Jacqueline Mukakabera, réfugiée
Jacqueline Mukakabera a un mari et cinq enfants. Elle fait partie des 1570 membres de la Coopérative CODUMU ou Coopérative Duhuze Imbaraga (Unissons nos Forces) qui exploitent le marais qui porte ce nom et qui est basé dans le secteur Winkingi, district de Nyamagabe.
« L’exploitation de ce marais m’a sortie de l’isolement et de la privation. J’ai cultivé du maïs. J’ai obtenu une bonne récolte et un revenu de 42 mille Frw. J’ai eu de la bouillie pour mes enfants. J’ai acheté des habits et des souliers pour eux. Depuis que l’insécurité m’a chassée de mon Masisi (RDC), c’est la première fois que j’ai revu l’espoir pointer à l’horizon. Les fermiers locaux ont cédé leur parcelle. Un Rwandais cultive côte à côte avec un réfugié congolais. Nous nous entendons et nous nous entraidons. Nous célébrons des mariages entre nos enfants. Nos hôtes nous prêtent des champs à exploiter. Ils hébergent notre petit bétail. J’ai acheté un porc qui a des petits que je vends et qui me rapportent. Ce marché de Mushishito m’a arrachée du désespoir », confie-t-elle.
Mukakabera ajoute que travailler dans ce marais lui a permis de gagner des connaissances dans la gestion de la récolte et du revenu. Elle a appris à faire une bonne utilisation du revenu et rien ne doit être gaspillé.
Anastase Mukamusoni est une dame membre de la CODUMU qui informe que la communauté hôte a appris aux réfugiés les bonnes pratiques culturales. Maintenant, les réfugiés congolais et la communauté locale vivent et travaillent ensemble dans la cordialité.
Anastasie Mukamusoni; membre de la communauté locale
« Il y a des Rwandais qui cultivaient avant cinq parcelles dans le marais et qui ont été réduits à trois. Exploiter ce marais a éliminé la vulnérabilité et la mendicité. Les réfugiés savent travailler la terre. Ils récoltent et élèvent le porc grâce à l’appui des membres de la communauté locale qui acceptent d’abriter les porcs », témoigne-t-elle.
Le président de CODEMU, Joseph Nsanzimbaraga, rapporte que le marais de Mushishito à une superficie de 76 ha dont 47 ha sont cultivés. Chaque parcelle a 300 ares, soit 20 m sur 15m. On l’estime à une longueur de plus de 3Km et une largeur variant entre 400 m à 100 m.
Les réfugiés du camp de Mushishito qui exploitent ce marais sont au nombre de 500, soit 358 femmes et 142 hommes. Tandis que la communauté locale compte 1070 membres, dont 559 hommes et 511 femmes, tous habitants les secteurs de Winkindi et Kibirizi.
Le HCR (Haut-Commissariat des Réfugiés) et les partenaires ont aménagé le marais donné par le district de Nyamagabe. Ils ont donné des houes, des tuyaux, des intrants, des semences, des pesticides, des formations et des liens pour l’accès aux marchés.
Certains des membres de CODUMU.
« La première saison a permis de récolter un total de 127 tonnes de maïs, dont 63 tonnes ont eu le marché de la Caritas et des écoles de Nyamagabe. La 2ème saison a eu une récolte maigre de 35 tonnes suite au mauvais temps et aux crues d’eau suite aux pluies diluviennes. Pour la 3ème saison, nous projetons une production de 300 tonnes de pommes de terre. Une partie sera consommée en famille et une autre sera mise sur le marché. On met de côté de l’argent pour les semences, les intrants et les pesticides », a informé le président de CODUMU.
Le vice-président de la coopérative CODEMU, Edison Munyakarambi, est un réfugié congolais qui a fui le Masisi alors qu’il était un agri-éleveur.
« Nous n’avions pas la culture de l’oisiveté dans notre sang. Nous ne devons pas vivre les mains dans les poches dans le camp. L’exploitation du marais est venue résoudre le problème de réduction de la ration alimentaire qui nous affecte. Elle nous a arrachés du confinement dans le camp et de la passivité. Nous avons engrangé des connaissances de bonnes pratiques agricoles qui nous serviront dès notre retour au pays », se félicite-t-il.
Il informe qu’avec la première saison, il a récolté 200 kg de maïs qui lui ont donné la bouillie pour les enfants, et 54 000 Frw issus de la vente du surplus de la récolte.
Le vice-président de CODUMU,et président des réfugiés, Edison Munyakarambi
« Le HCR me donne dix mille Frw qui ne suffisent pas pour nourrir ma famille tout un mois. La récolte du marais est une manne providentielle pour les neufs membres du ménage. La saison 3 m’a donné 87.000 Frw dont 32.00 Frw ont été gardés pour préparer la saison suivante », poursuit Edison Munyakarambi, qui est aussi président du camp des réfugiés de Kigeme.
Son vœu est que le Gouvernement rwandais trouve encore des champs à cultiver pour les réfugiés du camp qui n’ont pas eu la chance d’obtenir une parcelle dans le marais de Mushishito.
« C’est une initiative qui nous permet de travailler et d’avoir une autosuffisance alimentaire afin de rester résilient face à une aide qui risque de tarir un jour », témoigne-t-il.
Dans tous les cas, de l’avis de tous les observateurs, le marais de Mushishito s’affiche comme une belle illustration de la cohabitation réussie entre les réfugiés et la communauté hôte. (Fin)