Un homme dans une école endommagée par des bombardements à Oleksandrivka, près de Donetsk, en Ukraine
Alors que l’offensive russe semble toucher désormais l’ensemble de l’Ukraine, les pays limitrophes et les agences humanitaires se préparent à accueillir un afflux important de réfugiés ukrainiens. Selon l’Agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR), jusqu’à 5 millions d’Ukrainiens risquent de quitter leur pays.
« Une aggravation du conflit pourrait pousser jusqu’à 5 millions de personnes à fuir au-delà des frontières ukrainiennes », a alerté vendredi une porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
« Nous envisageons des scénarios avec des fourchettes de 1 à 3 millions de personnes en Pologne par exemple. Un scénario de 1 à 5 millions incluant tous les pays environnants », a dit Shabia Mantoo, porte-parole du HCR lors d’un point de presse régulier des Nations Unies à Genève.
En attendant, les Nations Unies ont estimé que près de 100.000 Ukrainiens ont déjà été déplacés à l’intérieur du pays à la suite des opérations militaires russes. Dans le même temps, plusieurs milliers ont déjà traversé les frontières internationales vers les pays voisins, notamment la Moldavie, la Roumanie et la Pologne, a précisé Mme Mantoo.
« Nous constatons d’importants mouvements à l’intérieur de l’Ukraine et au-delà des frontières ukrainiennes », a-t-elle insisté.
Face à ces prévisions d’importants afflux de réfugiés, l’agence onusienne basée à Genève prépare déjà des plans d’urgence « pour le départ d’une population d’un à trois millions de personnes vers la Pologne, et d’un à cinq millions vers tous les pays voisins ». Mais selon le HCR, tout dépendra de l’évolution du conflit armé en Ukraine.
Sur le terrain, les agences humanitaires de l’ONU ont décidé de réactiver le plan mis en place face lors de la crise des réfugiés qui a secoué l’Europe entre 2015 et 2016, à la suite de la guerre en Syrie et de ses importants mouvements de population.
Au moins 25 civils tués et 102 blessés, selon le HCDH
De son côté, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH) s’est dit vivement inquiet après les assauts de ces dernières heures en Ukraine. Les services de la Haut-Commissaire Michelle Bachelet ont reçu des indications de la mort de 25 civils et 102 blessés dans des raids. « Mais ce bilan est sans doute largement sous-estimé, vu les difficultés de mener des enquêtes sur le terrain », a affirmé vendredi à la presse à Genève, Ravina Shamdasani, porte-parole du HCDH.
« Il est très difficile de corroborer » les chiffres en raison de la volatilité et de la situation sécuritaire qui a demandé de relocaliser une partie du personnel. Les dizaines de collaborateurs du Haut-Commissariat doivent être « extrêmement prudents » avec les indications reçues sur le terrain, a-t-elle ajouté.
D’une manière générale, « les civils sont terrifiés à l’idée d’une nouvelle escalade, beaucoup tentent de fuir leurs maisons et d’autres s’abritent là où c’est possible », a détaillé Mme Shamdasani, relevant que « la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies reste en Ukraine et continuera à suivre de près la situation et à en rendre compte ».
A noter que la Cheffe des droits de l’homme de l’ONU Michelle Bachelet a affirmé jeudi que l’invasion russe en Ukraine « viole clairement le droit international et met en danger d’innombrables vies civiles ». « Elle doit être immédiatement interrompue », a-t-elle écrit, dans une déclaration.
Par ailleurs, plus de 1.800 manifestants contre la guerre en Ukraine ont été arrêtés en Russie, a déploré le Haut-Commissariat, qui a demandé la libération de ceux qui sont encore détenus.
« Nous comprenons que plus de 1.800 manifestants auraient été arrêtés. Il n’est pas clair si certains ont maintenant été libérés », a souligné Mme Shamdasani, relevant l’inquiétude de l’ONU face à ces « multiples arrestations arbitraires de manifestants en Russie qui protestaient hier (jeudi) ».
Pour la porte-parole, « arrêter des personnes qui exercent leurs droits à la liberté d’expression ou de réunion pacifique constitue une privation arbitraire de liberté ». « Nous appelons les autorités à assurer la libération immédiate de toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir exercé ces droits », a-t-elle dit.
Le CEDAW s’inquiète du sort des femmes et filles ukrainiennes
Toujours au chapitre des droits de l’homme, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a clos les travaux de sa 81e en se disant « profondément préoccupé par l’attaque militaire contre l’Ukraine ».
« Le CEDAW est profondément préoccupé par l’attaque militaire contre l’Ukraine, l’un des 189 États parties à la Convention », a affirmé dans sa déclaration de clôture de la session, ce vendredi matin, la Présidente du Comité, Gladys Acosta Vargas.
Cet organe des traités relevant du HCDH s’est notamment inquiété « du sort des femmes et des filles en Ukraine, dont les vies et la sécurité sont menacées ». La Présidente exhorte les parties au conflit armé à mettre un terme aux hostilités et « d’assurer l’égale participation des femmes dans les processus de paix ».
Les risques de pénuries d’eau potable, d’argent liquide et de médicaments – UNICEF
Sur le front humanitaire, l’Ukraine est au bord d’une très grave crise humanitaire, ont averti plusieurs organisations internationales. L’UNICEF a ainsi parlé de scènes de panique à Kiev notamment, où nombre de familles tentent de se protéger des combats ou de les fuir. Selon l’agence onusienne, l’opération militaire en Ukraine représente une menace immédiate pour la vie et le bien-être des 7,5 millions d’enfants.
« A l’heure où nous parlons, il y a eu des attaques majeures à Kiev qui ont créé une grande peur et une panique parmi la population, avec des familles vraiment effrayées, se déplaçant avec leurs enfants dans les métros et les abris. Il s’agit clairement un moment terrifiant pour les enfants à travers le pays », a déclaré Afshan Khan, Directrice régionale de l’UNICEF pour l’Europe et l’Asie centrale, lors du point de presse.
« Nous essayons toujours de voir quelles infrastructures civiles en Ukraine ont été touchées et où », a-t-elle ajouté.
Sur le terrain, le carburant, l’argent liquide, l’eau potable, les médicaments, les kits d’hygiène et certains équipements médicaux commencent à devenir rares. L’enjeu est donc de pouvoir acheminer toute cette aide. Des camions de l’UNICEF attendent actuellement à la frontière roumaine pour entrer en Ukraine.
Selon l’UNICEF, il est clair qu’au cours des derniers jours, les besoins des enfants et des familles ont augmenté en fonction du conflit.
Pour l’agence onusienne, l’urgence est de protéger en toute sécurité les enfants dans le besoin, où qu’ils se trouvent. L’UNICEF appelle également toutes les parties à s’abstenir d’attaquer les infrastructures essentielles dont dépendent les enfants – notamment les systèmes d’eau et d’assainissement, les installations sanitaires et les écoles.
L’OMS alerte sur les conséquences d’une « catastrophe humanitaire »
S’agissant de l’aspect sanitaire, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prévient que « toute nouvelle escalade pourrait entraîner une catastrophe humanitaire en Europe, y compris un bilan important en termes de victimes et de nouveaux dommages aux systèmes de santé déjà éprouvés ».
Pour l’OMS, les professionnels de santé, les hôpitaux et autres établissements ne doivent jamais être une cible et doivent pouvoir continuer de répondre aux besoins sanitaires des communautés. « La protection des civils est une obligation en vertu du droit international humanitaire », a fait remarquer l’agence onusienne.
Jarno Habicht, Représentant de l’OMS en Ukraine, s’exprimant par vidéo depuis Kiev, a déclaré qu’il ne disposait d’aucun rapport des hôpitaux, mais qu’il essayait de suivre le nombre de victimes et les besoins. La priorité est de fournir un traitement aux blessés ainsi qu’un soutien psychologique et de santé mentale, a-t-il ajouté.
Face aux défis humanitaires et sanitaires en cours, l’OMS a débloqué jeudi 3,5 millions de dollars de son fonds d’urgence pour acheter des dispositifs médicaux d’urgence et les acheminer vers l’Ukraine. Son Directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’est dit très préoccupé par la santé de la population ukrainienne après l’invasion russe du pays.
L’escalade du conflit met l’éducation en grand danger
Sur le plan de l’éducation, l’escalade du conflit et des actions militaires en cours en Ukraine font courir de graves risques aux enfants et aux adolescents, a déclaré vendredi dans un communiqué, Yasmine Sherif, Directrice de l’organisation Education Cannot Wait (ECW).
La crise menace la vie et le bien-être d’environ 7,5 millions de filles et de garçons à travers le pays, y compris les profondes perturbations potentielles de leur éducation.
Selon l’organisation, des installations éducatives ont été endommagées par des tirs d’armes lourdes le long de la ligne de contact. Face à ce scénario, elle appelle à la protection « des étudiants, des écoles et du personnel éducatif, ainsi que des installations éducatives ».
L’organisation rappelle que depuis 2014, le conflit en Ukraine orientale a détruit, endommagé ou forcé la fermeture de centaines d’écoles. « Les filles et les garçons ont le droit fondamental d’apprendre en toute sécurité et sans crainte. Les enfants et les adolescents ukrainiens méritent mieux », a plaidé Mme Sherif.(Fin)