Clémentine, réfugiée congolaise (à gauche), et sa meilleure amie rwandaise Yasinne dans les champs du marais de Misizi au Rwanda. © HCR/Samuel Otieno
Dans son pays natal, la République démocratique du Congo, Clémentine Bugenimana, âgée de 42 ans, vivait de la vente de produits alimentaires. Aujourd’hui réfugiée au Rwanda, elle a appris à cultiver la terre à travers un programme qui lui permet de nourrir sa famille et de gagner un peu d’argent.« Ce projet a vraiment changé ma vie », confie-t-elle. « Je n’ai plus besoin d’acheter du maïs. J’ai des économies grâce à l’argent gagné par mon activité agricole, ce qui m’aide à prendre soin de mes enfants. »
Au camp de réfugiés de Mugombwa, cette mère de six enfants travaille aux côtés de ses voisins rwandais dans le cadre du projet Misizi Marshlands (les marais de Misizi), une initiative agricole financée par la Fondation IKEA et soutenue par le gouvernement rwandais.
Le programme a alloué plus de 50 hectares de terres que quelque 1400 réfugiés et Rwandais peuvent cultiver ensemble.
Solange, réfugiée congolaise de 28 ans, trie des vêtements pour enfants dans sa boutique du camp de Mugombwa. © HCR/Samuel Otieno
Avec son amie rwandaise Mushimiyima Yasinne, elle cultive des haricots et du maïs sur ce sol riche et participe à la gestion des élevages de porcs et de volailles qui font partie du projet.
Son succès n’est pas le fruit du hasard. Le Rwanda accueille plus de 126 000 réfugiés et a fait des progrès notables pour améliorer leur vie et celle de leurs communautés d’accueil grâce aux engagements qu’il a pris lors du Forum mondial sur les réfugiés en 2019.
Dans le but d’autonomiser les réfugiés à l’heure où les niveaux de déplacement atteignent des records dans le monde, les participants à ce Forum multisectoriel se sont engagés à créer des opportunités d’emploi pour les réfugiés, des places dans les écoles pour leurs enfants, et à leur fournir une énergie propre. Ils ont également promis de créer des infrastructures et d’apporter un meilleur soutien aux communautés et aux pays d’accueil, ainsi que de promouvoir des solutions à long terme telles que le rapatriement volontaire et la réinstallation.
Le projet Misizi Marshlands est l’une des nombreuses initiatives lancées au Rwanda pour atteindre ces objectifs. Deux ans après le Forum, une première réunion de haut niveau, les 14 et 15 décembre, a permis de faire le point sur les progrès réalisés par les différents États et acteurs dans le cadre du Forum et du Pacte mondial sur les réfugiés de 2018.
Les participants ont identifié les progrès réalisés, les défis rencontrés et les domaines dans lesquels un engagement supplémentaire est nécessaire pour accroître le soutien, l’autonomie et l’accès aux solutions pour les réfugiés, en tenant compte des défis posés par la pandémie de Covid-19.
Au Rwanda, les progrès ne concernent pas seulement les moyens de subsistance. À environ 200 kilomètres à l’est de Mugombwa, près de la frontière entre le Rwanda et la Tanzanie, se trouve le camp de Mahama, qui abrite plus de 55 000 réfugiés. C’est là que Ntariteka Moise, un réfugié burundais de 36 ans, contribue à améliorer la vie des jeunes par l’éducation.
Moise a trouvé la sécurité au Rwanda il y a six ans. Chez lui, il était étudiant en anglais et en littérature dans une université locale.
« J’ai pu poursuivre mes études universitaires au Rwanda et j’ai obtenu un diplôme de licence », annonce-t-il fièrement.
Il a trouvé un emploi d’enseignant à l’école G.S. Paysannat, près du camp de Mahama. Moins d’un an plus tard, l’école a été agrandie pour accueillir à la fois des élèves réfugiés et rwandais, dans le cadre des efforts déployés par le Rwanda pour intégrer les réfugiés dans le système éducatif national.
L’école avait un grave problème de surpopulation, avec plus de 100 élèves par classe. Mais grâce à un projet d’agrandissement de l’école financé par le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 200 nouvelles salles de classe ont été construites, faisant ainsi plus que doubler le nombre total de classes et réduisant le nombre d’élèves par classe à 70.
Au total, le HCR et ses partenaires, dont la Banque mondiale, ont soutenu la construction de plus de 500 nouvelles salles de classe dans les écoles du pays. La qualité de l’enseignement s’en est trouvée améliorée – ce qui a dopé les taux de fréquentation – et un plus grand nombre d’élèves réfugiés et rwandais ont pu s’inscrire.
« Lorsque les enfants réfugiés et rwandais étudient ensemble, ils apprennent les uns des autres et cela profite à l’ensemble de la communauté », ajoute Moise.
La mise en œuvre au Rwanda du Pacte mondial sur les réfugiés permet aux réfugiés comme Moise de trouver du travail. Les réfugiés basés dans les camps deviennent moins dépendants des programmes d’assistance et ont un meilleur accès aux opportunités d’emploi. Moise ajoute que près des deux tiers des enseignants de son école sont des réfugiés, tout comme la majorité des élèves.
Aneilla Nizeyimana, réfugiée burundaise et mère de trois enfants, vit près de l’école de Moise. Elle a appris la fabrication de savon au Burundi, mais n’a jamais eu l’occasion de mettre son savoir-faire en pratique jusqu’à ce qu’elle fuie les violences post-électorales en 2016 et arrive au Rwanda, où elle a réalisé qu’il y avait une forte demande de savon parmi les réfugiés et la communauté d’accueil.
Le lancement de son entreprise de production de savons n’a pas été facile car elle ne disposait pas du capital et des connaissances nécessaires en matière de commerce. Aneilla est l’une des 90 réfugiées qui ont été récompensées par Youth Connekt, une plateforme nationale novatrice qui met les jeunes en contact avec certaines opportunités socio-économiques. Elle et 89 autres réfugiés entrepreneurs ont acquis des compétences commerciales de base et ont reçu un capital de départ pour la mise en œuvre de leurs idées.
« L’argent du prix m’a beaucoup aidée. J’ai acheté du matériel pour augmenter ma productivité », explique Aneilla, qui a également pu investir dans un smartphone pour promouvoir son activité et recevoir des paiements électroniques.
Un an après, Youth Connekt a injecté davantage de capital dans l’entreprise d’Aneilla, lui permettant d’augmenter sa production et de fournir du savon aux réfugiés et aux Rwandais du camp et des environs. Elle emploie actuellement huit personnes, dont sept réfugiés burundais et un Rwandais. Seul soutien financier de sa famille de quatre personnes, Aneilla espère bientôt pouvoir investir dans de nouvelles machines pour développer son activité.
« Ma vie est meilleure qu’elle ne l’était lorsque je suis arrivée au Rwanda. Il était très difficile pour moi de subvenir aux besoins de ma famille… mais lorsque j’ai lancé le projet, c’est là que j’ai vu de la lumière au bout du tunnel », explique Aneilla.
Elle espère pouvoir employer davantage de personnes à l’avenir.
« Je veux aider mes voisins et toute la communauté, employer de nombreux travailleurs, et offrir des opportunités d’emploi aux jeunes », ajoute-t-elle.
Nayana Bose, employée du HCR à Kigali, affirme que le Rwanda a été impressionnant par les progrès qu’il a réalisés pour atteindre les objectifs du Pacte mondial sur les réfugiés.
« Le Rwanda a fait un excellent travail en intégrant les réfugiés dans le système éducatif national, en incluant les réfugiés urbains dans le plan national d’assurance maladie communautaire, en leur fournissant des cartes d’identité nationales et en leur offrant des opportunités de travail », explique-t-elle.
La réunion de haut niveau a permis non seulement de réfléchir au succès de ces initiatives au Rwanda et dans d’autres grands pays d’accueil de réfugiés dans le monde, mais aussi d’identifier les manquements actuels, de rechercher des solutions alternatives et de prendre de nouveaux engagements pour les réfugiés et leurs hôtes en vue du prochain Forum mondial sur les réfugiés en 2023.(Fin)