By Manzi Bakuramutsa*
La justice française vient de fermer définitivement le dossier de l’attentat contre l’avion transportant le feu président Juvénal Habyarimana en avril 1994. Elle a décidé d’abandonner l’enquête et les poursuites des personnalités rwandaises, accusées faussement. Comme dirait le président Paul Kagame, « les faits sont têtus ».
Mais fallait-il vraiment fermer ce dossier ?
La fermeture de ce dossier sans chercher la vérité demandée par les victimes, est curieuse et paraît injuste, car cet acte est un refus de donner justice aux victimes et surtout un refus délibérée de découvrir la vérité qui se cache derrière le génocide contre les Tutsi et toutes ses conséquences.
A moins que ce procès ne cherchait que l’implication des hauts cadres rwandais, d’où ses enquêtes et poursuites très orientées et téléguidées dans un sens bien déterminé.
Autrement, si la vérité était la seule mise en avant, on aurait dû chercher plus en profondeur, ouvrir les archives de Mitterrand, qui sont gardées obstinément close comme s’il y a quelque chose à cacher. Cela permettrait à vérifier si les informations sur les causes de cet attentat ne sont pas classifiées et bien renfermées dans ces archives gardées pour ne pas compromettre la République ? Evidemment la recherche de la vérité ne doit pas oublier d’autres archives militaires, celles de deux chambres et autres lieux de sécurité que Mitterrand avait mis au service de Habyarimana, pour la destruction du peuple innocent du Rwanda. Ces dossiers sont bien gardés secrets pour sauver l’honneur, pour ne pas dire les crimes, des hommes politiques de l’époque.
Maintenant que les personnalités rwandaises sont innocentées, c’est une preuve de plus qu’il y aurait d’autres qui avaient intérêt à descendre cet avion présidentiel et à déclencher l’apocalypse comme l’avait annoncé Bagosora quelques semaines avant !
Nombreux témoins privilégiés en France
La France héberge de nombreux témoins privilégiés du régime Habyarimana, qui possèdent d’utiles informations en ce qui concerne l’attentat contre l’avion de Habyarimana et à qui profita le crime.
Les enquêteurs auraient pu interroger Madame Kanziga la veuve de Habyarimana. Elle doit être l’une des personnes qui maîtrisent bien le dossier. Il en est de même de Kabuga qui jusque l’année passée, vivait caché dans une banlieue près de Paris.
En France, Il y a des hauts officiers des anciennes forces rwandaises, des hauts cadres politiques et autres hommes de l’Eglise qui sont une mine d’information pour un tribunal qui veut bien les entendre. Ils ne refuseraient rien pour un gouvernement qui les a exfiltré, accueilli et protégé.
L’entourage proche du président Mitterrand, était peuplé des personnes qui ont bien suivi et conseillé le président sur le cas du Rwanda, notamment sur l’évolution des négociations d’Arusha et sur les conséquences de l’accord qui en sortira.
Quelques autres pistes à creuser
Le tribunal qui chercherait à connaître la vérité pourrait s’intéresser aux groupes d’écrivains, qui comme des mercenaires, ils avaient l’air des rapaces recrutés pour la défense et la réhabilitation d’une cause indéfendables, d’un crime de crimes, un génocide que les patries des Droits de l’homme ont laissé faire et cherché à justifier.
C’est dans ce cadre qu’un tel tribunal devrait s’intéresser aux affirmations d’un certain professeur Filipp Reyntjens, qui a longtemps accompagné les régimes génocidaires du Rwanda d’avant 1994, et qui, peu de temps après l’attentat de l’avion, a publié un livre intitulé: « Rwanda : trois jours qui ont fait basculer l’histoire », dans lequel il affirme avec assurance que c’est le FPR, qui a descendu l’avion de Habyarimana.
Cette attitude dictée de haine, sans oublier le coté de régime génocidaire qu’il a toujours embrassé, soutenu et qu’il continue à défendre, fait de lui le témoin privilégié qui peut renseigner les enquêteurs sur l’homme qui a descendu l’avion du président Habyarimana. Sinon, qu’il donne l’information pour qui il roule pour affirmer les mensonges qu’il ne cesse de divulguer. A moins qu’il avoue que ses affirmations lui sont dictées par une haine plus forte que lui qu’il a contre les Tutsi.
Il faudrait que ce tribunal interroge le Capitaine Barril avec ses multiples déclarations contradictoires et pleines des mensonges. Il avait déclaré que l’avion de Habyarimana n’était pas doté des boîtes noires. Plus tard, il a déclaré avoir trouvé les boîtes noires de cet avion et qu’elles étaient déposées à l’ONU à New York. Il s’est avéré que les boites noires en question étaient celles de l’avion Concorde. Apres la chute de l’avion, Barril a tourné plusieurs fois autour de l’épave et il faut rappeler que ce sont les Français qui ont empêché l’ONU de faire l’enquête immédiatement après l’attentat. Que des mensonges ! Que de manipulation !
Quant à Pierre Péan, paix à son âme, qui a dû se retourner dans sa tombe, quand il a eu vent de la décision de la Cour de cassation, ses déclarations lui étaient fournies par un puissant service qui devrait être démasqué. Il en est de même pour son disciple Charles Onana, qui s’est fait connaître par ses écrits controversés sur le génocide contre les Tutsi. Quand on lit ses écrits, que l’on écoute ses affirmations sur le Rwanda, et que l’on regarde son langage gestuel, on prend l’homme en pitié, car tout est faux
Il y en a beaucoup à interroger…
Le tribunal qui interrogerait toutes ces personnes, le but n’est pas pour connaître nécessairement la vérité, car la vérité elles ne l’ont pas, mais c’est plutôt connaître l’origine de leurs mensonges, pour qui ils roulent, qui les paie et pour quel objectif.
Nous espérons que les Français, qui ont été aussi victimes de cette politique inhumaine, bénéficieront de la vraie justice et qu’ils connaîtront la vérité, enfin que les leurs puissent se reposer en paix et que leurs familles puissent faire leur deuil. (Fin).
* Manzi Bakuramutsa est un ancien fonctionnaire de l’ONU (FAO, PNUD); Ancien ambassadeur du Rwanda à l’ONU, Benelux, UE et Vatican