Procès Hategekimana/Manier pour génocide à Paris, 7 juin 2023. J18

Sur la colline de Nyamure qui domine la vallée. Le gendarme HATEGEKIMANA (alias BIGUMA) est venu avec ses hommes pour exterminer les réfugiés tutsi.

•           Audition d’Éric MUSONI, détenu.

•           Charlotte UWAMARIYA, partie civile (CPCR).

•           Audition de Mathieu NDAHIMANA.

•           Audition d’Ildephonse KAYIRO.

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Audition de monsieur Eric MUSONI, détenu, cité à la demande du ministère public, en visioconférence de KIGALI.

Le témoin commence par reconnaître qu’il a pris part aux attaques dans son secteur de GATONDO, NYAMUKONDO à l’époque,, sur la commune de NTYAZO. Le conseiller de secteur, Isaïe MULINDAHABI, organisait des réunions de sensibilisation, mais pas dans la même cellule que la sienne (KAVUMU).

Le bourgmestre tutsi Narcisse NYAGASAZA, qui a été tué, habitait loin de chez lui. Lors des attaques auxquelles il a participé, ni policiers, ni gendarmes. Il n’a vu des gendarmes que lors de l’attaque de la colline de NYAMURE. Comme il habitait au bord de la route, il a vu BIGUMA amener des gendarmes de NYANZA. Le témoin les a rejoints avec d’autres assaillants et s’est rendu sur la colline de NYAMURE où les Tutsi s’étaient réfugiés, au sommet de la colline. BIGUMA était bien présent. Les réfugiés se sont défendus en lançant des pierres sur les attaquants. Les gendarmes ont répliqué par des tirs d’armes à feu.

« Comme nous étions devenus mauvais, nous découpions les rescapés » poursuit le témoin, sous la direction d’un ancien gendarme, Godefroid NGIRABATWARE, expert dans l’art de tirer. BIGUMA était à la tête de l’attaque.

Celui qui était allé le chercher à NYANZA parlait de lui. C’était un commerçant du nom de COMPAGNIE, installé au centre de négoce de GATONDE. Une dizaine de gendarmes étaient présents, de nombreux attaquants avaient encerclé la colline. Cette attaque était bien évidemment prévue par les dirigeants. Avant l’arrivée des gendarmes, les assaillants avaient subi un revers et avaient dû se replier. Cette attaque s’est déroulée fin avril entre 14 et 16 heures selon le témoin. On a compté un nombre important de victimes.

Un message adressé dans un mégaphone aurait été adressé à la population: « Venez à NYAMURE avec nous pour tuer nos ennemis qui sont capables de nous tuer. »

Le témoin déclare connaître Mathieu NDAHIMANA mais ne sait pas s’il participait à l’attaque. Les assaillants étaient venus de partout (NDRLa colline de NYAMURE, pierreuse, était élevée et permettait de voir au loin les différentes vallées et collines. Aujourd’hui, à son sommet, est dressée une antenne de communication. De certains endroits, on peut deviner, au loin, la colline de KARAMA).

Monsieur le président interroge le témoin sur ses condamnations, sur lesquelles, on se demande pourquoi tant d’insistance, reviendra la défense.

« En témoignant contre BIGUMA, lui est-il demandé, vous espériez quelque chose en retour? » Le témoin répond par la négative, seule la vérité lui importe.

Question classique sur le véhicule des gendarmes, Il indique qu’il s’agissait d’une DAHATSU. Lors de son audition, il avait parlé d’une TOYOTA STOUT marron clair.

Invité à reconnaître BIGUMA dans le box, il le fixe attentivement et, le montrant du doigt: « C’est lui! » Et d’ajouter: « J’ai dit la vérité. » BIGUMA, quant à lui, ne le connaît pas, bien sûr.

Une discussion va porter ensuite sur les armes utilisées. Le témoin décrit maladroitement des choses qu’on mettait dans un tube d’où sortait de la fumée. Probablement un mortier.

Sur questions des avocats des parties civiles, le témoin précise qu’après l’attaque il est resté chez lui et ne sait pas ce que sont devenus les corps des victimes. Il ne connaît pas d’autre BIGUMA que celui qui est dans le box, qu’il connaît aussi sous le nom de Philippe HATEGEKIMANA. Il portait une arme à la ceinture.

Madame AÏT HAMOU, pour le ministère public, lui fait remarquer que lors de son audition il a parlé d’un certain COMPAGNIE. Mais aussi de Sylvestre NTEZIMANA. Ce qui laisse entendre que plusieurs personnes ont parlé de BIGUMA? Le témoin confirme. Le vrai nom de COMPAGNIE était bien Vincent NSENGIYUMVA.

Des ordres, ils en ont reçu avant l’attaque, mais pendant, ils savaient ce qu’ils avaient à faire: tuer les Tutsi. Ils ont bien encerclé la colline, très grande à la base, mais étroite au sommet. Les assaillants avaient ceint leur tête de feuilles de bananiers pour se reconnaître. Certains gendarmes s’étaient mélangés à eux. Les Tutsi étaient venus de tout le pays. Le témoin a reconnu quelques-uns de ses voisins venus avec leurs vaches qu’ils ont mangées.

Parole est donnée à la défense. L’avocat s’étonne que le témoin ait pu faire tant de chemin pour attaquer les Tutsi. Les assaillants étaient très nombreux. Le témoin situe la scène plusieurs jours après l’attentat. Sur l’insistance de l’avocat, il finira par donner une estimation: moins d’un mois, vingt jours! C’est bien parce que les réfugiés avaient repoussé les assaillants plusieurs fois qu’il a tété fait appel aux gendarmes.

Monsieur le président intervient en signalant que le témoin n’avait reconnu personne sur la planche photographique qui lui avait présentée. « Les photos qu’on nous a montrées, il n’y figurait pas! » ajoute-t-il. Et le président d’ajouter: « Et si je vous dis qu’il y figurait? »

La défense revient sur les condamnations du témoin, lui demande si, lors des Gacaca, il avait bénéficié de l’aide d’un avocat! (NDR. Il devrait savoir comment fonctionnaient les Gacaca!) Occasion est donnée au témoin de dire que les Gacaca n’ont pas respecté la loi en le condamnant à perpétuité en appel.

Maître ALTIT profite du fait que le témoin dise qu’il a chez lui un document concernant son jugement et qu’il veut bien le produire pour demander au président de noter la promesse que vient de faire monsieur MUSONI.

Madame AÏT HANOU s’insurge: « Comment peut-il s’engager sans connaître les conséquences possibles? » Et le président d’ajouter; « Je ne vais pas donner une demande d’acte à ce stade. »

Le témoin reconnaît qu’il a plaidé coupable pensant bénéficier d’une remise de peine, comme le prévoyait la loi. Il parle d’un complot que des gens influents dont il ne peut révéler les noms ont ourdi contre lui.

L’avocat de la défense lui fait remarquer qu’en 2018 il avait déclaré qu’il avait été condamné pour NYAMURE alors qu’il n’avait pas participé aux massacres. Aujourd’hui, il dit le contraire. Où donc est la vérité?

« La vérité, c’est celle d’aujourd’hui » conclut le témoin.

Audition de madame Charlotte UWAMARIYA, partie civile déjà constituée (CPCR), assistée par maître Domitille PHILIPPART.

Compte-rendu en cours de rédaction

Audition de monsieur Mathieu NDAHIMANA, cité à la demande du ministère public, en visioconférence depuis KIGALI.

Compte-rendu en cours de rédaction

Audition de monsieur Ildephonse KAYIRO, cité à la demande du ministère public. Il dit qu’il souhaiterait se constituer partie civile mais il va, à ce stade, donner son témoignage.

Le témoin, dans sa déposition spontanée, annonce deux volets: l’arrestation de Narcisse NYAGASAZA, le bourgmestre de NTYAZO, et les massacres sur la colline de NYAMURE.

Avec force détails, Ildephonse KAYIRO raconte l’arrestation de NYAGASAZA. Il dit avoir été présent sur les lieux et donne des éléments qu’aucun autre témoin n’a fournis.

Monsieur le président rappelle les déclarations qu’il a faites devant les gendarmes français: « Tout ce que je sais, c’est ce que l’ai appris durant le génocide au mois d’avril lorsque Mathieu NDAHIMANA (NDR. Le témoin qui a été entendu juste avant lui en visioconférence depuis KIGALI) a pris son poste (NDR. En réalité, fin mai 1994). MULINDAHABI, le conseiller de secteur, leur a appris que NYAGASAZA avait été arrêté à l’AKANYARU alors qu’il tentait de traverser la rivière pour se réfugier au BURUNDI. Il a été arrêté par les gendarmes puis ramené à NYANZA où il a été tué. »

Monsieur le président lui fait en outre remarquer qu’il est le seul à avoir noté que le bourgmestre avait été frappé à la tempe. Le président est surpris que le témoin ait pu donner devant la cour autant de détails. Des détails en contradiction avec ses déclarations devant les enquêteurs français.

Le témoin tentera bien de s’expliquer, pas sûr qu’il ait convaincu la cour.

Après avoir répondu à quelques questions de la défense, le témoin est invité à aborder la seconde partie de sa déposition: les massacres de NYAMURE. Là aussi, il donne des détails précis concernant l’attaque de cette colline où plusieurs membres de sa famille ont été tués: il égrène le nom des victimes.

Monsieur le président fait alors remarquer qu’il ne voit pas quelles questions il peut poser au témoin dans la mesure où l’accusé a toujours dit qu’il n’était pas à NYANZA à cette période.

Ni les avocats des parties civiles, ni le ministère public ne souhaitent interroger davantage le témoin. Seule la défense souhaite intervenir pour savoir où se trouvait le témoin. Comme ce dernier répond qu’il était sur une colline en face de NYAMURE, l’avocat conteste la validité de son témoignage en précisant, carte et échelle à l’appui, que les deux collines sont séparées  d’au moins deux kilomètres.

Monsieur le président et les avocates du ministère public contestent l’estimation de la défense.

Monsieur le président suspend l’audience et donne rendez-vous le lendemain à 9 heures. Un premier témoin sera entendu en visioconférence et trois autres en présentiel. (Fin).

 Par Margaux Gicquel, Alain Gauthier, Jacques Bigot pour les notes et la mise en page. Ce compte rendu a été réalisé pour le compte du CPCR (Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda).