By RESIRG asbl*
Alors que nous recevons des informations sur un possible génocide anti-tutsi, en République Démocratique du Congo, dans le contexte d’une guerre civile qui implique, notamment, une organisation sociale, politique et militaire connue sous le nom du Mouvement du 23 mars, notre Association, Réseau International Recherche et Génocide (RESIRG asbl), lance une alerte sur le sens élémentaire de l’humain, face au risque de génocide, au pays de S.E. le Président Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi.
On observe, en effet, actuellement, des signes annonciateurs, avec des discours de haine et des appels à la violence, émanant, notamment, d’autorités officielles et publiques déjà bien identifiées. Venant de hauts lieux du pouvoir, la stigmatisation du groupe-cible est relayée sur des réseaux sociaux. La visée ultime de tels appels et de tels discours est d’exterminer ce groupe, sur base de son appartenance ethnique. Des assassinats ciblés, réalisés sur le mode opératoire du Hutu Power, au Rwanda, en 1994, sont déjà documentés. La communauté internationale ayant malheureusement ignoré ces appels jusqu’à ce que le pire arrive, elle risque, ici aussi, de n’intervenir que pour compter les morts.
Prenant toute la mesure des responsabilités scientifiques qui sont les siennes, RESIRG convie toute la communauté scientifique internationale à offrir ses compétences, pour élucider la problématique d’un processus génocidaire en train de se dessiner. Ainsi que le précise le Professeur Georges P. Fletcher, de l’Université de Columbia, USA : « The words have become both weapons and battlefield : Les mots sont devenus à la fois armes et champs de bataille. » La légitimité scientifique se doit d’être assurée par la rigueur, la cohérence et la progressivité de la méthode. RESIRG souhaite appeler la communauté des chercheurs à mener des investigations qui se placeraient sous le seul signe de la responsabilité scientifique :
– responsabilité qui trace une ligne de « démarcation entre discours politique, idéologique et discours scientifique », le premier « maximisant les confirmations » de sa thèse et « minimisant les infirmations », ce qui, selon « La théorie de la connaissance », se trouve « à l’opposé de l’esprit scientifique », ainsi qu’en avertit un éminent chercheur, à savoir Claude Troisfontaines. [Troisfontaine C. Théorie de la connaissance. Louvain-La-Neuve. Diffusion universitaire, 2000, p. 6-7.]
– responsabilité scientifique sur l’adéquation entre les faits et leur qualification, sur la clarification terminologique des faits, en commençant par vérifier la réalité des méfaits et des exactions qui auraient été commis, ou qui seraient en train d’être commis ;
– responsabilité scientifique quant à la validité de la documentation et des témoignages, dans toute la diversité de leur nature, par rapport à la matière en objet.
C’est alors que seront dits droit et justice et, ainsi, affirmer « le lien entre le coupable et ses victimes, ou, dans le cas d’un crime contre l’humanité, entre le coupable et la communauté humaine. » [Fierens (J.). La qualification de génocide devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda et devant les juridictions rwandaises. Journée des génocides et des crimes contre l’humanité. Lyon, 24 avril 2002.]
Cela étant posé, il y aurait indécence à ignorer les morts, du seul fait que la qualification n’en est pas imputable au génocide. Notre pensée va donc aux victimes, à toutes les victimes, et à leurs familles, dans cette guerre qui avait tout pour être évitée.
Fait à Bruxelles, le 19 décembre 2022
Pour le Réseau International Recherche et Génocide (RESIRG asbl) (Fin).
* RESIRG asbl a pour objectif de développer et de promouvoir la recherche, l’information et l’éducation, dans leur rapport avec le génocide perpétré contre les Tutsis du Rwanda en 1994, ou avec tout autre génocide reconnu par les instances habilitées de la communauté internationale.