Procès pour génocide de Rwamucyo à Paris, mercredi 23 octobre 2024. J17

Cérémonie du 7 avril 2018 à Paris (photo : ibuka-france.org – D.R.)

           Audition d’Yves DELANOY, expertise psychologique de l’accusé.

           Audition du Dr Michel DUFOUR, expertise psychiatrique de l’accusé.

           Audition de Gloriose NYIRAHABIMANA.

           Audition de Spéciose MUKAYIRANGA.

           Audition de Constance NYIRAKAMANA.

           Audition de Marcel KABANDA, président de l’association IBUKA FRANCE.

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Audition de monsieur Yves DELANOY, psychologue clinicien ayant procédé à l’expertise psychologique de l’accusé.

Monsieur DELANNOY a rencontré monsieur RWAMUCYO le 7 août 2014. Dans son rapport, il note que l’accusé a une forte tendance victimaire et adopte une posture défensive constante, se disant innocent de toutes les charges pour lesquelles il est poursuivi. Il relève les propos tenus par monsieur RWAMUCYO tels que : « on m’a accusé d’avoir tué des gens », « on me reproche une participation directe », « les Tutsi sont les seuls à être écoutés », « je suis qualifié de collabo [alors que j’ai sauvé des Tutsi] », « j’ai perdu beaucoup d’amis à Butare [dévastée par le FPR», « je suis l’ennemi du peuple, ils font tout pour m’empêcher de travailler » ou encore « Kouchner veut m’offrir aux Tutsi ».

L’expert a également relevé que RWAMUCYO parle collectivement de tout ce qui a trait au génocide, en faisant comme si lui-même n’avait pas de place propre. Ainsi, l’accusé aurait dit qu’on lui a « cité des noms de personnes [qui l’accusent] qu’il ne connaît même pas ». Concernant la réunion du 14 mai 1994 à l’UNR avec Jean KAMBANDA, il rappelle que « tous les gens intelligents de BUTARE » y étaient. Pour lui, il ne « sai[t] rien » sur le génocide, qui est un événement « dont [il a] entendu parler ». Adoptant selon monsieur DELANNOY un ton professoral, il lui expose son récit historique du Rwanda. Pour lui, ce n’est pas une question ethnique mais bien des pures considérations politiques.

Monsieur DELANNOY décrit monsieur RWAMUCYO comme un sujet affable, disposant d’une expression aisée et précise. Il n’éprouve aucun débordement émotionnel. Il n’aurait pas de tendance relevée à l’affabulation ou la mythomanie (ce qui n’est pas incompatible avec la dissimulation, comme le relève monsieur le président). Monsieur RWAMUCYO serait doté d’une intelligence supérieure à la moyenne. Il mobilise un récit minimaliste et distancié, tout en montrant une sensibilité à la « cause Hutu ». Le psychologue ne relève aucun trouble dans la compréhension du réel ni d’anomalie mentale. En revanche, il souligne un besoin d’une constante « réassurance narcissique ».

Monsieur le président laisse monsieur RWAMUCYO s’exprimer, compte tenu du fait que cette expertise a eu lieu dix ans auparavant. Il n’indique rien, sinon qu’il est « pratiquement d’accord » et que le ton « professoral » qu’on relève chez lui est adopté par d’autres, et notamment monsieur DELANNOY (« c’est quelque chose que nous partageons »).

Monsieur le président interroge l’expert sur le manque apparent de réactions émotionnelles chez l’accusé (« On a l’impression d’avoir quelqu’un d’extrêmement froid et détaché. Quand on évoque des faits d’une extrême violence, cela ne suscite chez lui aucune réaction visible »).

Monsieur DELANNOY émet l’hypothèse que la distanciation, l’intellectualisation et le manque d’émotion apparente sont dus à un mécanisme de défense, de nature traumatique. Cela pourrait expliquer qu’il parle rationnellement de choses innommables. Au contraire, ceci pourrait relever d’une défense rationnelle, d’une stratégie de dénégation.

Pour monsieur DELANNOY, monsieur RWAMUCYO a une bonne image de lui-même et cherche absolument à la conserver. Au cas où il sa responsabilité serait retenue pour génocide, ceci impacterait très largement l’image qu’il a de lui, son système de valeurs (notamment en tant que chrétien et que médecin). Le psychologue a relevé une fragilité dans la construction narcissique de monsieur RWAMUCYO. C’est pour cela qu’il pense que l’accusé ne sera sans doute pas capable de reconnaître une telle responsabilité génocidaire, s’il venait à être condamné.

L’expert est interrogé par le jury et les parties civiles sur sa méthodologie. Questionné sur la portée de son expertise, monsieur DELANNOY précise qu’elle est une « photographie à l’instant T ».

La défense interroge l’expert sur les conséquences potentielles de l’exil sur la personnalité de monsieur RWAMUCYO et sur l’image qu’il a de lui-même. Elle reconnaît que l’attitude défensive de l’accusé peut être constatée par tous, mais suggère l’hypothèse selon laquelle celle-ci viendrait du fait que le récit des événements établi par monsieur RWAMUCYO n’est « plus la parole dominante ». Monsieur DELANNOY rappelle que cette hypothèse a été évoquée par son rapport, qui note un certain fatalisme chez l’accusé.

Audition du docteur Michel DUFOUR, expert psychiatrique, en visioconférence depuis le Tribunal Judiciaire de VALENCIENNES.

Le docteur DUFOUR a rencontré monsieur RWAMUCYO en 2014. L’expertise a duré moins d’une heure.

Au cours de l’entretien, monsieur RWAMUCYO a adopté un ton professoral et condescendant, et a fait une « pédagogie sur l’histoire du Rwanda ». Il déclare à l’expert qu’il « avait du pouvoir au Rwanda », « que ceux qui avaient fui en 1959 sont revenus les armes à la main en 1990 », que lui « représente une époque » et que c’est pour cela qu’il faut qu’il tombe, « [qu’il appartient] à ceux qui devaient tomber » car « on sait [qui il est] ».

En revanche, le psychiatre ne constate aucun trouble, aucune pathologie psychiatrique chez monsieur RWAMUCYO.

Le président donne une nouvelle fois la parole à monsieur RWAMUCYO, qui n’ajoute rien. Il se défend simplement sur la question du ton professoral, en disant que c’est sa « manière de parler », qui « masque [s]on anxiété ». Il explique que « ce n’est pas facile d’être devant la cour d’assises ».

Audition de madame Gloriose NYIRAHABIMANA, citée en vertu du pouvoir discrétionnaire du président à la demande de maître LADU, en visioconférence du Rwanda.

Madame NYIRAHABIMANA vivait à NYAKIZU (NYARUGURU) avec sa famille, constituée d’une fratrie de douze enfants. Elle est la sixième, et est âgée de 18 ans en 1994, pendant le génocide. Sa famille est pauvre.

Après le déclenchement du génocide dans la préfecture de BUTARE, la maison de la témoin est attaquée par ses voisins. La famille parvient à s’échapper mais leur maison est incendiée. Elle se réfugie d’abord à l’église de CYAHINDA. Une attaque menée par les interahamwe pousse la famille à fuir par les bois. Les assaillants les poursuivent en leur lançant des grenades, mais aucun membre de la famille n’est touché.

Repassant par NYAKIZU, madame NYIRAHABIMANA et sa famille se réfugient ensuite à NUYMBA (GISHAMVU), à la paroisse. Quand la famille arrive à NUYMBA, une première attaque a déjà eu lieu. Il y a énormément de cadavres. La famille se réfugient dans la « salle des célébrations », une ancienne et plus petite église située entre l’église et l’école primaire. À NUYMBA, il y a des réfugiés de tous les secteurs environnants, mais aussi de NYARUGURU et de KIGEMBE.

Le lendemain de leur arrivée est lancée une nouvelle attaque des interahamwe. Elle reçoit des coups de gourdin. Elle perd connaissance mais la reprend dans la soirée. Après s’être cachée dans les cadavres, elle parvient à sortir de l’église.

Elle indique à ce moment-là avoir été violée, par plusieurs hommes et à tour de rôle. Une maladie incurable lui a été inoculée au cours de ces viols. C’est un souvenir traumatique, pour lequel la témoin ne souhaite pas s’étendre.

Madame NYIRAHABIMANA est prise en charge le même jour par une femme – nommée PRISCA – vivant avec ses deux enfants (âgés d’environ 5 et 6 ans). Sa maison se situe sur la colline en face de NUYMBA (à une quinzaine de minutes à pied, il suffit de descendre vers la vallée et de remonter la colline). Elle reste chez elle, en échange de quoi elle va chercher du bois de chauffage ou garde les vaches et ses enfants. Personne n’est au courant que c’est une Tutsi dans le voisinage, PISCA lui disant de ne pas se cacher pour ne pas apparaître suspecte.

Environ une semaine après son arrivée, les enfants lui demandent de les accompagner pour voir le Caterpillar en train « d’enterrer les Tutsi ». Elle les suit pour ne pas attirer l’attention. Lorsqu’elle voit la fosse de NYUMBA (au niveau de la salle des célébrations) être remplie de corps par la machine, son « cœur a sursauté ». Elle voit clairement que des blessés sont également jetés dans les fosses (NDR. Notamment au niveau des jambes, plusieurs témoins ayant indiqué que les assaillants visaient les chevilles de leurs victimes pour empêcher qu’elles ne puissent s’échapper par la suite). Elle entend les blessés gémir, et elle est persuadée que le conducteur a dû voir qu’ils bougeaient.

Elle est témoin directe de ce macabre spectacle, pendant une vingtaine de minutes. Elle remarque la population et des interahamwe armés qui regardent la machine. La témoin indique avoir clairement entendu des passants indiquer qu’ils remercient un certain Eugène RWAMUCYO pour avoir fait venir le Caterpillar et ainsi les débarrasser des odeurs de putréfaction, de cette « puanteur ». Elle entendra le lendemain, par d’autres personnes sur la route, que RWAMUCYO est un « docteur à l’Université ». Le Caterpillar travaille ainsi 3 à 4 jours. Située en face de NYUMBA, madame NYIRAHABIMANA est témoin de ses activités.

La témoin indique que seuls sa mère – elle était Hutu – et son frère – réfugié au Burundi – ont survécu.

La maladie qui lui a été inoculée la prive de toute force, l’empêchant de travailler pour nourrir ses enfants. Par chance, et grâce aux médicaments et au suivi des médecins, cette maladie ne s’est pas transmise à ses trois enfants. Madame NYIRAHABIMANA exprime malgré tout un certain sentiment de culpabilité, en indiquant qu’elle « n’a pas fait exprès d’avoir cette maladie ».

Il est à noter que cette déposition a été particulièrement bouleversée par la Défense. Au cours de l’audition, monsieur RWAMUCYO lui-même a tenté d’intervenir pour des questions de traduction en kinyarwanda. Il est vivement rabroué par monsieur le président, qui lui interdit d’intervenir et d’interrompre l’interprète.

Par la suite, Me MATHE s’emploiera à poser des questions très précises à la témoin, s’étonnant qu’elle se soit rappelée du nom de RWAMUCYO mais qu’elle ne sache plus le nom des enfants de la femme l’ayant recueillie.

La défense s’acharnera encore une fois sur la question de savoir comment et par qui la témoin a été mise au courant du procès, de la déposition et de la constitution de partie civile. Me LADU, avocat de madame NYIRAHABIMANA, est obligé d’intervenir face à un tel acharnement. Les questions s’enchaîneront, et avec elles les insinuations de complot et de manipulation des témoins par le gouvernement de Kigali. Pas de doute, ces dernières figurent plus que jamais en bonne place dans l’argumentaire de la défense.

Audition de madame Spéciose MUKAYIRANGA, citée en vertu du pouvoir discrétionnaire du président à la demande de maître LAVAL, en visioconféfence du RWANDA. Son témoignage portera entre autres sur la fosse de TABA à BUTARE dans laquelle ses enfants ont été jetés.

Madame Spéciose MUKAYIRANGA commence son témoignage en évoquant les grands massacres qui ont endeuillé les années soixante et soixante dix puis aborde assez vite les années 90: l’arrestation des « Ibyitso », les complices du FPR en octobre 1990, parle du massacre des Bagogwe (son mari est lui-même un Mugogwe), les menaces qui pèsent sur sa famille, les visites qu’ils reçoivent à la maison (le témoin sera blessé à la machette lors de l’une de ces intrusions). Son mari, monsieur Fidèle KANYABUGOYI, fondateur avec des amis de l’association « KANYARWANDA », une association des droits humains qui ne cesse de dénoncer les injustices qui sont infligées aux Tutsi, est particulièrement visé.

Le témoin après voir évoqué son court séjour au Centre Christus, maison des Jésuites, début avril 1994 (plusieurs prêtres et laïcs seront tués dès le 7 avril), aurait aimé parler plus longuement de sa fuite à l’ETO, école technique de KICUKIRO, où elle se réfugie avec son mari et beaucoup d’autres Tutsi, pour se mettre sous la protection du contingent belge de la MINUAR. Elle voulait parler aussi du calvaire que les rescapés ont subi après le départ des Casques Bleus belges le 11 avril, leur chemin de croix vers NYANZA où beaucoup de Tutsi seront abattus. Son mari sera du nombre des victimes. Elle-même, blessée, enfouie sous les cadavres, dans les lamentations des mourants et le pleur des enfants, sera finalement sauvée par l’arrivée des soldats du FPR. Elle sera transférée, comme les quelques survivants, dans la zone tenue par le FPR, à BYUMBA. Avec beaucoup d’émotion, elle évoque aussi le souvenir de son grand-père et de son père, des hommes droits qui ne faisaient que le bien autour d’eux.

(NDLR. Le récit de son témoignage a été transcrit dans Cahiers de Mémoire 2019, Classiques GARNIER, pages 21 à 49, Pourquoi tant de haine ?, édité sous la direction de Florence PRUDHOMME et Michelle MULLER).

Elle aurait aimé parler davantage de cet épisode de sa vie, mais monsieur le président lui fait comprendre que nous n’avons pas beaucoup de temps et qu’elle devrait centrer son témoignage sur BUTARE et la fosse de TABA.

En 1993, ils décident d’envoyer leurs trois plus jeunes enfants chez KARENZI, le frère de GASANA NDOBA, à BUTARE, où ils pensent qu’ils seront protégés. Tout était fait, sur le plan politique, pour laisser croire que la capitale universitaire ne serait pas touchée par la violence. C’est à TABA, le 31 avril 1994, que leurs deux garçons de 13 et 11 ans, EMERY et THIERRY seront exécutés avec toute la famille de KARENZI. 22 jeunes de moins de 21 ans seront abattus dans ce quartier résidentiel de la ville et leurs corps jetés dans une fosse qui aurait été creusée par Emmanuel BIRASA, le conducteur du Caterpillar, en présence de Eugène RWAMUCYO. (NDR. C’est un des chefs d’accusation qui vise l’accusé, l’enfouissement des corps sur le site de dix fosses communes, dont celle de TABA.)

Lorsque la fosse de TABA sera découverte par hasard, en 2002, avec d’autres familles, elle viendra tenter de reconnaître le corps de ses enfants dont les restes ont été étalés au bureau de secteur. Elle reconnaîtra le blouson d’un de ses garçons sur lequel est collée une touffe de cheveux. C’est la seule certitude qu’elle obtiendra de la présence de ses enfants dans cette fosse (NDR. C’est par Yvette, la seule rescapée de cette boucherie, qu’elle apprendra les circonstances dans lesquelles tous ces enfants ont été sacrifiés). Après les tueries, les auteurs viendront réclamer de la bière chez les sœurs BENEBIKIRA, dernier séjour des enfants avant leur mort, pour fêter leurs forfaits.

Audition de madame Constance NYIRAKAMANA, citée en vertu du pouvoir discrétionnaire du président à la demande de maître LADU, en visioconférence du RWANDA.

Madame HYIRAKAMANA, qui se constitue partie civile à l’audience, et est donc entendue à titre de « simple renseignement » sans avoir à prêter le serment des témoins

« J’étais dans la vallée où les faits se sont passés. Nous avons fui à NYAKIBANDA avec ma famille qui a été exterminée. Je vais échapper par chance et je rends grâce au Seigneur. À un certain moment, des gens sont venus tuer, membres de la population, militaires. Quant à moi, je suis restée. Ils ont tué et je ne sais pas comment j’ai réussi à me cacher au milieu des cadavres. Un véhicule (un engin) est arrivé: des gens parlaient d’Eugène RWAMUCYO. Le conducteur de l’engin a creusé une grande fosse dans laquelle ils ont jeté les corps: des cadavres, mais aussi des gens qui vivaient encore. Après deux jours, quand j’ai vu que c’était fini pour mon mari, je suis sortie de ma cachette et suis partie au hasard, sans but précis. J’ai alors rencontré une vieille femme qui m’a cachée. Quant au sort des cadavres, dont ceux de ma famille, je ne savais pas quoi faire, j’étais un peu perdue. J’ai continué à errer sans jamais rester au même endroit. J’ai rencontré une autre vieille qui m’a cachée à son tour et je suis restée chez elle. »

Sur questions de monsieur le président, le témoin donne les noms des membres de sa famille qui ont été tués. Seule une sœur aînée a survécu. Cachée au milieu des cadavres, enceinte de sept mois, elle a perdu l’enfant qu’elle portait. On leur avait dit de se réfugier à l’IGA pour y être protégés. « En fait, on nous avait rassemblés là pour pouvoir nous tuer plus facilement ». Des contacts avec les prêtres du séminaire? Elle n’en a pas eu, ils étaient déjà partis. Les tueurs leur apportaient « de la farine, de la poudre de brique », dira-t-elle (sic). Quant à son mari, elle ne retrouvera jamais son corps. Elle reparle de l’engin qui est venu pour ensevelir les morts. C’est la première fois qu’elle entendait parler de RWAMUCYO. Mais elle ne l’a pas vu. Elle n’a pas vu non plus de prisonniers, elle se cachait.

Ses souvenirs sont confus, elle ne se souvient pas bien de tout ce qui s’est passé. Ce qu’elle peut affirmer, c’est qu’à la fin du génocide un vieux a mobilisé les gens pour reconstruire les maisons. C’est lorsque des réunions étaient organisées que le nom de RWAMUCYO revenait. Elle ne sait pas combien de cadavres ont pu être décomptés.

Maître LADU, son avocat, remercie le témoin pour avoir eu le courage de témoigner. Il lui demande si elle a pu bénéficier d’un suivi psychologique. Non, elle a des problèmes de cœur pour lesquels elle se fait soigner.

 Audition de monsieur Marcel KABANDA, président de l’association IBUKA FRANCE.

IBUKA, « Souviens-toi« , est une association de droit français dont l’idée est née au sein de la diaspora rwandaise dès le génocide. Ceci, en réponse aux appels à l’aide de ceux qui mouraient au Rwanda. En 1995, IBUKA fonctionne comme un Collectif: les rescapés, au Rwanda, se regroupent pour pouvoir continuer à vivre. D’autres associations voient le jour, comme AVEGA, association des Veuves du génocide, ou des associations regroupant les étudiants. Des actes violences extrêmes ont été commis pendant le génocide: viols, découpe des corps à la machette, coups de gourdins qui font éclater les crânes… IBUKA seront donc une réponse collective des toutes les initiatives prises en faveur des rescapés.

Des branches indépendantes verront le jour en Belgique, en Suisse, en France et dans beaucoup de pays, partout où vivent des rescapés et leurs familles: lutter contre le négationnisme, transmettre la mémoire, tels sont les objectifs principaux de l’association. Chaque branche d’IBUKA fonctionne en toute indépendance, même si les objectifs sont les mêmes.

IBUKA France s’est investie dans des programmes d’éducation, dans le soutien des rescapés dans le domaine de la santé mentale, en particulier lors des Gacaca. Monsieur KABANDA précise alors que lui-même a beaucoup travaillé, avec Jean-Pierre CHRÉTIEN, Jean-Francois DUPAQUIER et Joseph NGARAMBE sur la rédaction de l’ouvrage: Rwanda, les médias du génocide. Le TPIR leur demandera ensuite de rédiger un rapport sur le sujet. Le témoin a centré son travail sur l’étude des 59 numéros du journal extrémiste KANGURA et sur le rôle de la RTLM. Journal de propagande qui a favorisé grandement la perpétration du génocide. Monsieur l’avocat général rappellera plus tard que ce journal contenait beaucoup de dessins pornographiques pour déniger les soldats de la MINUAR et les femmes tutsi.

Les enjeux du procès RWAMUCYO? Mettre fin à l’impunité qui a été la règle au Rwanda pendant des décennies.

Le témoin remercie le CPCR pour son action incessante: il n’y a pas de mémoire sans justice. A IBUKA, ils n’ont pas le temps de s’occuper de la justice en même temps que la mémoire. Occasion aussi de remercier les avocats de l’association, et les autres associations parties civiles dans ce dossier.

Sur question de monsieur le président, le témoin précise que l’association qu’il préside est partie civile depuis le procès des bourgmestres de KABARONDO. Quant à RWAMUCYO, c’est un peu par hasard qu’il aurait découvert son nom lors de la rencontre du directeur de l’imprimerie scolaire à BUTARE à l’occasion de leur travail sur les médias du génocide. Son nom aussi est signalé comme celui d’auteur de la propagande de la CDR.

Les témoins seraient préparés par IBUKA en vue des procès? Non, l’association soutient les témoins, elle ne souhaite qu’une chose, que justice soit rendue: pas de manipualtions si souvent dénoncées par la défense.

Une série de questions, tant de la part des jurés que des représentants des parties et de l’accusation donneront au témoin l’occasion d’apporter des précisions sur certains points: taux d’écoute de la RTLM, les formes du négationnisme, le lien entre le MDR et le PARMEHTU, la CDR.

Il reviendra à maître MATHE, pour la défense, de clore la série des questions. Elle revient sur les témoins cités par les parties civiles sans avoir été entendus lors de l’instruction (NDR. C’est l’hôpital qui se fout de la charité. Elle oublie qu’un nombre important des témoins cités par la défense ont été entendus selon le pouvoir discrétionnaire du président, donc sans avoir été entendus pendant l’instruction!)

Occasion aussi de parler de l’accusation en miroir qui consiste à accuser l’autre du crime qu’on veut commettre soi-même. Les deux parties n’arriveront pas à se mettre d’accord. Même chose concernant le rôle de la propagande dans la diffusion des idées génocidaires et dans la non mise en place des accords d’Arusha. Dans ce domaine, la CDR a une responsabilité écrasante.

Puis, la question des déplacés des Hutu du Nord qui sont venus s’entasser aux portes de KIGALI suite à la reprise des combats par le FPR. Avec les accords d’ARUSHA, il était prévu que les déplacés rejoignent leurs collines. Torpiller ces accords n’a pas permis le retour des déplacés.

Enfin, la question des crimes du FPR sur lesquels il n’y a jamais eu d’enquêtes. Nécessité pour la défense de les reconnaître, préalable à la réconciliation? La question reste posée.

Il est 20h20, heure pour monsieur le président de suspendre l’audience. Reprise demain à 9 heures. (A suivre …).

Par Alain GAUTHIER, président du CPCR ; Jules COSQUERIC, bénévole ; et Jacques BIGOT, pour les notes et la mise en page

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