Des étudiants congolais et rwandais témoignent de la complémentarité entre les deux pays malgré leur mésentente

Frontière entre RDC et Rwanda

Des tensions entre la République démocratique du Congo et le Rwanda sont survenues en 2022 lorsque de fortes dissensions ont éclaté entre ces deux États de la région des Grands-Lacs d’Afrique. Néanmoins ces deux pays ont continué d’effectuer des échanges commerciaux et une libre circulation de jeunes qui vont dans différentes universités de part et d’autres des frontières. 

A part les échanges commerciaux entre la ville de Goma en RDC et Gisenyi au Rwanda, de nombreux jeunes congolais quittent la ville de Goma pour suivre des cours à Gisenyi.

D’après le Collectif SOS Médias Burundi qui a réalisé ce dossier, des jeunes étudiants rwandais font de même.

Pour les étudiants congolais qui se dirigent vers le pays voisin, le Rwanda dispose d’un système éducatif conforme à celui de la plupart des pays de l’Afrique de l’Est auquel les Congolais s’efforcent de s’adapter.

« Je traverse la ‘Grande barrière’ pour raison d’études. Je fais la faculté des sciences agronomiques et environnement à Gisenyi. Plusieurs raisons m’ont poussé à aller poursuivre mes études universitaires au Rwanda. Le système éducatif du Rwanda est très différent de celui de la RDC. Chez eux les étudiants font beaucoup plus la pratique, ce qui est différent de chez nous où on nous bombarde de trop de théories mais peu de pratique. Par exemple, chaque mardi et jeudi nous allons sur le terrain pour marier la théorie à la pratique et cela nous aide souvent lorsque nous sommes engagés dans des entreprises partout au pays. Le système du Rwanda favorise la pratique et pour moi en tant que jeune congolais ça m’enchante de suivre les cours au Rwanda pour revenir travailler au Congo juste après mes études », indique James Kisando.

Des jeunes ont affirmé que lorsqu’ils suivent des cours, ils sont très loin de la politique de leur pays, voire même du Rwanda.

Pour eux la vie au Rwanda dans le milieu estudiantin constitue une bonne aventure surtout qu’ils ne sont pas discriminés.

Selon eux, malgré la mauvaise histoire du génocide qui a secoué le Rwanda en 1994, le lieu des études n’est pas confondu à la politique.

Amani Tuungane, étudiant en deuxième année de licence à l’Université libre de Kigali sous-section de Rubavu dans la province de l’ouest-Rwanda que SOS Médias Burundi a interrogé sur ce sujet, a signalé que les espaces académiques sont uniquement réservés à la pacification, la science et l’apprentissage et non à la politique de discrimination.

«Nous étudions convenablement comme si on était dans notre propre pays. D’ailleurs pour moi, au Rwanda, on est mieux qu’à Goma car toutes les conditions sont très bien réunies. Depuis que je suis les études à Gisenyi, je n’ai jamais entendu ni un enseignant, ni un étudiant parler de la politique entre les deux pays. Lorsque nous sommes en auditoire, ce sont les études seulement, et les histoires du Rwanda ne nous affectent pas surtout que nous sommes venus apprendre en fonction de nos filières et orientations. Comme je fais les relations internationales, ces histoires de tribalisme ne m’affectent pas car je me préoccupe souvent de la résolution de conflits dans la communauté, soit en RDC, même au Rwanda », affirme-t-il.

De Gisenyi vers Goma

Plusieurs jeunes étudiants rwandais font le chemin inverse. Ils ont choisi l’Université de Goma -UNIGOM, considérée comme une université de référence dans la zone, suite à sa formation que ces jeunes jugent excellente.

Un grand nombre de ces Rwandais suivent la faculté de médecine pour plusieurs raisons.

« Je veux être un grand médecin et acquérir plusieurs compétences en médecine et toutes ses sciences connexes dont en grande partie la médecine interne. Chez nous au Rwanda, cette faculté est la plus sollicitée par de nombreux jeunes, mais les dispositifs ne sont pas réunis pour encadrer les jeunes étudiants. D’abord ici à l’université de Goma, la grande partie des enseignants sont des étrangers voire même des Rwandais qui viennent enseigner ici à Goma. J’apprécie la manière de faire dans les institutions congolaises car elles cherchent comment diversifier des expériences d’autres pays. Par exemple, le cours de diététique que nous étudions maintenant, c’est un Allemand qui nous l’enseigne », se félicite un jeune rwandais qui étudie dans le chef-lieu de la province congolaise du Nord-Kivu.

Pour d’autres, les études à Goma sont bonnes pour l’atmosphère dans laquelle elles se déroulent.

« J’aime l’ambiance qui s’observe dans nos auditoires. Tu sais, les Congolais aiment trop la blague. Ça nous met mal à l’aise, nous qui ne sommes pas nés au Congo. Je me dis que j’ai beaucoup de choses à apprendre des jeunes congolais notamment la modestie et la générosité », avoue Adrielle Mukangamije, étudiante à la faculté de médecine à l’université de Goma.

Néanmoins, parfois, des Congolais s’attaquent à des Rwandophones qui circulent dans la ville de Goma.

Heureusement, des étudiants rwandais qui fréquentent l’université de Goma disent commencer à maîtriser très bien le Swahili et le Lingala, deux langues souvent parlées dans les rues de la ville de Goma.

Dans les auditoires, il est difficile de différencier un étudiant d’origine congolaise et celui d’origine rwandaise.

En les écoutant dans leurs discussions, le Lingala et le Swahili sont davantage parlés par ces jeunes rwandais.

Entre eux, ils parlent le Kinyarwanda, leur langue maternelle, car selon eux, leurs camarades étudiants congolais les respectent.

« Nos camarades étudiants ont finalement compris que le fait que nous ne sommes pas Congolais, ça n’explique pas que réellement nous sommes des ennemis. C’est une bonne pratique car nous avons appris leurs langues et eux-mêmes commencent à parler la nôtre. En cours de chemin, je crois qu’il est très difficile pour une autre personne de nous différencier. Je parle un peu du Lingala », se réjouit la jeune étudiante Mukangamije.

Depuis plusieurs décennies, des jeunes congolais s’en prenaient aux Rwandais leur attribuant le qualificatif d’être des éléments nuisibles à la sécurité des Congolais.

Mais aujourd’hui la politique ne divise plus ces jeunes de pays en troubles.

La ville de Goma a enregistré plusieurs séries de manifestations anti-Rwanda, ce dernier étant accusé d’apporter un appui important à la rébellion du M23 depuis la résurgence de l’ancienne rébellion Tutsi fin 2021. Le Rwanda a toujours balayé ces allégations d’un revers de la main, les qualifiant de « mensonges ». (Fin)