Distribution de nourriture par le PAM à des personnes déplacées à Kikuku, dans le Nord-Kivu, en République démocratique du Congo.
Alors que les conflits et le nouveau coronavirus s’intensifient en République démocratique du Congo (RDC), aggravant l’une des crises de la faim les plus importantes mais les moins bien financées au monde, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies a averti ce vendredi que des millions de vies pourraient être perdues si la communauté internationale n’apporte pas une aide accrue.
« Sur les 100 millions de personnes que compte la RDC, quatre sur dix souffrent d’insécurité alimentaire, selon les données les plus récentes à l’échelle du pays », a déclaré Elisabeth Byrs, porte-parole du PAM à Genève, lors d’un point de presse virtuel. Et dans ce lot, 15,6 millions souffrent de « crise » de la faim ou « d’urgence » alimentaire.
Des projections qui pourraient s’empirer. Sans les fonds nécessaires, l’agence onusienne sera en effet obligée de réduire ses rations alimentaires et l’aide en espèces, ainsi que le nombre de personnes aidées. Les interventions visant à traiter et à prévenir la malnutrition aiguë – qui touche 3,4 millions d’enfants congolais – sont en danger immédiat.
D’une manière générale, la malnutrition est particulièrement répandue dans l’est de la RDC. Des conflits et « des décennies de combats ethniques brutaux et opportunistes ont forcé des millions de civils à quitter leurs foyers, souvent à plusieurs reprises ». « Tant de Congolais sont au bord du gouffre, et risquent encore plus de se retrouver au bord du gouffre », a déclaré Claude Jibidar, Représentant du PAM en RDC, cité dans le communiqué de presse.
« Le monde ne peut pas laisser cela se produire, bien qu’il s’inquiète, à juste titre, du lourd tribut que la Covid-19 fait payer aux vies et aux moyens de subsistance ailleurs », a-t-il ajouté.
Et cette année encore, la récolte devrait être inférieure à la moyenne dans une grande partie de la RDC en raison de la sécheresse, des inondations et des infestations de ravageurs, ainsi que de l’accès limité des agriculteurs à leurs champs en raison de l’insécurité et des restrictions de circulation imposées par la Covid-19.
« Pourtant, avec quelque 80 millions d’hectares de terres arables – la deuxième plus grande surface de ce type au monde après le Brésil – et la moitié des ressources en eau de l’Afrique, la RDC a le potentiel de produire plus qu’assez de nourriture pour sa population », a affirmé Mme Byrs.
La RDC face à Ebola, Covid-19 et rougeole
En attendant, des maladies mortelles, comme le paludisme et le choléra, aggravent le problème de la faim. Au moment où la dixième et plus importante épidémie d’Ebola a pris fin en juin, après avoir fait près de 2.300 victimes dans l’est du pays, la onzième épidémie a éclaté dans le nord-ouest et continue de se propager. De son côté, la région du Kasaï central est l’épicentre d’une épidémie de rougeole à grande échelle, qui augmente considérablement le risque de décès chez les enfants souffrant de malnutrition.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la RDC recense 9.537 cas confirmés de Covid-19 dont 225 décès.
Plus largement, la vague de violence qui s’y est déroulée au cours du premier semestre 2020 – dont une partie serait constitutive de crimes de guerre – a déraciné plus d’un million de personnes. La plupart des plus de cinq millions de Congolais déplacés à l’intérieur du pays – la plus grande population de ce type en Afrique – vivent dans des camps de fortune et des zones urbaines où les conditions sanitaires et les soins de santé sont médiocres.
Ce qui les rend particulièrement vulnérables à la Covid-19. « Le PAM fournit à beaucoup d’entre eux de la nourriture ou de l’argent », a relevé la porte-parole de l’agence onusienne.
Face à cette urgence humanitaire et sanitaire, le PAM a besoin de 172 millions de dollars supplémentaires pour être en mesure de mettre pleinement en œuvre son opération d’urgence dans le pays au cours des six prochains mois. Il prévoit de venir en aide à plus de 8 millions de personnes cette année – dont près d’un million de personnes parmi les plus touchées par la pandémie – contre un chiffre record de près de 7 millions en 2019. (Fin)