Les Procureurs Généraux A. Havugiyaremye (à g) et S Brammertz
L’Ambassadeur de la France au Rwanda, Antoine Anfré, a lancé la Journée du Droit, 1ère Edition, qui a débuté par deux présentations faites par le Procureur Général du Rwanda Aimable Havugiyaremye, et par le Procureur du Mécanisme International exerçant Fonctions résiduelles des Tribunaux Pénaux, Serge Brammertz.
Le Procureur Général a dressé le tableau d’un Rwanda délabré après le génocide de 1994 qui a fait plus d’un million de morts, avec beaucoup de pertes matérielles. Les rues, les maisons, les vallées, les collines, étaient partout peuplées de cadavres. Quand le génocide a été commis, le Rwanda ne disposait pas de lois pour sanctionner ce crime qui n’existait pas dans le pays. Il a alors adopté une loi sur le génocide pour commencer les procès y relatifs.
« En 2002, seulement sept mille cas de génocide avait été jugés. A ce rythme, il fallait attendre plus de cent ans pour juger les 200 mille détenus surpeuplant les prisons et accusés de crimes de génocide. La force créatrice d’un peuple refusant de mourir innova avec les Juridictions Gacaca inspirés de la justice traditionnelle réconciliatrice du pays », a indiqué Havugiyaremye.
Le Rwanda commença des formations de six mois pour les juges, mais aussi pour les enquêteurs. L’on s’occupa de rentrer les 3,5 millions de réfugiés éparpillés dans les pays voisins. Traumatismes, peurs et cœurs brisés, constituaient l’image d’un pays de souffrances et de privations.
Il y avait d’autres défis de restauration de la paix et de la sécurité, de la loi et de l’ordre, du tissu national. Il fallait redonner l’espoir au pays, changer la souffrance en une force créatrice. L’on évita la souffrance et l’on mit en place une justice de réconciliation et d’unité. L’on créa des triages dans les prisons pour libérer quelques suspects âgés, mineurs, malades, pour des raisons humanitaires, et pour désengorger des prisons bondées.
Pour le Procureur du Mécanisme International qui poursuit les activités du TPIR, l’on ne s’attendait pas au départ à la création du TPR pour le Rwanda. Mais au regard e la Convention sur le génocide de 1948 et de l’ampleur des crimes massifs au Rwanda, le conseil de sécurité opta pour un TPIR. Les actes de viols et autres crimes sexuels furent intégrés comme des éléments constitutifs du génocide.
Les premiers jugements d’Arusha ont prononcé des condamnations. Et les aveux du Premier Ministre Jean Kambanda firent éclater une vérité qui éclaira les juges et l’opinion. La traque des planificateurs du génocide n’a pas été aisée. Il a fallu beaucoup d’années pour arrêter Kabuga et Kayisheme et d’autres que l’on commence à juger en Europe, explique-t-il.
Face à l’idéologie du génocide et à des actes de génocide en cours à l’est de la RDC, le procureur reconnaît que cette situation est alarmante, surtout qu’il n’y a pas encore une investigation pour faire suffisamment de lumière sur cette situation affligeante.
Le Procureur Général Havugiyaremye a reconnu les efforts significatifs de la France, Belgique, Hollande et d’autres pays qui jugent ou extradent les criminels du génocide.
L’Ambassadeur Antoine Anfré lançant la Journée du Droit
Notons que pour le moment, l’Ambassade de France à Kigali est dotée d’un responsable, le Colonel Laurent Lesaffre pour accélérer les procès de justice des génocidaires rwandais résidents en France. C’est un officier de liaison entre divers services de lutte contre les crimes contre l’humanité.
Lesaffre sert d’interlocuteur entre les procureurs rwandais et les agents de la justice en France. Il organise des confrontations par vidéoconférence entre des présumés génocidaires résidant en France et des témoins se trouvant au Rwanda. Pour le moment, 40 dossiers à juger sur les crimes de génocide au Rwanda attendent en France.
« Probablement que ces dossiers seront suivis d’appels et de cassation. Ce sont des affaires qui peuvent encore s’étaler entre 10 et 20 ans », a fait remarquer le Colonel Lesaffre. (Fin)