Le Secrétaire Permanent de l’AIMF, Pierre Baillet.
By André Gakwaya;
Kigali: L’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) œuvre avec les Maires du Rwanda, du Burundi et de la RD Congo à des fins de promouvoir des principes ou des lois pour consolider le vivre ensemble, et c’est dans cette ligne que le Secrétaire Permanent de l’AIMF, Pierre Baillet, a délivré un message profond et riche qui sert de référence. C’était lors de l’ouverture de la 7ème rencontre des Maires des Grands Lacs. Lire l’intégralité de ce message :
Intervention difficile et je voudrais exprimer mon humilité face à la tâche qui nous attend.
Nous avons plusieurs objectifs au sein de notre réseau : Le mieux vivre, le développement économique, la gouvernance, l’autonomie.
Mais il en est un, trop souvent oublié, qui est de mettre à jour au niveau local, un modèle de participation et de tolérance qui intègre les différences.
Partout, on assiste aujourd’hui à un dépassement difficile, à une impossible cohabitation entre le civique et le communautaire, car le local est en mal de cohésion et d’harmonie politique.
Partout, en Europe comme en Afrique, c’est-à-dire dans deux univers où les hommes ont toujours été mobiles, le binôme autochtones-immigrés semble se radicaliser. Ces formes d’opposition sociologiques sont-elles héritées de l’histoire du siècle passé ?
Le vivre ensemble est devenu une thématique d’intérêt mondial. Et c’est si vrai que l’ONU a reconnu la date du 16 mai pour rappeler l’importance de cette question.
Et cette question, dans toute sa modernité, concerne essentiellement les maires. En effet, ce sont les villes qui doivent supporter les grands défis de ce monde. Celui de l’environnement et du changement climatique, celui de l’explosion démographique liée aux migrations, celui de la lutte contre la pollution, celui de la maitrise de l’espace public, celui de la promotion de la femme, celui de la lutte contre l’extrémisme.
Les villes deviennent donc des acteurs incontournables pour satisfaire aux attentes des populations. Et les maires doivent faire face aux conséquences de cette croissance en donnant une définition du vivre ensemble au sein des communautés urbaines.
L’AIMF, en créant une commission permanente spécifique sur le vivre ensemble, s’est engagée dans cette réflexion et dans l’écriture de cette nouvelle définition. Elle remodèle notre idéal du vivre ensemble avec ces nouveaux facteurs que sont le fossé numérique, le manque d’espace pour se rencontrer et se parler, les nouvelles menaces en matière de sécurité.
Notre souci consiste à favoriser cette recherche pour une nouvelle manière de gouverner qui puisse répondre aux attentes des citoyens.
Cette réunion nous offrira l’opportunité de présenter vos initiatives et vos bonnes pratiques.
Ensemble, essayons d’apporter une réponse à cette crise de sens et de dessein. Et cette crise doit être dénouée, à la base, dans les territoires. Et les artisans de cette reconquête des valeurs fondamentales, ce sont les maires.
Allons sur ce chemin qui nous conduit dans la définition d’une société de liberté, d’un pouvoir réellement partagé et consenti.
Comment inventer un nouveau modèle de gouvernement, réellement africain, inspiré des traditions africaines ? C’est ici qu’il peut être inventé, car cette région est incontestablement une région martyre.
Votre région a des droits sur l’humanité. Les victimes nous obligent, leur vécu dépasse l’inimaginable.
Pour avancer, il faut d’abord un dialogue franc.
L’horreur qui est vécue du Nord au Sud de ce continent, en passant par le Sahel, impose que la victime, c’est-à-dire le peuple, ait le dernier mot, puisque c’est le peuple qui fonde la légitimité du pouvoir. C’est lui qui fonde la cohésion par sa volonté de vivre ensemble, sa volonté de rejeter les exclusions historiques. C’est lui qui attend que le dialogue doive cesser d’être un monologue.
Et c’est ici, avec les mouvements de populations en tous sens, que l’on sent les espérances profondes d’un peuple qui aspire à la paix et à la réconciliation. À nous d’aider à assurer le bien commun pour tous.
Ce sont les maires, du Nord au Sud du monde, mais ici autant sinon plus qu’ailleurs, qui peuvent sortir les populations de l’impasse de la peur et orienter les destins de manière libre et responsable.
Il faut donc, pour conforter ce courant de parler vrai, établir des règles qui protègent tous les citoyens de la même manière. Elles seront le produit de plaidoyers que vous seuls pourraient proposer. Car, si aucune démocratie ne se trouve au bout des canons, aucun état de droit ne peut être imposé de l’extérieur !
Ce chemin, inventons-le au quotidien, car personne n’a connu vos souffrances, personne ne connaît votre histoire, vos attentes, votre vécu. Vous le savez, on ne construit pas un monde nouveau en ignorant son passé. Le développement est l’enfant de la mémoire.
Ensemble, par le dialogue, dans le respect de la mémoire, prenons le chemin de l’honneur, de l’orgueil et de la grandeur d’appartenir à cette région. (Fin)