13 juin 1994: le journaliste Daniel Mermet a relaté quotidiennement la mise en oeuvre du génocide à Nyarubuye et le colonel Bagosora achemine des armes au Rwanda pour achever le génocide

By Dr BIZIMANA Jean Damascène*

Dans les régions prises par le FPR Inkotanyi et où celui-ci mettait fin au Génocide, des journalistes et des agents d’organisations non gouvernementales ont pu suivre les troupes du FPR et vaquer à leurs activités en toute liberté. Certains d’entre eux ont été surpris par l’ampleur du Génocide perpétré contre les Tutsi et ont témoigné à travers des écrits ou oralement de l’histoire du Génocide et de l’intensité meurtrière avec laquelle il a été exécuté.

Daniel Mermet a été une des personnes qui ont mis à jour la vérité sur la situation. Par ailleurs, alors que le Génocide faisait rage, le Gouvernement génocidaire a réceptionné des armes achetées par le Colonel Bagosora aux îles Seychelles et transportées jusqu’au Rwanda par un avion militaire du Zaïre.

1)       DANIEL MARMET, UN JOURNALISTE DE RADIO FRANCE INTER, A DIFFUSÉ UNE ÉMISSION DE DIX (10) JOURS SUR L’EFFROYABLE GÉNOCIDE DE L’HORREUR DUQUEL IL AVAIT ÉTÉ TÉMOIN À NYARUBUYE

Daniel Mermet est un journaliste français qui travaillait pour une des grandes radios françaises, France Inter. Le 27 mai 1994, Daniel Mermet est arrivé à Nyarubuye en compagnie de son collègue Jérôme Bastion qui était journaliste à Radio France Internationale (RFI). Lorsqu’ils sont arrivés à la Paroisse catholique de Nyarubuye, ils ont été bouleversés par l’ampleur des massacres, ils ont vu de leurs propres yeux les cadavres ensanglantés des Tutsi qui y avaient été tués et dont certains, déchiquetés, étaient dévorés par des chiens. 

Ils ont été surpris d’y trouver une jeune fille de 13 ans appelée Valentine, qui avait miraculeusement survécu aux massacres sur ce site.

Ils se sont entretenus longuement avec Valentine avec l’aide d’un autre survivant, Gaspard Ngarambe, qui jouait le rôle de traducteur ; Ngarambe, qui étudiait au Grand Séminaire, avait lui-même été surpris par le Génocide alors qu’il passait ses vacances à Nyarubuye. Le témoignage de Valentine a fait l’objet de longues émissions qui ont révélé au grand jour l’histoire du Génocide perpétré contre les Tutsi.

Depuis le 13 juin 1994 jusqu’au 22 juin 1994, Daniel Mermet dans son émission Là-Bas si j’y suis sur France Inter entre 15h et 17h, a diffusé l’histoire du Génocide à Nyarubuye à partir de celle de Valentine. Ce témoignage a bouleversé beaucoup de personnes, et a appris au monde l’horreur dans laquelle les Tutsi ont été tués. Daniel Mermet a également eu l’occasion d’expliquer comment le Génocide a été planifié et mis en œuvre. En France les gens ne connaissaient pas cette histoire et certains avaient commencé à nier le Génocide perpétré contre les Tutsi.

Ce n’était pas facile de diffuser sur France Culture de telles émissions car cette radio recevait des subventions de l’Etat français qui en 1994 avait comme ligne de conduite de ne pas montrer la réalité du Génocide et de ne pas dire du mal du Gouvernement génocidaire et de son armée.

Le témoignage du journaliste Philippe Boisserie qui travaillait pour la télévision France 2 dans son écrit qui a paru dans le journal Temps Modernes se Aout 1995 explique les instructions qui étaient données aux Télévisions, Radios et journaux de l’Etat français pour cacher le Génocide perpétré contre les Tutsi. Philippe Boisserie s’est donné en exemple et a expliqué que le 10 avril 1994 il a été envoyé au Rwanda accompagner les troupes françaises dans l’opération Amaryllis, et a reçu comme instruction de ne pas parler des massacres, qu’il devait seulement couvrir les activités des troupes françaises et l’évacuation des étrangers du Rwanda.

Il l’a écrit dans ces termes : « Pourquoi m’a-t-on envoyé au Rwanda ? C’était très clair de la part de la direction : j’allais là-bas pour suivre l’évacuation des ressortissants étrangers, pour être plus précis, des ressortissants français. Le but était les Français, plus que les Rwandais, ce que je peux personnellement déplorer. Un des membres de la direction de l’information m’a dit avec son franc parler habituel : tu fais l’évacuation des Français et puis tu rentres, on n’est pas là bas pour faire des sujets sur des Noirs qui s’entretuent, de toute façon ça n’intéresse personne. »

Daniel Mermet a refusé d’obéir à ces instructions à cause de l’horreur du Génocide qu’il avait vu à Nyarubuye et après avoir entendu le témoignage de Valentine qui avait survécu à d’horribles massacres. Il a aussi pris le témoignage d’autres rescapés de Nyarubuye et a décidé de revenir au Rwanda plus souvent et de dire la réalité de l’histoire de ce qui s’y était passé.

Son courage a permis à beaucoup de comprendre la réalité car la plupart des Français croyaient que ce qui s’était passé au Rwanda était une guerre entre ethnies.

 A part le courage de Daniel Mermet, il est nécessaire de remercier également ses collègues journalistes qui ont témoigné de la réalité du Génocide surtout en France alors que ce n’était pas facile. Il s’agit notamment de Laure De Vulpian (France Culture), Patrick De Saint Exupery (Le Figaro), Monique Mass (RFI), Maria Malagardis na Agnes Rotivel (La Croix), Jean Chatain (L’humanité), Jean-Philippe Ceppi (Libération), Jean-François Dupaquier (L’Evènement du Jeudi), Laurent Bijard (Le Nouvel Observateur), Vincent Hugeux (L’Express), Alain Frilet (Libération)

Et pour la Belgique Marie France Cros (La Libre Belgique), Colette Beckmann (Le Soir), Jean Pierre Martin ont aussi fait du bon travail en montrant la vraie face du Génocide perpétré contre les Tutsi.

Il nous faut également blâmer les journalistes qui n’ont pas voulu montrer la réalité du Génocide perpétré contre les Tutsi, notamment Stephen Smith (Le Monde), Pierre Péan (Marianne), Peter Verlinden (VRT), Padiri Guy Theunis (Dialogue).

2)      LE COLONEL BAGOSORA A FAIT PARVENIR AUX FORCES GÉNOCIDAIRES DES ARMES ET MUNITIONS ACHETÉES AUX SEYCHELLES EN PASSANT PAR GOMA AU CONGO

Alors que le Gouvernement Kambanda commettait le Génocide, le Conseil de Sécurité de l’ONU a pris sa résolution 997 du 17 mai 1994 de mettre le Rwanda sous embargo, empêchant tous les pays de livrer ou de vendre des armes au Rwanda. Certains des pays n’ont pas respecté cette résolution.

Le Gouvernement Kambanda a usé d’astuces pour contourner cette résolution pour pouvoir continuer à acheter des armes et des munitions à utiliser pour le Génocide. C’est dans ce cadre que le Colonel Bagosora est allé  aux iles Seychelles acheter des armes  en s’étant déguisé en officier supérieur Zaïrois. Un commerçant sud-africain du nom de Petrus Willem EHLERS, familier à l’achat d’armes, l’a aidé. Le Gouvernement Kambanda a signé le contrat avec celui-ci, et la somme destinée à acheter les armes a transité par lui.

Le Colonel Bagosora et Ehlers sont arrivés aux Seychelles le 4 juin 1994 et ont commencé les négociations avec les sociétés du pays pour acheter 80 tonnes d’armes sous le nom du Ministère de la Défense Zaïroise. Les premières armes sont arrivées à Goma le 13 juin 1994 par un avion militaire Zaïrois. L’avion y est retourné deux fois le 17 juin 1994 et même une troisième fois le 19 juin 1994. Le certificat de vol qui a permis à l’avion militaire Zaïrois d’aller aux Seychelles a été signé par le General Baoko-Yoka qui était Ministre adjoint au Ministre de la Défense Zaïrois.

 Toutes ces armes arrivaient à l’aéroport de Goma et étaient transbordées et envoyées au Rwanda. Le Lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva était le commandant de l’armée à Gisenyi envoyait des militaires et des Interahamwe a Goma pour transborder les armes à Goma dans des véhicules et les transporter au Rwanda ; ces armes qui étaient distribuées aux Interahamwe et aux militaires du Gouvernement de Kambanda.

 Il a été prouvé que c’est Elhers qui a reçu le payement de la Banque Nationale du Rwanda pour acheter ces armes, ladite somme est passée sur le compte N° 82113 CHEATA de Ehlers dans la Banque suisse UBC (Union bancaire privée) à Lugano. Cet argent a été payé de la façon suivante :

 Le 14 juin 1994, Ehlers a été payé 592.784$ (dollars américains) par le compte de la Banque Nationale du Rwanda qui était à la Banque Nationale de Paris (BNP) ;

 Le 15 juin 1994, Ehlers a été payé 180,000 $ (dollars américains) par la Banque Nationale du Rwanda ;

 Le 16 juin 1994, Ehlers a été payé 734.099 $ (dollars américains) par le compte de la Banque Nationale du Rwanda qui était à la Banque Nationale de Paris (BNP) ;

 Le 17 juin 1994, Ehlers a été payé 150.000$  (dollars américains) par la Banque Nationale du Rwanda tout comme le 15 juin 1994 ;

 L’achat de ces armes a été mentionné et célébré au cours des conseils du Gouvernement de Kambanda du 9 et 17 juin 1994.

Le Colonel Bagosora dans son procès devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, les 9 et 10 novembre 2005, a avoué s’être rendu aux Seychelles pour acheter des armes, qui sont arrivées à Goma les 14 et 16 juin 1994 pour être ensuite amenées au Rwanda. Il ne pouvait pas nier l’avoir fait  car le Tribunal était en possession des pièces signées par lui qui prouvaient que c’était lui qui avait acheté ces armes.

 Le 3 juillet 1994, Jean Kambanda a lui-même concédé avoir acheté ces armes dans une interview qu’il a eue avec le journaliste Franck Johannes du Journal du Dimanche, il l’a dit en ces termes : « Nous recevons des armes, c’est clair. Sans cela, nous n’aurions pas pu tenir. Je commence à comprendre comment on gagne une guerre. Le problème de l’embargo ne se pose plus de la même manière qu’il y a un mois. »

  CONCLUSION

Le Génocide perpétré contre les Tutsi a beaucoup de preuves qui montrent qu’il a été planifié et mis en œuvre par l’Etat rwandais. Le Gouvernement a donné les instructions pour tuer les Tutsi et a distribué les armes pour le faire.  Les militaires gouvernementaux ont reçu instructions pour entrainer des tueurs au lieu de protéger la population. Des étrangers ont porté assistance au Gouvernement génocidaire tandis que d’autres ont appris la vérité et l’ont propagée à travers le monde, ont porté assistance aux rescapés et aidé à la reconstruction du Rwanda. (Fin).

* Dr Bizimana Jean Damascène, Secrétaire Exécutif Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG)