Lettre ouverte adressée aux Députés provinciaux du Sud Kivu signataires de la Déclaration du 17 Juillet 2020; au Dr. Denis Mukwege, Médecin Congolais et Prix Nobel de la Paix 2018; à Mr. Martin Fayulu, Candidat de la Coalition Lamuka à l’élection présidentielle de Décembre 2018; à la Société Civile Congolaise; à tous les acteurs nationaux et internationaux épris pour la paix en RDC.
Chers compatriotes,
En date du 17 juillet 2020, une trentaine de députés provinciaux du Sud-Kivu sont montés au créneau pour dénoncer ce qu’ils appellent “un massacre de 220 personnes, viol des femmes, incendie des maisons et pillage du bétail”. Selon les mêmes députés, ces faits attribués aux membres du groupe d’autodéfense des jeunes Banyamulenge, les Twirwaneho, auraient été commis dans le village de Kipupu dans la nuit du 16 au 17 juillet 2020. Cette déclaration faisait écho d’un discours de haineux régulièrement propagé à travers les médias sociaux notamment la chaine YouTube « La Voix du Kivu » qui se distingue par un discours anti-tutsi, en général, et anti-banyamulenge en particulier.
Suite à la déclaration des députés provinciaux, plusieurs autres personnalités congolaises de renom se sont prononcées sur les événements. C’est notamment le cas du Dr. Denis Mukwege Prix Nobel de la Paix 2018 qui, dans une courte déclaration en Français et en Anglais partagée sur son compte twitter pointe du doigt les Banyamulenge, sans apporter la moindre preuve lorsqu’il déclare: « Ce sont les mêmes qui continuent à tuer en RDC. Les comptes macabres de Kipupu sont dans la ligne droite des massacres qui frappent la RDC depuis 1996 ». Quant à Mr. Martin Fayulu, le candidat malheureux de l’élection présidentielle de Décembre 2018, il s’est voulu aussi précis que les députés en condamnant le «massacre de plus de 200 personnes perpétré à Kipupu au Sud Kivu » tout en déplorant un « manque de leadership dans le pays » qui laisse les Congolais « abandonnés à leur triste sort ».
Le Dr. Mukwege, Mr. Fayulu, les députés provinciaux et autres personnalités qui se sont empressés à formuler des accusations contre les Banyamulenge ont délibérément omis de mentionner le fait que les affrontements de Kipupu dont les détails restent à élucider face à toute une entreprise de manipulation ethniste, faisait suite à des attaques contre plus de 46 villages des Banyamulenge dans le seul secteur d’Itombwe, dont les dernières contre Kalingi et Gahwera, conduites par les Mai Mai Ebuela se sont respectivement déroulées en dates du 10 et du 14 Juillet 2020. Ces attaques dirigées contre les villages des Banyamulenge se sont soldées par la mort de trois personnes appartenant à cette communauté et plus de 400 vaches emportées par ces assaillants vers leur base d’opération de Kipupu. Dans l’objectif de récupérer ces vaches pillées, les jeunes Banyamulenge, Twirwaneho, organisés en auto-défense faute de protection de l’Etat, se sont affrontés aux Mai Mai à Kipupu où ces vaches avaient été acheminées. Comme énoncé dans la Déclaration de la Communauté Banyamulenge de Kinshasa datée du 22 Juillet 2020, des sources dignes de foi, dont la force onusienne présente dans le secteur, la MONUSCO, ont déploré la mort d’entre 5 et une dizaine de personnes toutes parties confondues, sans plus de précisions. En date du 27 Juillet, le Gouverneur du Sud Kivu, qui, lui-même n’as pas fait assez pour répondre à la crise au courant des trois dernières années, a communiqué un bilan provisoire d’une dizaine de victimes.
Le discours du Dr. Mukwege, de Mr. Fayulu et des députés provinciaux ainsi que leur choix délibéré d’omettre toute mention du contexte ayant précédé les affrontements de Kipupu ne peut qu’amplifier la haine contre les Banyamulenge qui sont l’objet d’une campagne de diabolisation qui dure des années et qui a déjà fait des centaines de victimes depuis 2017. Ce discours s’inscrit dans une idéologie ethniste visant à soutenir expressément ou tacitement les groupes armés Mai Mai locaux notamment Ebuela, Biloze Bishambuke, Yakutumba, Mulumba, Aoci et leurs alliés étrangers, à savoir, les Burundais de Red-Tabara, des Forces Nationales de Libération (FNL) et des Forces Républicaines du Burundi (FOREBU) qui, à en croire des sources concordantes, coordonnent des attaques contre les Banyamulenge depuis pratiquement trois ans.
En effet, depuis Avril 2017, des attaques systématiques accompagnées d’un discours de la haine dirigée contre la population Banyamulenge établie dans les territoires d’Uvira, Fizi et Mwenga depuis des siècles ont couté la vie à plus de 200 personnes sauvagement massacrées sans compter les cas de viols, souvent collectifs commis par divers acteurs. La majorité de victimes est constituée des femmes et des enfants. Le triste bilan fait également état de 318 villages incendiés, plusieurs champs détruits, environ 260.000 vaches razziées, 147 écoles ainsi que 57 centres de santés détruits. A plusieurs reprises, la communauté Banyamulenge a demandé en vain aux autorités provinciales, nationales et à la société civile, y compris aux personnalités telles que le Dr. Mukwege et Mr. Fayulu de condamner toutes les violences, le discours de la haine anti-Banyamulenge qui les accompagnent ainsi que l’épuration ethnique en cours visant les Banyamulenge dans les hauts plateau de Fizi, Mwenga et Uvira.
Le silence face à ces violences et ce discours de la haine est une forme de soutien aux groupes armés qui martyrisent les Banyamulenge. En effet, en date du 9 Mars 2020, le Dr Mukwege a parrainé un colloque tenu au Senat français dénoncé pour sa composition dominée par les protagonistes négationnistes ou révisionnistes du génocide contre les Tutsi au Rwanda. Dans ce colloque, Mr Fayulu s’est illustré par la violence de ses propos à la fois démagogiques, extrémistes et complotistes contre les Banyamulenge/Tutsi Congolais lorsqu’il déclarait:
« Aujourd’hui, on tue à Beni. […] Aujourd’hui, il y a 300 officiers tutsi au sein des Forces armées congolaises (FARDC)… Dans la force publique, l’armée congolaise d’avant l’indépendance, il n’y avait pas un seul Tutsi. Dans l’Armée nationale congolaise (ANC), après l’indépendance, pas un seul Tutsi. Dans les Forces armées zaïroises [FAZ, à l’époque de Mobutu], pas un seul Tutsi ! Et aujourd’hui, plus de 300 officiers et plus de cent généraux tutsi! Qu’est-ce qui se passe réellement? » https://www.youtube.com/watch?v=LFp_FvkOMU4
La récidive du Dr Mukwege et de Mr. Fayulu montre à quel degré les deux hommes sont déterminés à propager la haine contre un groupe dont leur seul crime est un délit de facies. Que les députés provinciaux supposés représenter les intérêts de toutes les populations, le Dr. Mukwege globalement adulé pour son œuvre pour la paix malgré sa partialité et ses manquements étiques dans la défense des droits humains universels et indivisibles, Mr. Martin Fayulu qui ambitionne de diriger la RDC et des membres de la société civile tenus au devoir de neutralité s’érigent en porte-paroles de ceux qui ne jurent que par l’extermination des Banyamulenge/Tutsi, n’est plus surprenant.
En effet, leur reprise en boucle du bilan très invraisemblable de plus de 200 morts à Kipupu en dehors de toute enquête indépendante crédible ne vise rien d’autre qu’à attiser plus de haine et encourager les groupes Mai Mai et leur alliés étrangers à achever leur plan macabre d’épuration ethnique visant les Banyamulenge. Ceci est étayé par le fait que ces mêmes acteurs sont restés silencieux devant les massacres ciblés des civils Banyamulenge portés à leur connaissance depuis plus de trois ans et confirmés par diverses sources onusiennes. Ce positionnement de deux poids, deux mesures constitue une preuve de plus, si besoin il y en avait, que le conflit et violences dans les hauts plateaux de Fizi, Mwenga et Uvira sont attisés par ceux-là même à qui incombe la charge de les prévenir. Dans le cas particulier du Dr. Mukwege, ses communications partisanes, son refus de se prononcer sur les atrocités visant les Banyamulenge et son parrainage des plateformes propageant le discours antiBanyamulenge/Tutsi montrent qu’il a plutôt choisi de s’inscrire dans la ligne de la Prix Nobel birmane Aung San Suu Kyi dont le positionnement sur les atrocités visant la communauté Rohingya a terni l’image d’une personne longtemps considérée comme une icone de la démocratie pour son pays et le reste du monde.
Dans nos communications antérieures adressées au Secrétaire Général des Nations Unies datées du 27 Avril et 29 Juin 2020 ainsi que les déclarations de la communauté Banyamulenge de Kinshasa, les exactions visant la communauté Banyamulenge y ont été détaillées. Nous y avons également formulé des recommandations sur les voies de sortie devant permettre une meilleure protection des toutes les populations en détresse, ramener la paix et la cohabitation pacifique entre communautés. Nous réitérons toutes ces recommandations tout en réaffirmant notre soutien aux acteurs de bonne foi qui œuvrent pour la paix et la sécurité de tous. Par la même occasion, nous condamnons fermement tous les acteurs tels que le Dr. Mukwege, Mr. Martin Fayulu qui agissent de façon directe ou indirecte pour apporter leur soutien aux groupes armés et autres acteurs extrémistes qui, de par leurs déclarations publiques documentées, visent à effacer toute présence Banyamulenge en RDC.
Cordialement,
• Mme. Adele Kibasumba, Communauté Banyamyulenge des USA
• Mr. Charles Mukiza, Communauté Banyamulenge en RDC
• Claude Makebo, Communauté Banyamulenge en Europe Présidente (Mahoro Peace Association), Président (Mutualité Belgique)
• Claude Murwanashyaka (Shyaka), Communauté Banyamulenge en Australia, Coordinateur a.i des Mutualités Banyamulenge
• Mr. Benone Mutebutsi, Communauté Banyamulenge du Canada.