
Alice Nderitu, actuelle Conseillère Spéciale du Secrétaire Général de l’ONU en matière de Prévention du Génocide
Après le Génocide des Tutsis du Rwanda en 1994, le SG de l’ONU de l’époque, Kofi Annan, a immédiatement créé un Bureau de Prévention du Génocide auprès de l’ONU, dans le but d’éviter que ce qui s’est produit au Rwanda ne soit plus réédité ailleurs (Never again ou Plus Jamais ça). Alice Nderitu, actuelle Conseillère du Secrétaire Général des Nations Unies en matière de Prévention du Génocide, rappelle que l’ONU est dotée de mécanismes pour lutter contre l’idéologie du génocide, mais qu’il faut la volonté des Etats, surtout qu’il s’agit de la responsabilité de protéger. Lire son intervention lors d’un panel lors de la 31ème Commémoration du Génocide des Tutsi à Kigali :
Ils ont énormément travaillé à la mise en place du Mécanisme international résiduel, en s’adressant au Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et au Tribunal pénal international pour le Rwanda, et en faisant avancer les travaux. Mais je pense que le ministre a en partie répondu à cette question, car il a parlé de l’Assemblée générale des Nations Unies, du Conseil de sécurité de l’ONU et, bien sûr, de la désignation de la Journée internationale de commémoration.
En ce moment même, des commémorations ont lieu à l’ONU, à l’Union africaine. Et c’est d’ailleurs l’Assemblée générale des Nations Unies qui nous a donné ce nom : le génocide des Tutsis au Rwanda. Il s’agit d’une résolution générale des Nations Unies.
Je dois dire que lorsque j’ai rejoint l’ONU, la négation du génocide n’était pas vraiment abordée à l’époque. La négation de l’Holocauste était abordée, notamment par l’UNESCO. Et quand je suis allée à Srebrenica, un incident m’a fait comprendre, notamment, bien sûr, la Commission d’enquête mise en place par la Srebrenica pour prouver l’absence de génocide à Srebrenica. Cela m’a fait comprendre pourquoi nous devons associer le négationnisme à celui du génocide, qu’on ne peut pas ne pas parler du négationnisme.
Et puis, vous savez, le professeur Gregory Stanton, que nous avons rencontré il n’y a pas si longtemps, a dressé une liste des conséquences de la planification d’un génocide, et son dernier point, le numéro 10, est le négationnisme. Il est donc normal, bien sûr, que lorsqu’on planifie un génocide de l’ampleur d’un génocide, on le nie.
Nous avons élaboré la première politique écrite de l’ONU établissant un lien entre l’Holocauste et le négationnisme. Vous pouvez la consulter en ligne. Cela aborde très spécifiquement les différentes actions possibles de l’ONU et des États membres face à ce déni. Mais je dois dire qu’il est également essentiel que les responsables de l’ONU se souviennent systématiquement des raisons de sa création, après la Seconde Guerre mondiale, suite à l’appel « Plus jamais ça ».
Le bureau que je dirigeais a été créé suite à ce qui s’est passé ici, le génocide des Tutsis au Rwanda. D’ailleurs, dans la lettre adressée par le Secrétaire général au Conseil de sécurité, alors Kofi Annan, il est indiqué que pour éviter une répétition du génocide des Tutsis au Rwanda, nous avons besoin de ce type de bureau. Les mécanismes existent donc, l’ONU dispose des cadres, des mécanismes et des bureaux, mais il reste bien sûr beaucoup à faire. Il faut une volonté politique des États membres, car, je crois, il s’agit de la responsabilité de protéger.
En fin de compte, pour que cette responsabilité soit mise en œuvre, le Conseil de sécurité doit prendre une décision. Et cette décision concerne le droit de veto au Conseil de sécurité. Je peux l’affirmer avec certitude, et je le dis avec certitude, cela garantirait presque que nous ne puissions pas obtenir une nouvelle responsabilité de protection.
Il faut vraiment que les choses changent pour que le Conseil de sécurité puisse prendre une décision reconnaissant que des personnes ici souffrent, sont tuées, sont ciblées en raison de leur identité et ne sont pas protégées en raison de nos positions politiques. Car, en réalité, les positions politiques des membres du Conseil de sécurité sont généralement très claires dans les décisions qu’ils prennent. Il est généralement très clair qu’ils parlent au nom de leur gouvernement. Merci beaucoup. (Fin)