De gauche à droite : Térence Mpozenzi, Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Égide Harerimana, et Adolphe Masabarakiza.
Kigali: Human Rights Watch(HRW) demande aux autorités du Burundi de libérer immédiatement et sans condition quatre journalistes et leur chauffeur arrêtés le 22 octobre 2019 alors qu’ils étaient en reportage pour le journal Iwacu dans la province de Bubanza.
Les journalistes avaient informé les autorités de leur intention de se déplacer dans cette région pour rendre compte d’affrontements qui ont éclaté entre les forces de sécurité burundaises et un groupe d’assaillants. Mais un chef des opérations de la police les a arrêtés alors qu’ils faisaient leur travail, a annoncé Iwacu sur son site web.
« Les journalistes jouent un rôle essentiel en faisant la lumière sur les questions qui touchent à l’intérêt général et ne devraient pas être poursuivis pour le travail qu’ils accomplissent en toute légitimité », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Les autorités devraient inverser la tendance actuelle de répression contre la liberté de la presse et, dans un premier temps, libérer sans attendre ces journalistes et leur chauffeur arrêtés alors qu’ils faisaient leur travail ».
À l’approche des élections de 2020, il est très préoccupant de constater que le gouvernement continue sa répression des médias et empêche les journalistes de faire leur travail, a déclaré Human Rights Watch, une organisation internationale de défense des droits humains basée à New York.
Depuis le 22 octobre au matin, les réseaux sociaux et plusieurs organes de presse en exil ont partagé des informations faisant état d’affrontements proche de la réserve naturelle de Kibira, dans la province de Bubanza, où se rendaient les journalistes.
Le groupe rebelle RED-Tabara (Mouvement de la Résistance pour un État de droit au Burundi), créé en 2016 et qui opère en République démocratique du Congo voisine, a revendiqué la responsabilité de cette attaque sur Twitter.
Selon un rapport de SOS Médias Burundi, l’administration et les forces de sécurité ont confirmé que 20 personnes avaient été enlevées – puis relâchées – et qu’un policier avait été tué. Le ministère de la Sécurité publique a déclaré dans un tweet que 14 « criminels » avaient été tués.
Les quatre journalistes – Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Egide Harerimana et Térence Mpozenzi – et leur chauffeur ont été arrêtés à Musigati vers midi et sont actuellement détenus au poste de police de Bubanza. Le 23 octobre, ils ont été interrogés par un officier de police judiciaire au poste de police en présence de leur avocat. Selon Iwacu, ils n’ont pas encore été inculpés.
La CNIDH, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, un organisme progouvernemental, a déclaré à Iwacu qu’elle examinait actuellement la question.
HRW rappelle que les pressions exercées par le gouvernement sur les médias se sont récemment accrues. Le Conseil national de la communication (CNC) a suspendu la Voice of America (VOA) en mai 2018 et a reconduit cette suspension en mars. En mars, elle a également retiré la licence d’exploitation de la British Broadcasting Corporation (BBC), qui a fermé ses bureaux au Burundi au mois de juillet.
Selon HRW, ces mesures draconiennes font partie d’une série de tentatives du gouvernement visant à empêcher le reste du monde de constater les graves violations des droits humains qui ont lieu au Burundi.
Les suspensions de la BBC et de la VOA ont été décidées plusieurs semaines avant la tenue d’un référendum constitutionnel controversé en 2018. Elles interdisaient aussi à tout journaliste burundais de « fournir directement ou indirectement des informations pouvant être diffusées » par la BBC ou la VOA. Quelques semaines plus tôt, le CNC avait suspendu la rubrique de commentaires en ligne d’Iwacu.
Human Rights Watch avait alors constaté que les services de sécurité burundais et des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir avaient tué, violé, enlevé, battu et intimidé plusieurs opposants présumés au cours des mois qui ont précédé le référendum.
De nombreux Burundais ont disparu depuis le début de la crise politique au Burundi en avril 2015, suite à la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat. Dans bon nombre de cas, les autorités ne font aucun effort pour identifier les personnes disparues ou pour enquêter lorsque des corps sont retrouvés.
«Les quelques journalistes indépendants qui restent au Burundi risquent leur vie pour dévoiler la vérité », a déclaré Human Rights Watch.
Jean Bigirimana, journaliste à Iwacu, est porté disparu depuis juillet 2016. Des informations non confirmées ont indiqué que des membres des services de renseignements avaient arrêté Bigirimana à Bugarama. De nombreux autres journalistes sont actuellement en exil.
« Les journalistes qui restent au Burundi luttent avec acharnement pour que le reste du monde reste informé de la situation sur place », a déclaré Lewis Mudge. « En tentant d’arrêter le partage d’information à la source, le gouvernement essaie d’opérer sans contrôle ni transparence » .(Fin)