« Les universités rwandaises doivent subir des reformes profondes ». Ces mots sortis de la bouche de Jean Ngamije, le recteur de l’Institut Laïc Adventiste de Kigali (INILAC), sonnent comme un appel pressant à revoir l’enseignement dispensé dans les institutions d’enseignement supérieur au Rwanda.
Les problèmes de l’enseignement reviennent sur les devants de la scène après la sortie récente d’un rapport par une commission des sénateurs qui a ausculté les universités et autres institutions d’enseignement supérieur tant publiques que privées. Et, il faut le dire, le rapport n’y est pas allé de main morte : manque de professeurs, mauvaise qualité d’enseignement, programmes obsolètes sont parmi de nombreux défis auxquels les universités sont confrontées.
Rendez-moi mes notes
Le Rwanda est un pays géographiquement enclavé et sans ressources minières importantes –non encore découvertes du moins– d’où la nécessité d’éduquer son potentiel capital humain qu’il (le Rwanda) dispose en abondance vue sa superficie de 26.338 km² sur laquelle s’entassent près de 11 millions d’habitants : 397,6 h./km² en 2009. Tout simplement la plus grande densité en Afrique.
Le gouvernement rwandais, conscient de la petitesse des terres et du manque de sous-sol riche, a décidé d’investir dans l’éducation. Dans seulement 16 ans le pays a connu un boom en matière d’institutions d’enseignement tant primaire, secondaire qu’universitaire. L’intention est claire : Le Rwanda doit développer son secteur tertiaire. Et les exemples à suivre ne manquent pas, les dirigeants rwandais visiteront plusieurs fois le Singapour dont ils veulent faire un modèle.
Si le Rwanda a voulu se donner les moyens de ressembler au Singapour en investissant substantiellement dans l’éducation, les programmes pouvant le conduire sur ce chemin ont été adoptés. Le plus connu de tous étant « Vision 2020 », un programme de réformes adopté il y a 10 ans et devant s’étaler sur 20 ans. Très ambitieux, le plan « Vision 2020 » fait son petit bonhomme de chemin et les indicateurs d’évaluation sont en hausse. Pour soutenir le rythme le Rwanda aura besoin de professionnels et techniciens compétents.
Mais voilà qu’un rapport de l’assemblée nationale soulève des questionnements quant à l’enseignement supérieur rwandais supposé former ces professionnels et techniciens. « L’enseignement rwandais a habitué l’étudiant à mémoriser les notes sans nécessairement les comprendre et de tout retranscrire sur le papier le jour de l’examen pour montrer à l’enseignant qu’il (l’étudiant) a bien maîtrisé la leçon », critique le rapport. Un système appelé « rendez-moi mes notes ».
Un tel système ne facilite pas la participation active d’un étudiant à son propre apprentissage. Il attendra toujours ce que va lui donner son enseignant sans faire ses propres recherches, d’où un manque de créativité.
Le MINEDUC promet de réagir
Après la présentation au premier ministre du rapport sur l’enseignement supérieur, le ministère de l’éducation (MINEDUC) a réuni le 20 mars ses partenaires traditionnels afin d’évaluer le pas déjà franchi en matière d’éducation dans l’enseignement primaire, secondaire et universitaire au cours de l’exercice 2008-2009.
Le plan d’action 2010-2011 du MINEDUC se basera sur 4 piliers, selon son ministre Charles Murigande, à savoir que tout instituteur du primaire ou enseignant du secondaire qui dispensera ses cours suivant le programme scolaire en vigueur au pays recevra son salaire en priorité. Ensuite, il faudrait améliorer le degré d’anglais des professeurs et instituteurs rwandais. Tertio, l’apport des matériels didactiques allant avec les progrès réalisés par ces éducateurs s’avère capital. Et un salaire motivant sera prévu. Le dernier point sera axé sur la construction des salles de classe supplémentaires ainsi que des formations à dispenser.
Le MINEDUC a présenté ses desiderata à ses partenaires et à la direction du budget du ministère des finances (MINECOFIN), qui, à leur tour, décideront, en novembre prochain, de l’enveloppe à octroyer au dit ministère, avant la fin de l’exercice annuel en cours.
Les recteurs des différentes institutions d’enseignement supérieur présents dans la réunion du ministère avec ses partenaires ont reconnu faire face à plusieurs grands défis mais reconnaissent qu’il y a quelques progrès par rapport au passé récent. Ces recteurs rappellent qu’il existe aujourd’hui des critères et des normes standards qui autorisent la création d’une institution académique. Ils ont plaidé pour que le secteur privé s’investisse dans l’enseignement supérieur et que le gouvernement rwandais permette des échanges directs, sans obstacle aucune, entre les universités locales et des partenaires étrangers potentiels.
Une bonne préparation en amont
Si actuellement l’enseignement au Rwanda se trouve dans une situation difficile ce n’est pas qu’une question d’infrastructures insuffisantes et des moyens financiers seulement. Les multiples reformes dans le secteur de l’éducation y sont pour quelque chose aussi.
Une mauvaise éducation de base Qui ne se souvient pas des effets dévastateurs de la reforme de 1978 qui a porté l’école primaire à 8 années au lieu de 6 tout en imposant l’usage exclusif du Kinyarwanda comme langue d’enseignement au niveau du primaire ?
Ceux qui ont étudié dans ce système ne s’en remettront jamais, jusqu’à aujourd’hui on les reconnaît à leur accent français exécrable.
Beaucoup d’autres reformes –surtout après 1994- suivront. La dernière des reformes en date est celle de virer à l’anglais du primaire à l’université. Une large majorité d’enseignants et professeurs étant francophone, elle ne parvient pas à bien enseigner. Du coup les écoliers, élèves et étudiants en pâtissent.
Toutefois, il y a lieu d’espérer car certains programmes adoptés ces dernières années commencent à donner des résultats. Pour avoir de bons étudiants à l’université il faut bien les former dès l’école primaire, en amont donc. Le passage d’un article écrit par un journaliste canadienne de passage à Kigali est édifiant :
L’école Nonko participe au programme One Laptop per Child, un projet international qui vise à doter les enfants de pays en développement de portables fabriqués à un coût minimal. Et de leur permettre de rattraper leur retard technologique.
Dix-huit écoles rwandaises ont déjà reçu leurs appareils, et 60 autres suivront cet été. Il y a deux ans, la majorité des élèves de l’école Nonko n’avaient jamais touché à un ordinateur. Maintenant, plusieurs maîtrisent mieux leurs laptops que les enseignants, constate la directrice de l’école, Françoise Murekeyisoni.
Le gouvernement rwandais a acheté 100 000 de ces appareils, au coût de 200 $ chacun. Et il prévoit que d’ici peu, tous les écoliers du pays seront équipés d’un ordinateur.
Le Rwanda n’est pas le seul pays à bénéficier du programme One Laptop per Child. Mais de tout le continent africain, il est de loin celui qui a sauté dans le train technologique avec le plus de ferveur. Le seul, aussi, à viser un objectif aussi ambitieux.