La « commission Duclert » vient de remettre à Emmanuel Macron le fruit de 2 ans de travail sur le rôle de la France au Rwanda, avant et pendant le génocide des Tutsis : un rapport de 1200 pages, dont l’Elysée a savamment fait la promotion auprès des journalistes en annonçant qu’il concluait à une «responsabilité accablante», basée sur une «faillite de l’analyse» et un «aveuglement» des décideurs français. Selon les éléments communiqués par l’exécutif français, la commission Duclert rejette l’accusation de «complicité de génocide», au prétexte que l’intention génocidaire n’était pas partagée par Paris.
Pour l’association Survie, qui dénonce depuis 1994 le soutien de la France aux génocidaires rwandais, ces premiers éléments rappellent les conclusions édulcorées de la mission d’information parlementaire de 1998, ou encore les propos du Président Sarkozy en 2010 qui faisaient état de “graves erreurs d’appréciation” au sujet du Rwanda.
Comme l’explique Patrice Garesio, co-président de Survie, «Si l’Elysée matraque de tels éléments avant même que chercheurs et associations aient pu lire le rapport, c’est mauvais signe : c’est une tentative de saborder tout débat. Parler de “faillite de l’analyse” et d’”aveuglement” est un recul, car on savait avant même la création de la commission que des analyses très lucides et pertinentes ont été transmises jusqu’à la tête de l’Etat et qu’elles ont été sciemment écartées par les décideurs de l’époque. La complicité est documentée, l’enjeu serait plutôt de compléter le tableau, hélas très cohérent sur la base de ce qui est déjà public. »
Aujourd’hui, il n’y a plus de doute, seulement des dénégations. Le soutien français aux génocidaires n’avait rien d’aveugle ; il s’est même poursuivi après le génocide, alors que les faits étaient connus. Comme l’association Survie l’a déjà montré dans ses publications [1] : il y a bien eu complicité, dans le sens d’un appui effectif qui a facilité le crime, et en connaissance de cause. Rappelons que Maurice Papon a été condamné pour complicité de crime contre l’humanité malgré l’absence “d’intention génocidaire”.
L’association Survie, à travers un travail collectif de ses militants, va analyser en profondeur le rapport et en publiera prochainement un compte rendu ; ainsi, le débat pourra s’établir sur des bases concrètes, plutôt que sur des effets d’annonce du Palais.
Survie est une association loi 1901 créée en 1984 qui dénonce toutes les formes d’intervention néocoloniale française en Afrique et milite pour une refonte réelle de la politique étrangère de la France en Afrique.
Survie propose une analyse critique et des modalités d’actions encourageant chacun à exiger un contrôle réel sur les choix politiques faits en son nom. Elle rassemble les citoyens et citoyennes qui désirent s’informer, se mobiliser et agir. (Fin)