Kigali: Deux mois après que des centaines de milliers de personnes ont fui la violence dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC), les humanitaires de l’ONU ont averti vendredi que les milices armées continuent de rendre leur retour impossible.
Lors d’une conférence de presse à Genève, le porte-parole du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Babar Baloch, a déclaré que le personnel de l’agence avait entendu de nombreux témoignages de personnes dont des membres de la famille avaient été tués dans la province de l’Ituri.
Le grave sous-financement de l’aide humanitaire et l’insécurité causée par les groupes Hema et Lendu ont rendu un nombre croissant de personnes vulnérables et incapables même de rentrer chez elles pour aller chercher les produits de première nécessité, a-t-il déclaré.
«Ces gens ne peuvent même pas revenir», a dit M. Baloch. « Beaucoup d’entre eux ont signalé que des personnes qui ont essayé – ou des membres de leur famille qui ont essayé – de retourner dans leurs villages et dans leurs maisons auraient été attaquées et tuées », a-t-il ajouté.
Des preuves de décapitations, plusieurs massacres
Les communautés Hema et Lendu ont un passé de violence extrême en Ituri. Fin juin, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a fait état d’attaques contre « plusieurs villages » dans les territoires de Djugu et Mahagi, où les enquêteurs ont trouvé des preuves de plusieurs massacres où certaines victimes avaient été décapitées.
Les informations recueillies par l’ONU « semblent indiquer que malgré le fait que les agresseurs appartiendraient à une communauté et les victimes à d’autres, il semble y avoir d’autres motifs politiques et économiques sous-jacents aux agressions », avait alors déclaré le HCDH dans une déclaration.
Lors des dernières violences, les attaques et contre-attaques ont forcé les personnes à fuir le territoire de Djugu, a indiqué le HCR, ajoutant que les deux communautés auraient formé des groupes d’autodéfense et commis des meurtres pour se venger.
«Rien qu’au cours des trois dernières semaines de juin, plus de 145.000 personnes nouvellement déplacées ont cherché refuge et assistance dans les sites de déplacement à travers l’Ituri, tandis que 215.000 auraient fui vers les zones voisines », a indiqué M. Baloch. « Les difficultés d’accès dans certains endroits et l’étendue de la zone que les gens ont fuie font que le chiffre réel est difficile à vérifier».
«Depuis, des milliers de personnes ont continué à fuir, bien qu’à un rythme moindre », a-t-il ajouté.
Alors que la plupart des déplacés ont trouvé refuge dans des communautés d’accueil, des dizaines de milliers d’entre eux ont été contraints de trouver refuge là où ils le pouvaient.
«La peur et la misère » prévalent dans les camps de déplacés, a insisté M. Baloch, ajoutant que beaucoup «sont obligés de dormir à la belle étoile».
A Drodro, une ville relativement petite qui a vu sa population tripler en quelques semaines seulement, « les écoles et les églises locales se sont transformées en grands dortoirs sordides », a-t-il dit, notant que le HCR a construit des hangars d’urgence pour ceux qui dorment à découvert et des abris individuels pour les plus vulnérables.
Le financement de cette crise humanitaire reste toutefois très faible et le HCR lance un appel à la communauté internationale pour qu’elle propose d’autres financements et permette aux organisations humanitaires de fournir une assistance de base qui sauve des vies.
Depuis le début de l’année, le HCR n’a reçu que 32% des 150 millions de dollars nécessaires à ses opérations.
Les efforts contre Ebola entravés par les déplacements massifs
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les déplacements massifs de personnes « en fuite » ont également entravé les efforts de lutte contre l’épidémie du virus Ebola qui sévit depuis un an.
Les dernières données de l’agence des Nations Unies pour la santé publiées jeudi indiquent un total de 2.842 infections à Ebola et 1.905 décès dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu en RDC, avec un taux global de décès de 67%.
«Les centres de traitement (Ebola) sont opérationnels et le scénario des personnes – une population très mobile en fuite – est sous-jacent à cette réponse depuis le début, c’est pourquoi il est si difficile d’y mettre fin», a déclaré Christian Lindmeier, porte-parole de l’OMS. (Fin)