Des familles déplacées à Kiwandja, dans l’Est de la RDC. © UNICEF/Jean-Claude Wenga
La République démocratique du Congo (RDC) est en passe de connaître des niveaux records de violations graves vérifiées contre les enfants pour une troisième année consécutive en 2023, a alerté une agence humanitaire des Nations Unies.
Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), l’intensification de la violence, les déplacements massifs et la proximité des groupes armés avec les communautés entraînent une augmentation alarmante des cas de meurtres, de mutilations et d’enlèvements d’enfants en RDC.
Si la tendance se poursuit, le pays est en passe d’atteindre de nouveaux sommets depuis le lancement du mécanisme de surveillance et de communication de l’information des Nations Unies en 2005, et de dépasser les records établis en 2022.
« J’ai rencontré des enfants qui ont survécu aux horreurs du recrutement et de l’utilisation par des groupes armés et au traumatisme indescriptible de la violence sexuelle – des atrocités que personne ne devrait subir, et encore moins des enfants », a déclaré dans un communiqué, Sheema Sen Gupta, Directrice de la protection de l’enfance à l’UNICEF, au cours d’une mission d’une semaine en RDC.
Hausse du recrutement et de l’utilisation d’enfants
« Ces histoires poignantes soulignent l’urgence pour le gouvernement d’intensifier ses efforts pour protéger les civils – en particulier les plus vulnérables, les enfants du pays – et les actions nécessaires de la part des partenaires et des donateurs pour être en mesure d’augmenter nos activités de prévention et d’intervention », a-t-elle ajouté.
Les dernières données montrent une augmentation de 41% du nombre de violations graves vérifiées contre des enfants au cours du premier semestre 2023 par rapport à la même période de l’année précédente. Il y a eu 3.377 violations graves contre 2.420 enfants pendant toute l’année 2022, selon le rapport de juin 2023 intitulé Les enfants et les conflits armés.
Le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les groupes armés ont ainsi augmenté de 45% au cours des six premiers mois de l’année. En 2022, 1.545 enfants – dont certains n’avaient que 5 ans – ont été recensés comme ayant été recrutés et utilisés par des groupes armés. Les meurtres et les mutilations d’enfants ont augmenté de 32% au cours de la même période, contre 699 cas l’année dernière.
Trajectoire ascendante des viols et des enlèvements d’enfants
De plus, les viols et autres actes de violence sexuelle contre les enfants ainsi que les enlèvements d’enfants sont également sur une trajectoire ascendante. En 2021 et 2022, la RDC a enregistré le plus grand nombre de cas vérifiés de violences sexuelles contre des enfants commises par des forces armées et des groupes armés.
De plus, en 2022, 730 enfants ont été enlevés, ce qui en fait le plus grand nombre d’enlèvements jamais vérifiés par les Nations Unies en RDC. « Cette violence est inacceptable. Nous appelons toutes les parties au conflit à prendre des mesures pour prévenir et mettre fin à toutes les violations graves commises à l’encontre des enfants », a ajouté Mme Sen Gupta.
Depuis que la violence a éclaté en octobre 2022, 1,5 million de personnes ont été contraintes de fuir pour sauver leur vie dans l’est de la RDC. Au total, 6,1 millions de personnes ont été déplacées dans l’est de la RDC.
Face à l’augmentation des violations et des besoins urgents, l’UNICEF a fourni à plus de 100.000 enfants des services de santé mentale et de soutien psychosocial et a aidé plus de 6.300 survivants de violences sexistes depuis le début de l’année.
Insécurité alimentaire aiguë
Par ailleurs, le conflit dans l’est de la RDC a perturbé la production agricole vitale et la croissance des infrastructures essentielles. Cette crise alimentée par l’évolution de la dynamique des groupes armés et des luttes pour les ressources, est exacerbée par des tensions géopolitiques profondément enracinées. En conséquence, plus de 5,6 millions de personnes sont aujourd’hui déplacées dans les trois provinces de l’est, l’Ituri, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu.
« Je suis alarmé par le nombre de personnes qui continuent à souffrir de la faim à travers le pays », a déclaré Peter Musoko, Directeur pays et Représentant du PAM en RDC. « Dans un contexte aussi fragile, le coût de l’inaction est vraiment impensable. Ensemble, nous devons travailler avec le gouvernement et la communauté humanitaire pour augmenter les ressources destinées à cette crise négligée ».
« La crise de la sécurité alimentaire pour de nombreuses personnes en République démocratique du Congo reste critique, avec plusieurs défis – insécurité, dévastation et manque d’infrastructures, faible accès à des intrants de qualité et au financement, pour n’en citer que quelques-uns – qui compromettent leurs chances de pouvoir se nourrir correctement et de nourrir leurs familles. La seule façon de briser le cycle et d’infléchir ces tendances est d’aider les familles rurales à accroître leur résilience et leur productivité », a déclaré Aristide Ongone, Représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en RDC.
Alors que les personnes qui ont le plus besoin d’aide humanitaire dépendent de l’agriculture pour leur subsistance, seuls 4,1% des fonds humanitaires destinés aux secteurs alimentaires servent à soutenir les moyens de subsistance agricoles.
En 2023, la FAO a besoin de 106,4 millions de dollars pour apporter à 1,8 million de personnes un soutien urgent aux moyens d’existence, notamment en stimulant la production agricole rapide, l’élevage et la pêche, et en fournissant un soutien prépositionné aux moyens d’existence d’urgence aux communautés touchées par les conflits.
A ce jour, la FAO est confrontée à un déficit de financement d’environ 80 millions de dollars pour fournir un soutien aux agriculteurs vulnérables au cours de la prochaine campagne agricole, qui débutera en janvier 2024.
Outre l’impératif immédiat de soutenir les initiatives visant à sauver des vies, il est urgent d’investir dans des solutions visant à inverser durablement les tendances de l’insécurité alimentaire, a indiqué la FAO, indiquant l’importance de mettre en œuvre une stratégie qui envisage une continuité entre les réponses d’urgence, les efforts post-urgence et les actions visant à faire progresser les systèmes alimentaires tout en renforçant la résilience des populations face aux différents chocs auxquels elles sont régulièrement confrontées. (Fin)