Le financier présumé du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, Félicien Kabuga, devrait être libéré d’urgence après qu’un tribunal l’ait déclaré inapte à être jugé à La Haye.
Des experts médicaux ont conclu qu’il souffrait de “démence sévère”. Le procès, même via une procédure simplifiée annoncé en juin par un tribunal spécial chargé des crimes de guerre est considéré comme une ‘’erreur de droit’’.
Félicien Kabuga, 88 ans, est accusé d’avoir financé la tristement célèbre ‘’ radio mille collines ‘’ qui appelait à la haine lors du génocide.
Arrêté à Paris en 2020, après deux décennies de cavale, l’accusé, qui se déplace en fauteuil roulant, a été jugé en septembre et a plaidé non coupable.
Sa libération est une déception pour les victimes du génocide et les survivants du génocide. Mais “la justice ne peut être rendue qu’en organisant des procès équitables et menés dans le plein respect des droits de l’accusé”, ont fait savoir les juges.
Ci-dessous la réaction du Procureur Serge Brammertz
J’ai soigneusement examiné la décision rendue par la Chambre d’appel dans l’affaire Kabuga. Cette décision doit être respectée même si sa conclusion est source d’insatisfaction.
Ce résultat est avant tout dû au fait que Félicien Kabuga s’est soustrait à la justice pendant de nombreuses années. Sachant pertinemment ce qu’il a fait avant et pendant le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, il a refusé d’être jugé devant un tribunal international indépendant et impartial pour répondre aux accusations portées contre lui. Fugitif, il a trouvé abri chez sa famille et ses associés, d’abord au Kenya et enfin en France.
Mes pensées vont aux victimes et aux survivants du génocide. Ils ont gardé foi en la justice tout au long des trente dernières années. Je sais que pour eux, ce résultat sera affligeant et décourageant. Lors de ma récente visite au Rwanda, j’ai entendu dire très clairement à quel point il était important que ce procès soit mené à son terme.
Je voudrais leur donner l’assurance néanmoins que mon Bureau ne cessera pas d’accomplir son travail en leur nom. Comme l’a souligné l’arrestation récente de Fulgence Kayishema, l’établissement de la responsabilité dans les crimes commis pendant le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 doit se poursuivre dans les tribunaux au Rwanda et dans des pays du monde entier. Mon Bureau apportera son appui plein et entier. En particulier, à la demande du Procureur général du Rwanda, nous renforcerons considérablement l’assistance fournie au parquet, y compris par la transmission des éléments de preuve et du savoir-faire étendu que nous possédons, afin de veiller à ce que davantage de fugitifs accusés de génocide soient jugés pour les crimes qui leur sont reprochés.
Cette décision est peut-être une déception, mais je peux donner l’assurance aux victimes et aux survivants qu’elle ne sonne pas le glas du processus de justice. (Fin)