Le Centre des Jeunes Sourds-Muets de Huye plaide pour plus de leur inclusivité dans les écoles et l’emploi

Des enfants sourds-muets en classe

Huye: «Nous sommes dans une classe de 2ème année secondaire au Centre des Jeunes Sourds-Muets de Huye qui accueille des enfants normaux et des sourds-muets, tous garçons et filles. L’enseignant donne cours en parlant de sa vive voix et en faisant des gestes correspondant au langage des sourds-muets. Il écrit aussi au tableau. Les enfants le suivent en prenant des notes. Le langage vocal et gestuel simultané permet à l’audience de suivre la leçon», explique le Préfet des études adjoint du Centre, Jean-Paul Nshimiyimana.

Il tient ces propos devant 25 journalistes en visite au Centre des Jeunes Sourds-muets de Huye dans le cadre d’une visite organisée par le Projet Hanga Akazi (=Initie l’Emploi) de USAID (ou Agence américaine de développement) et l’Union rwandaise des personnes vivant avec un handicap (UNIDOR). Nshimiyimana informe que ce Centre accueille 87 enfants sourds-muets au niveau de l’école primaire et 27 au niveau du secondaire.

« Nous formons des jeunes qui ne sont pas recrutés au niveau de l’emploi, alors qu’ils ont des compétences. L’obstacle est que ceux qui doivent les recruter et le personnel tous supposés travailler avec eux ne connaissent pas le langage des signes. D’où la peur d’embaucher nos enfants qui n’ont d’autres solutions que de retourner à notre Centre, un Centre malheureusement fort limité pour les prendre. Nos jeunes avancent que le seul lieu de leur épanouissement est le milieu qui les a formés. Ils y trouvent le même esprit de bon comportement, de langage, et de compréhension. Nous avons besoin que la communauté et les leaders à tous les niveaux comprennent que l’inclusivité est essentielle pour intégrer dans l’emploi et l’éducation les personnes vivant avec un handicap. Une seule école pour accueillir des sourds-muets et aveugles ne suffit pas. L’on doit mettre en œuvre des normes respectueuses des personnes vivant avec un handicap dans d’autres écoles du pays et d’autres institutions pourvoyeuses d’emploi », insiste le Préfet adjoint du Centre des Jeunes Sourds-Muets de Huye.

Le Préfet adjoint des études adjoint du Centre, Jean-Paul Nshimiyimana

Son vœu est que ce Centre devienne un TVET (Ecole Professionnelle et Technique) doté des sections de construction, menuiserie, électricité, cosmétique, plomberie, art culinaire, couture, etc. 

« Jusqu’à présent, nos certificats ne sont pas encore reconnus par WDA. Ceci doit changer et WDA doit les reconnaître pour l’avantage des bénéficiaires, surtout que les formations reçues sont à la hauteur des normes », dit-il.

L’autre défi relevé par Nshimiyimana est l’instabilité des enseignants du Centre. Le Ministère de l’Education (MINEDUC) nous fournit des enseignants qui sont par la suite formés dans le langage des signes. Ceci prend du temps. L’enseignant peut maîtriser ne pas maîtriser ce langage. Il peut travailler dans le Centre ou trouver un emploi ailleurs, laissant un vide souvent difficile à combler. 

« On reconnaît que les enseignants qui dispensent les cours en ajoutant le langage des signes fournissent d’énormes efforts. Une prime avait été promise par les responsables de l’enseignement. Rien n’a été concrétisé sur ce point. Et le Centre en souffre », poursuit le Préfet des études adjoint.

Les parents et les élèves qui ont fréquenté le Centre témoignent que l’enseignement dispensé insuffle un bon comportement et une confiance à l’enfant qui devient plus ouvert, plus communicatif, plus éveillé, plus sensible aux problèmes des autres sourds-muets à former.

« Ma fille a intégré ce Centre de Huye à sept ans. Elle y a été formée en couture. Elle a terminé ses études, mais elle n’a pas encore d’emploi. Il lui faudrait une machine à coudre et un appui pour être lancée. Le problème est que je n’ai pas les moyens pour l’acheter », confie-t-elle.

Felix Karangwa, lui, est un sourd-muet et menuisier professionnel formateur dans le Centre. Il est devenu sourd-muet à sept ans à la suite d’une méningite. Le génocide de 1994 a eu lieu alors qu’il était dans le Centre avec d’autres enfants sous la responsabilité des religieux Frères français. Ceux-ci ont évacué tous les enfants vers le Burundi, puis vers la France. Ils les ont ramenés en 1995. Karangwa a pu étudier la construction et la menuiserie dans ce Centre. Mais il n’a pas pu trouver d’emploi. Un Japonais rencontré par hasard lui a donné 80 mille Frw et il a acheté une machine à coudre. Avec d’autres sourds-muets, il a créé une association qui a obtenu des statuts et l’appui en locaux et en fonds d’un million Frw. La nouvelle association créée a pu acheter deux machines à coudre et deux autres pour tisser. Les membres sont au nombre de 18 membres dont la majorité est faite de jeunes filles.

Mary Maina, Directrice du Projet Hanga Akazi souligne la nécessité de faire une sensibilisation d’une durée de cinq ans générale de la communauté, des partenaires et des responsables politiques pour prôner l’exclusivité des personnes vivant avec un handicap dans l’octroi ou la création d’emploi. L’ensemble des institutions et des rwandais doivent privilégier les droits de ces personnes dans le cadre de l’accès aux droits pour tous les citoyens, y compris l’inclusivité pour l’accès à l’emploi », dit-elle.

L’appareil auditif permettant de capter des sons

Résoudre le problème des sourds-muets avant trois ans.

Le Frère Pierre Claver Bizoza du Centre des Sourds-Muets de Huye exhorte les agents communautaires de santé au niveau du village à détecter les cas des sourds-muets pendants que l’enfant est âgé d’une année. A ce moment, on peut le soumettre à l’audiométrie, mesurer le degré de surdité et donner à l’enfant un appareil auditif valant un million Frw. Cet appareil permet à l’enfant de capter les sons et d’apprendre une langue. Quand on dépasse trois ans, sans avoir été doté de cet appareil, l’apprentissage d’un langage devient impossible.

« Neuf districts sont reliés à nos contacts. La liste de leurs enfants est en attente pour subir le test d’audiométrie. En Allemagne, dès l’âge d’une année, les enfants nés sourds-muets reçoivent un appareil d’une valeur de six mille euros qui leur permet d’écouter le son et d’apprendre. Le malheur est d’avoir un pays à peu de revenus. C’est dire que dans les trente districts du Rwanda, des efforts peuvent être faits dans le suivi pour que les enfants nés sourds soient détectés et examinés par des centres spécialisés. Ce qui peut éviter des sourds-muets dans le pays. Le handicap peut être contré. Cela demande à notre population d’être informée et au pays d’avoir d’autres centres identiques à celui de Huye susceptibles de s’occuper frappés par ce handicap », recommande-t-il. (Fin)

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