Comme l’explique l’étude menée par la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG) sur l’histoire du génocide commis contre les Tutsis dans l’ancienne préfecture de Gitarama, perpétration d’actes de meurtres et de violences contre les Tutsis a commencé fin février 1973. Le complot des cerveaux de ces actions ignobles était de viser tous les Tutsis, à commencer par ceux des écoles et des différents services. Les hauts dirigeants du parti PARMEHUTU, dont le président Kayibanda Grégoire lui-même, ont incité leurs partisans à incendier et à détruire les maisons des Tutsis et à les tuer.
Dans la commune de Rutobwe, l’un des témoins raconte qu’en 1973, lorsque les Tutsis ont été massacrés et soumis à des actes de violence, ses voisins l’ont trouvé où il s’occupait de son bétail, et lui ont demandé de les rejoindre pour aller piller les vaches des Tutsis pour qu’il puisse les ajouter aux siennes. Ils sont allés et ont constaté que les vaches des Tutsis avaient été laissées seules, ses collègues ont pris beaucoup de vaches alors que lui n’a pris qu’une seule vache. Lorsqu’il avait pris la vache avec les leur, un partisan éminent du PARMEHUTU appelé Nshagayintwali est venu à bord d’un véhicule et a dit que la paix avait été rétablie et qu’ils devaient cesser de piller les vaches des Tutsis. Aucun de ceux qui avaient pris les vaches des Tutsis n’a été ni demandé de les rendre aux Tutsis ni tenu pour responsable. Ce que les dirigeants du PARMEHUTU ont fait, c’est seulement d’appeler les gens à cesser de s’emparer des vaches des Tutsis. Quand les Tutsis sont revenus, ils ont trouvé leurs vaches pillées et même certains d’entre eux ont trouvé que leurs maisons avaient été incendiées.
Les actes de violence et les meurtres contre les Tutsis dans cette commune ont commencé le 25 février 1973. Dans la lettre n ° 60/73 / SPS / COMO21 du 13 avril 1973 transmettant le rapport mensuel de mars 1973, le bourgmestre de la commune de Rutobwe Hitimana Zabulon, a informé le préfet de la préfecture de Gitarama que le 25 février 1973 la population de Karehe (Kiremeli) et Gasovu (Cyeza) avaient été témoins de quelque chose de traumatisant car il y avait des maisons incendiées cette nuit-là. Il ajoute que ceux qui ont brûlé ces maisons venaient de la commune de Nyamabuye à Bwilika et se rendaient dans la commune de Mushubati. Dans ce rapport, il indique que des vaches ont été mangées, des maisons incendiées et une personne non identifiée avait été tuée.
Le bourgmestre Hitimana Zabulon poursuit en racontant que le 6 mars 1973, le député Niyonzima Maximilien a tenu une réunion de tous les citoyens dans les bureaux de la commune de Rutobwe dans laquelle il a convaincu toutes les populations qu’elles devaient vivre côte à côte pacifiquement et que les déplacés devraient retourner chez eux. Le bourgmestre mentionne qu’il a demandé à la population d’aider ceux dont les maisons avaient été incendiées ; ils leur ont apporté des arbres pour reconstruire leurs maisons. Cependant, le bourgmestre Zabulon Hitimana n’a mentionné ni le nombre de maisons incendiées ni le nombre de vaches mangées.
Dans le procès-verbal de la réunion des conseillers de la commune de Rutobwe tenue le 5 mai 1973, le bourgmestre Hitimana Zabulon informa les participants que le conseiller appelé Nyandwi lui avait dit qu’il y avait là des Tutsis qui vendaient leurs terres pour fuir et qu’une solution à cela devait être trouvé. Au cours de la réunion, le conseiller Nyandwi a expliqué le problème comme suit : « Il y a des Tutsis de mon quartier qui donnent leurs terres aux Hutus par vente, et il y en a d’autres qui achètent et ne viennent pas aux bureaux communaux, ce qui est souvent dû aux menaces qui pèsent sur certains d’entre eux ».
A ce sujet, un certain Buzurora a déclaré : « Les Tutsi qui fuient reviendront nous combattre. En achetant leurs propriétés, nous leur donnons des provisions et de l’argent pour acheter des armes qui à leur tour serviront à nous tuer ». Nshagayintwali, pour lui, a déclaré : « J’écrirai aux partisans pour que nous tenions une réunion le dimanche 13 mai 1973 ».
Par lettre n ° 480 / C.09 / 03 / ORG.COU, datée du 14 mai 1973, le préfet de la préfecture de Gitarama, Tharcisse Karuta a demandé au bourgmestre de la commune de Rutobwe Hitimana Zabulon de lui donner les détails des mesures prises contre cette question des Tutsis qui vendent leurs champs et s’enfuient. (Fin)