Lorsqu’Alexis Sinduhije sort de prison après 4 mois de détention, il est ovationné par une foule quasiment en délire. Presque tout Bujumbura s’était déplacé pour fêter la libération d’un homme considéré comme un révolutionnaire.
Peu après, il va en profiter pour tenir un discours improvisé dans les locaux de son mouvement en instance d’agrément : il remercie tous ceux qui de près ou de loin l’ont soutenu dans ces moments d’épreuve et il n’oublie pas d’exprimer également sa gratitude aux juges qui n’ont pas manqué de faire sens d’équité et de justice.
Depuis lors les images de cette sortie de prison n’ont cessé de faire le tour des salons et des ménages. La charge émotive est tellement forte que les militants d’autres partis affirment qu’ils vont voter Sinduhiye pour son charisme et son courage.
Ses détracteurs y voient de l’effronterie et ils justifiaient son emprisonnement par le fait de commettre un crime de lese-majesté, pénalement qualifié d’outrage au chef de l’Etat.
C’est cette verdeur du langage, ce défi lancé aux grands qui nous gouvernement qui fait la force mais également la faiblesse du MSD, en termes de rapport de forces. N’eut été l’intervention de la communauté internationale et la probité des juges, leur jeunesse également car ils se reconnaissaient en lui, -les enfants ressemblent plus à leur époque qu’à leurs pères- Alexis Sinduhiye aurait passé un long moment dans les geôles burundaises.
Malgré son projet de société qui fait la part belle à la sécurité entendue au sens large alimentaire, sociale, économique, voire même énergétique, le MSD dans sa structure recèle des points de faiblesse. Mais comme je l’écrivais auparavant, ses faiblesses se muent en force, quand on voit la générosité des militants et le sens du sacrifice. Par rapport aux partis traditionnels, le MSD ne fait pas le poids en termes de logistique et de moyens financiers. Sans doute, la nouveauté du discours, le style qui va au-delà de la langue de bois pétrifié séduit les potentiels électeurs.
Le pouvoir rend également un grand service au MSD en refusant de l’agréer ou en emprisonnant ses leaders. Il s’agit d’une campagne publicitaire qui donne une large visibilité au parti en instance d’agrément. L’autre question intéressante est de savoir pourquoi justement le MSD n’est pas agréé et pourquoi il subit un harcèlement administratif.
Lorsque le Ministre Kamana était aux affaires, sur une correspondance de plus de dix lettres échangées entre le mandataire public et l’Etat-Major du MSD, systématiquement le responsable ayant sous sa tutelle les partis politiques cherchait des poux dans la tête de la formation en instance d’agrément.
Pour chaque injonction procédurale, le MSD pliait l’échine et se hâtait d’obéir aux ordres. Deux années viennent de passer sans que la formation soit agréée, suite à des manoeuvres que les juristes aiment qualifier vexatoires et de dilatoires.
Le pouvoir serait bien inspiré d’agréer le MSD, car il est entrain de créer une machine.
Au cas où il agréerait le parti, ce serait une manière simple de le banaliser et de le mettre au même rang que les autres partis politiques. La seule manière où dans un jeu politique mené avec fair-play, on se rendrait compte de la véritable force du parti ou de ses lacunes qui ne manquent pas à cause de l’inexpérience déjà évoquée plus haut.
Un aura non indispensable
Obliger le MSD à travailler dans la clandestinité lui donne un aura non indispensable, fait de ses leaders des militants et des héros à l’instar de l’audience et de la circulation de la cassette audio qui narre la libération du Président du mouvement.
Parmi les cinq formations favorites dans les sondages, à savoir le CNDD-FDD, le FRODEBU, l’UPRONA, le FNL et l’UPD-Zigamibanga, le MSD apparaît comme un outsider et le fait de ne pas l’agréer pose plus de questions qu’il ne donne de réponse.
La seule à donner est que ce mouvement reste incontournable agréé ou pas sur la scène politique.
Comme le déclarait le Président du Mouvement à une télévision privée, le MSD garde sa capacité de nuisance. Agréé, il se mettra loyalement dans le jeu politique, sinon il demandera à son électorat et à l’opinion de ne pas voter en faveur du pouvoir.
L’idéal serait que ce bras de fer cesse et que le MSD soit agréé dans les règles administratives. On s’acheminerait alors vers les échéances électorales dans un climat d’apaisement des relations entre les divers compétiteurs politiques.
Tout le monde gagne, le pouvoir qui va redorer son blason et ne plus être accusé de brimer les libertés publiques, le MSD qui aura pignon sur rue et va entrer dans la compétition, enfin l’opinion et l’électorat qui vont exercer son droit de vote.