Témoignages du milieu rural : Le changement climatique a plus d’impact sur la femme

Madame Gertrude Bakamibungo, 68 ans (photo), vit en milieu rural dans le Secteur Nyange, district de Ngororero. Elle affirme que le changement climatique exerce plus d’impact sur la femme que sur l’homme.

« La femme rurale ne connaît jamais de répit en saison des pluies. Elle est toujours hors de la maison pour chercher de l’eau, du bois de chauffage pour la cuisson, ou pour mettre les chèvres à l’abri et qui risquent d’être dévorées par les chiens de brousse. Et quand il pleut, le mari en profite pour s’abriter dans un bar où il achète une bouteille de bière locale. L’on ne peut pas parler de partage des tâches entre la femme et le mari. En milieu rural, faire la cuisine revient toujours à la femme. En grande partie, les hommes ne changent pas la mentalité et ne peuvent pas faire la cuisine. Ils attendent le retour de la femme pour faire ce travail », indique-t-elle.

Elle ajoute qu’en cas de manque de nourriture ou même de famine, l’homme fuit dans le cabaret, y dépense de l’argent, et ramène le reste en famille. Parfois le mari émigre vers une zone où il peut obtenir un emploi d’agriculture de subsistance. Là, il se cherche une femme qui peut le nourrir et il oublie son premier ménage. Surtout quand il y a un moindre conflit qui crée un sentiment de frustration et de manque d’autorité sur la famille.

« Ma femme m’a manqué du respect. Elle n’a qu’à rester avec son domicile et ses enfants », se plaint le mari. Alors que la femme seule ne peut pas subvenir aux besoins nécessaires du ménage.

« C’est dire que le changement climatique et l’absence de pluies en milieu rural accentuent la violence conjugale et place la femme dans une insécurité. Surtout chez des ménages qui survivent de l’agriculture de subsistance » précise Bakamibungo, qui rapporte ce qu’elle constate dans son milieu rural.

Mme Béatrice Uwineza du Secteur Mbuye, district de Ruhango. 

Son point de vue rejoint celui de Béatrice Uwineza du Secteur Mbuye, district de Ruhango.

« Quand il ne pleut pas, les ruraux qui vivent de l’agriculture de subsistance ne peuvent pas avoir un emploi. Cette situation les place dans une vulnérabilité extrême. Certains émigrent vers des zones plus viables. En période des pluies, les femmes demeurent exposées aux graves intempéries, en train de mettre de l’eau à utiliser dans des bidons et gros récipients. Surtout que les puits sont souvent loin des domiciles. En cas de peu de pluie, les femmes n’obtiennent pas de l’argent pour acheter du matériel scolaire pour les enfants. C’est une situation de pauvreté qui s‘instaure. Nous remercions l’Etat qui a créé des cantines scolaires qui ont facilité la vie des élèves en classe. C’est une initiative qui a soutenu les communautés. Par ailleurs, par le biais de l’AFD (75%) et CCFD Terre Solidaire (25%), 300 millions Frw ont été fournis en première phase, et ont permis de former deux mille cinq femmes rurales dans sept districts afin de faire face au changement climatique. Des cuisinières consommant moins d’énergie et de combustibles ont été octroyées, ainsi que des citernes. Du matériel pour irriguer est acheté par certains ménages proches des rivières et ils peuvent irriguer et récolter trois fois l’an », explique Uwineza.

Philibert Ndayambaje travaille avec une organisation de renforcement des capacités en milieux ruraux, INADES, dans le district de Ngoma, Secteur de Murama.

Dans cette partie de l’Est exposée à de fréquentes fortes sécheresses, la grande partie des ménages voit ses hommes émigrer ailleurs, laissant la femme et les enfants exposés au manque de ressources alimentaires.

Ndayambaje rapporte que la majorité des hommes qui pratiquent l’agriculture de substance émigrent en cas d’absence de pluies et d’emploi.

« C’est ici que l’on vit réellement l’impact du changement climatique sur les ménages qui subissent de plein fouet des conflits conjugaux. Le besoin de ressources rend ainsi trop vulnérables les familles. Et ce drame est vécu au quotidien en cas d’absence de pluie », poursuit-il.

Et la note d’Alerte sur le croisement Genre et climat (pages 5-6) trouve ici sa justification :

« Le Genre dans les urgences climatiques/ Les urgences climatiques surprennent les femmes dans des situations de vulnérabilité telle que la pauvreté, le manque de moyens, l’analphabétisme, la plus grande exposition des filles et des femmes aux catastrophes naturelle ou celles causée par le changement climatique, ou encore le plus grand risque de violences basées sur le genre et l’exploitation sexuelle. Elles sont plus vulnérables aux impacts du changement climatique, mais ne doivent pas être envisagées uniquement en tant que victimes. Il convient de se concentrer sur la contribution qu’elles peuvent apporter à l’élaboration de solutions et contrebalancer les rapports de pouvoir genre, ainsi que la répartition des ressources, afin de construire des sociétés plus résilientes ». (Fin)

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