L’ONU vient en aide aux Afghans déplacés par le conflit qui ont besoin d’une assistance.
Les Nations Unies ont déclaré mardi qu’elles allaient continuer de venir en aide à la population en Afghanistan après la prise de pouvoir par les Talibans. Elles ont demandé au nouveau régime d’assurer un accès sans entrave aux travailleurs humanitaires et de respecter les promesses qu’ils ont faites en matière de droits humains.
« Les Nations Unies en Afghanistan réitèrent leur engagement à rester et à fournir de l’aide à des millions de personnes dans le besoin dans le pays », a déclaré Ramiz Alakbarov, Coordonnateur humanitaire en Afghanistan, précisant que la majorité du personnel humanitaire restait dans le pays.
« La communauté humanitaire – à la fois l’ONU et les organisations non gouvernementales – reste déterminée à aider les gens en Afghanistan. Alors que la situation est très complexe, les agences humanitaires se sont engagées à soutenir les personnes vulnérables qui ont plus que jamais besoin de nous », a-t-il ajouté.
« Même face à l’escalade de la crise, le travail de l’UNICEF en faveur des enfants et des familles à travers le pays se poursuit. Au moment où je vous parle, nous avons notre Directeur des urgences et notre Directeur régional à Kaboul, qui ont atterri il y a deux jours. Ils sont là parce que l’UNICEF demande un accès immédiat et sans entrave aux zones difficiles d’accès, afin que nous puissions apporter un soutien indispensable à la population afghane, en particulier à ceux qui paient le prix le plus lourd – les femmes et les enfants », a déclaré le chef des urgences et des opérations de terrain du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mustapha Ben Messaoud, lors d’un point de presse humanitaire à Genève.
« La poursuite de ce travail et notre soutien aux femmes et aux enfants d’Afghanistan sont plus importants que jamais. Les violations doivent cesser, les droits durement acquis des filles, y compris l’accès à l’éducation, doivent être protégés et une aide humanitaire doit être fournie aux millions d’enfants qui en ont besoin », a-t-il ajouté.
Une mère et son enfant dans le camp de déplacés de Haji à Kandahar, en Afghanistan.
18 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire
Le responsable de l’UNICEF a rappelé que la moitié de la population – soit plus de 18 millions de personnes, dont près de 10 millions d’enfants, – a besoin d’une aide humanitaire. « Pour toutes ces personnes, l’UNICEF a besoin d’un accès et de toutes les garanties de sécurité qui accompagnent cet accès », a-t-il dit.
« L’Afghanistan a, pendant de nombreuses années, été l’un des pires endroits au monde pour être un enfant. Au cours des dernières semaines, cela a empiré. Au moment où nous parlons, si nous n’agissons pas immédiatement, la prédiction de l’UNICEF est que sans action urgente, 1 million d’enfants de moins de 5 ans souffriront de malnutrition sévère d’ici fin 2021, et 3 millions de malnutrition aiguë modérée. L’UNICEF est de plus en plus préoccupé par l’augmentation des violations graves, en particulier le recrutement d’enfants par des groupes armés », a-t-il ajouté.
« Nous exhortons à nouveau les Talibans et toutes les autres parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme, et de protéger la vie et les droits de tous, y compris ceux des femmes et des filles », a encore dit M. Messaoud.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a aussi déclaré qu’elle s’efforcerait de poursuivre ses programmes et de fournir une assistance aux communautés déplacées tout en assurant la sécurité de son personnel à travers le pays. En raison de l’instabilité et des récents développements en matière de sécurité dans la capitale Kaboul, les mouvements vers et depuis le pays ont été entravés, affectant les opérations de l’OIM.
« La sécurité des acteurs humanitaires et le respect des principes humanitaires sont des conditions préalables à une réponse continue et efficace aux besoins des personnes vulnérables, et des assurances doivent être fournies par toutes les parties concernées », a déclaré le Directeur général de l’OIM, António Vitorino, dans un communiqué de presse.
L’OIM réaffirme que la sécurité et la protection des civils restent la priorité numéro un et appelle toutes les parties à garantir un accès sans entrave à tous les acteurs humanitaires.
Compte tenu de l’insécurité qui prévaut dans tout le pays, le programme d’aide au retour volontaire et à la réintégration de l’OIM, ainsi que l’aide à la réintégration post-arrivée aux rapatriés, ont été suspendus pour le moment.
La peur de la population est profonde
Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a demandé pour sa part aux Talibans de tenir les promesses qu’ils ont faites en termes de respect des droits humains.
« Heureusement, la capitale et les autres dernières grandes villes capturées telles que Jalalabad et Mazar-i-Sharif n’ont pas été soumises à des combats prolongés, à des effusions de sang ou à des destructions. Cependant, la peur d’une proportion importante de la population est profonde et – compte tenu de l’histoire passée – parfaitement compréhensible », a déclaré un porte-parole du HCDH, Rupert Colville, lors d’un point de presse à Genève.
Il a noté que des porte-parole des Talibans ont publié un certain nombre de déclarations ces derniers jours, promettant notamment une amnistie pour ceux qui travaillaient pour le gouvernement précédent. Ils se sont également engagés à être inclusifs. Ils ont dit que les femmes peuvent travailler et les filles peuvent aller à l’école. « De telles promesses devront être honorées, et pour le moment – encore une fois de manière compréhensible, étant donné l’histoire passée – ces déclarations ont été accueillies avec un certain scepticisme. Néanmoins, les promesses ont été faites, et le fait qu’elles seront honorées ou pas sera examiné de près », a dit M. Colville.
Le porte-parole du HCDH a noté des rapports effrayants de violations des droits de l’homme et de restrictions des droits des individus, en particulier de femmes et de filles capturées au cours des dernières semaines dans certaines parties du pays. « On continue de recevoir ces rapports. Malheureusement, pour le moment, la circulation de l’information a été considérablement perturbée et nous n’avons pas été en mesure de vérifier les allégations les plus récentes », a-t-il souligné.
« Il y a eu de nombreuses avancées durement gagnées en matière de droits humains au cours des deux dernières décennies. Les droits de tous les Afghans doivent être défendus. Nous sommes particulièrement préoccupés par la sécurité des milliers d’Afghans qui s’emploient à promouvoir les droits humains dans tout le pays et qui ont contribué à améliorer la vie de millions de personnes », a ajouté M. Colville. « Nous appelons la communauté internationale à apporter tout le soutien possible à ceux qui courent un risque imminent, et nous appelons les Talibans à démontrer par leurs actions, et pas seulement leurs paroles, qu’ils répondent aux craintes concernant la sécurité de tant de personnes d’horizons différents ».
Une experte s’inquiète d’une « catastrophe culturelle »
Une experte des droits de l’homme de l’ONU a mis en garde mardi contre une « catastrophe culturelle » en Afghanistan après la chute de Kaboul aux mains des Talibans, et a exhorté les États à fournir une aide urgente aux défenseurs des droits humains, y compris ceux qui travaillent sur les droits des femmes et les droits culturels, ainsi qu’aux artistes, essayant de fuir le pays.
« Il est déplorable que le monde ait abandonné l’Afghanistan à un groupe fondamentaliste comme les Talibans dont le bilan catastrophique en matière de droits humains, y compris la pratique de l’apartheid sexiste, l’utilisation de châtiments cruels et la destruction systématique du patrimoine culturel, lorsqu’il est au pouvoir, est bien documenté », a déclaré Karima Bennoune, Rapporteure spéciale des Nations Unies dans le domaine des droits culturels.
« La protection des vies et des droits des Afghans doit être la priorité absolue. Des efforts doivent également être faits pour assurer la sécurité de toutes les formes de culture et de patrimoine culturel qui sont essentielles à la jouissance de ces droits, et pour protéger ceux qui les défendent en première ligne », a-t-elle ajouté. « Tous les gouvernements et la communauté internationale doivent agir de toute urgence aujourd’hui pour éviter une catastrophe culturelle et des droits humains massive en Afghanistan ».
Mme Bennoune a imploré les institutions culturelles et éducatives du monde entier d’inviter les artistes, les travailleurs culturels et les étudiants afghans, en particulier les femmes et les membres des minorités, pour leur permettre de poursuivre leur travail en toute sécurité.
Appel à cesser les renvois de ressortissants afghans
L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a pour sa part appelé les Etats à cesser les retours forcés de ressortissants afghans, y compris les demandeurs d’asile déboutés.
« Suite à la détérioration rapide de la situation en matière de sécurité et de droits humains à travers le pays ainsi qu’à la crise humanitaire en cours, le HCR appelle les Etats à cesser les renvois de ressortissants afghans dont il a été précédemment déterminé qu’ils n’avaient pas besoin de protection internationale », a dit une porte-parole du HCR, Shabia Mantoo, lors d’un point de presse à Genève.
Le HCR demeure préoccupé par les risques de violations des droits humains à l’encontre des civils dans ce contexte évolutif, y compris les femmes et les jeunes filles, ainsi que les personnes perçues comme travaillant actuellement ou ayant travaillé dans le passé auprès du gouvernement afghan, des organisations internationales ou des forces militaires internationales.
« Depuis le début de l’année, plus de 550.000 Afghans ont été déplacés à l’intérieur du pays en raison du conflit et de l’insécurité. Pour le moment, les civils n’ont fui que sporadiquement et en petit nombre vers les pays voisins de l’Afghanistan. Néanmoins, la situation continue d’évoluer rapidement », a précisé la porte-parole.
Selon le HCR, les Etats ont la responsabilité juridique et morale de permettre l’accès à leur territoire pour les personnes ayant fui l’Afghanistan en quête de sécurité, et de ne pas expulser les réfugiés. L’agence onusienne s’est félicitée des récentes mesures prises par plusieurs Etats pour arrêter temporairement les expulsions de demandeurs d’asile déboutés.(Fin)