c’est une localité où les Tutsi ont toujours été victimes de harcèlements et de massacres depuis 1959, et ceux qui n’ont pas fui le pays ont continué à y vivre dans des conditions déplorables. Lors du Génocide perpétré contre les Tutsi en 1994, les Tutsi de cette région ont presque tous été exterminés ; la plupart ont été tués dans des lieux de prières et dans les bureaux des Communes Ramba et Gaseke.
Les massacres des Tutsi et la manière particulièrement atroce avec laquelle le Génocide a été exécuté transparaissent dans le mémorial de Kavumu où reposent les corps de vingt-quatre mille cent quatre-vingt-huit victimes qui ont pu être récupérés (24,188). Des corps ensevelis dans des endroits différents non encore identifiés, n’ont pas encore pu être récupérés alors que les massacres ont été commis en plein jour. Par exemple, les corps des victimes Kamanzi et Biraro n’ont pu être récupérés qu’après vingt-quatre (24 ans).
En 1994, la Commune Maraba était dirigée par le Bourgmestre KARASIRA Leonard qui était membre du parti MRND. KARASIRA Leonard collaborait avec le Sous-préfet BAZIMAZIKI Bernardin de la Sous-préfecture de Ngororero de laquelle faisaient partie les Communes Satinskyi, Ramba et Kibirira. Les Interahamwe ont été les auteurs principaux des massacres, mais bien qu’ils fussent les plus nombreux, ils collaboraient avec les Impuzamugambi de la CDR et portaient les mêmes costumes lorsqu’ils allaient tuer les Tutsi.
Parmi les Tutsi qui ont été tués, il y a la famille de Kabirigi, tuée par leurs voisins, la famille de Binama, celle de Munyakayanza Isidore qui était enseignant, Ntiyamira Leonard et sa famille, la famille de Kagaragu, Mudahangarwa, Gatsimbanyi, Rutayisire, Sebagaramba, Uwiringiyimana, Nshimiyimana, Nsengiyumva, Nyamugira, Ndamage, Kayitsinga, Zaninkwano, Gatari, Nyiraromba, Bukamba, Uwonkunda Annonciata, Kamirindi, Furere et ses deux enfants, Kayibanda Mathieu, Murengerantwari et d’autres.
Vingt (20) autres de la même famille de Dativa Uwamwiza ont également été tués, leurs corps ont d’abord été inhumés dans une tombe qui était située près de l’endroit où il est dit qu’habitait une des épouses du roi Rwabugiri, avant d’être déplacés en 2018 et inhumés dans le mémorial de Kibirira.
Au mémorial de Kavumu ont été inhumés trois cent septante quatre (374) corps de victimes Tutsi, mais ils n’ont pas été les seuls à y être tués car d’autres corps ont été inhumés dans d’autres mémoriaux, à Ngororero, Kabaya ou Kibirira.
Les Interahamwe et les Impuzamugambi ont collaboré dans tous les massacres commis à Ramba, surtout dans les Secteurs de Sovu et Bayi, et étaient dirigés par le nommé BARAKOMERA ; ces tueurs ont été assistés dans leur sinistre besogne par d’autres venus des Communes Gaseke et Satinskyi.
De nombreux Interahamwe venaient de Ngororero et étaient dirigés par KABALIRA Téléphone qui était inspecteur des écoles et qui dirigeait aussi les Interahamwe de la Commune Satinskyi, tandis que son épouse MUKARUZIGA Eugénie était Vice-présidente de la CDR dans la Commune Satinskyi dans laquelle était situé le siège de la Sous-préfecture Ngororero.
MBARUSHIMANA Bonaventure, qui était commerçant et Président du MRND dans la cellule Mucano, a participé activement aux massacres de Tutsi dans des endroits différents car il mettait à disposition son véhicule pour transporter les Interahamwe et les Impuzamugambi qui allaient tuer.
Un autre Interahamwe qui a participé très activement au Génocide dans Ngororero est le nommé NYANDWI Jean Claude qui était enseignant à l’école primaire de Kavumu en Commune Ramba.
2) APRÈS LA MISE À MORT DES AUTRES TUTSI, DES MASSACRES ONT ÉTÉ COMMIS DE FAÇON ATROCE CONTRE DES ENFANTS NÉS DE MÈRES HUTU ET DE PÈRES TUTSI
Conformément à la culture rwandaise en vigueur en 1994, l’enfant prenait l’ethnie de son père, laquelle était inscrite dans la carte d’identité de l’enfant qui avait atteint l’âge recevoir celle-ci. Ce qui veut dire que lorsqu’un homme Tutsi épousait une femme Hutu, leurs enfants prenaient l’ethnie Tutsi. Tandis que lorsqu’un homme Hutu épousait une femme Tutsi, leurs enfants prenaient l’ethnie Hutu. C’est pourquoi pendant le Génocide, les enfants nés de pères Tutsi et de mères Hutu étaient considérés comme des Tutsi et tués comme tels, victimes de l’ethnie de leurs pères.
Le 8 juin 1994, les Interahamwe du MRND et les Impuzamugambi de la CDR venaient de tuer des Tutsi de sexe masculin parmi lesquels il y avait de nombreux hommes qui avaient épousé des femmes Hutu, et de détruire leurs maisons d’habitation. Les Interahamwe ont tué les Tutsi au début du mois d’avril 1994, et ont placé les enfants nés de mères Hutu et de pères Tutsi dans une maison dont la garde a été confiée aux mères de ces enfants. Mais pour s’assurer que ces femmes ne s’enfuiront pas, des Interahamwe ont été désignés pour rester sur place et les surveiller. Il y avait 13 enfants dont des nourrissons. Le 8 juin 1994, les Interahamwe ont tué ces enfants parmi lesquels un seul a pu survivre. Les Interahamwe les ont tués de la façon la plus atroce, ont jeté des enfants dans une fosse et les ont ensevelis vivants ; les Interahamwe ont ensuite ordonné à leurs mères Hutu de retourner dans leurs familles.
CONCLUSION
Ngororero était dirigé surtout par des membres du parti MRND, et au siège de la Sous-préfecture de Ngororero, un bâtiment servait de « maison du MRND ». C’est pourquoi les milices Interahamwe et leurs dirigeants, à partir du Préfet jusqu’aux Conseillers, ont été parmi ceux qui y ont dirigé le Génocide perpétré contre les Tutsi. (Fin).
*Dr BIZIMANA Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)