Un camp de déplacés à Goma, dans l’est de la RDC. © UNHCR/Joel. Z. Smith
La situation humanitaire à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où des combats sont toujours signalés, est « extrêmement inquiétante », ont alerté mardi des agences des Nations Unies, relevant des « pillages, de cadavres dans les rues et des hôpitaux débordés de blessés ».
Les agences onusiennes font état également de tirs nourris d’armes légères et de mortiers à travers la ville. « Les hôpitaux de Goma seraient débordés, luttant pour gérer l’afflux de blessés », a déclaré lors d’un point de presse à Genève, Jens Laerke, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA).
Face à ce regain de tension, « le Coordinateur humanitaire en RDC, Bruno Lemarquis, a appelé toutes les parties à se mettre d’accord sur des pauses humanitaires temporaires dans les zones les plus touchées ».
Cela permettrait d’établir des « corridors humanitaires » afin que les activités humanitaires puissent reprendre à grande échelle. Une telle trêve faciliterait aussi « l’évacuation en toute sécurité des blessés et des civils pris au piège dans les zones de combat ».
Le personnel humanitaire non essentiel déplacé
Selon l’OCHA, il est essentiel « d’assurer la réouverture en toute sécurité de l’aéroport de Goma et de maintenir opérationnels les postes frontières entre le Rwanda et la RDC à Goma, afin de permettre aux populations de fuir les violences ».
Depuis la reprise des hostilités au début de l’année, des centaines de milliers de personnes ont tenté de fuir la violence, y compris les 700.000 personnes déjà déplacées et vivant dans des conditions « désastreuses » à la périphérie de Goma.
« Plusieurs sites à la périphérie de Goma, qui abritent plus de 300.000 personnes, ont été complètement vidés en l’espace de quelques heures au cours du week-end et 18 sites de personnes déplacées autour de la ville ont été largement vidés, les personnes déplacées fuyant les tirs d’artillerie lourde ».
Le personnel humanitaire non essentiel a été déplacé pour réduire les risques, mais le personnel essentiel reste à Goma. « Nous avons reçu des rapports faisant état de violences sexistes et de viols commis par des combattants, de pillages de biens, y compris d’un entrepôt humanitaire, et d’attaques contre des installations humanitaires et sanitaires », a détaillé M. Laerke.
« L’approvisionnement en eau et en électricité est compromis. Hier lundi, les services Internet ont été coupés et Goma était toujours hors ligne ce mardi matin ».
Des blessés par balles ou d’éclats d’obus
En écho à cette alerte d’OCHA, l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU (OMS) note que des centaines de personnes sont actuellement hospitalisées, « la plupart ayant été admises pour des blessures par balle ou des éclats d’obus, les infections secondaires devenant un risque pour la santé ».
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déclaré aussi que son hôpital avait reçu plus de 100 blessés en 24 heures seulement, alors qu’il en recevait autant auparavant au cours d’un mois. Cette situation a contraint le personnel à transformer le parking de l’hôpital en unité de triage.
Dans ces conditions, les capacités de prise en charge des nouveaux blessés sont mises à rude épreuve. L’OMS fournit donc des tentes aux hôpitaux afin d’augmenter leurs capacités de traitement et de faire face au nombre croissant de blessés.
« Malheureusement, les hôpitaux et le personnel de santé sont en danger. On nous rapporte que des agents de santé ont été la cible de tirs et que des patients, y compris des bébés, ont été pris entre deux feux », a déclaré la Dre Adelheid Marschang, Coordinatrice de la réponse d’urgence de l’OMS pour la crise en RDC.
Des cas de violence sexuelle
Plus largement, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est dite particulièrement préoccupée par la santé et la sécurité des femmes et des jeunes filles, qui sont plus exposées aux violences, notamment aux viols. « Certaines femmes ont été violées à plusieurs reprises alors qu’elles cherchaient du bois de chauffage ou sortaient simplement du périmètre des camps », a ajouté la Dre Marschang.
L’OMS indique avoir également reçu de nouveaux rapports faisant état d’une augmentation des viols le long des routes que certains partenaires du conflit empruntent désormais pour se rendre dans le Sud-Kivu.
« Nous sommes très vigilants afin d’être prêts et de disposer de solutions pour suivre les populations dans leurs déplacements, notamment par le biais d’équipes mobiles et de cliniques mobiles », a fait valoir la responsable de l’OMS.
Mpox, choléra et rougeole
Sur un autre plan, l’OMS alerte sur les risques de propagation de maladies infectieuses telles que le choléra et la rougeole. Le Nord et le Sud-Kivu ont enregistré plus de 21.600 cas et 59 décès dus au choléra, et plus de 11.700 cas et 115 décès dus à la rougeole l’année dernière.
Avant la fermeture de l’aéroport, ce samedi, l’OMS a pu envoyer des fournitures médicales essentielles pour les soins de traumatologie et d’urgence, la prévention des infections, le choléra et d’autres encore.
Outre le paludisme, qui continue de faire des ravages dans la région, l’est de la RDC est l’épicentre de la flambée de la nouvelle souche du virus mpox. Plus de 20.000 cas suspects de variole simienne ont été signalés dans le Nord et le Sud-Kivu depuis 2024, dont plus de 6.000 au cours des six dernières semaines.
« En raison de la violence, il est difficile de suivre et de traiter correctement la maladie, d’autant plus que les gens se déplacent constamment », a mis en garde la Dre Marschang, relevant que plus d’une personne sur quatre vivant dans la région est confrontée à des niveaux d’urgence d’insécurité alimentaire et de risque de famine (IPC 3+), avec de nombreuses personnes mal nourries et affaiblies face à la maladie.
Le PAM « préoccupé » par la pénurie alimentaire à Goma
A ce sujet, le Programme alimentaire mondial (PAM) note que parmi les centaines de milliers de personnes déplacées à Goma et dans ses environs, beaucoup d’entre elles sont exposées à un accès limité à la nourriture, à l’eau potable et à un revenu. Les risques auxquels sont confrontées les populations ne feront qu’augmenter dans ces conditions instables, alerte le PAM.
« Les familles qui fuient les combats sont confrontées à des défis inimaginables. Chaque étape de leur voyage est semée d’embûches. Les routes sont bloquées, les ports sont fermés et ceux qui traversent le lac Kivu risquent leur vie sur des embarcations de fortune. Certains sites de personnes déplacées ont été vidés là où les combats ont été les plus violents », a affirmé Shelley Thakral, porte-parole du PAM en RDC.
Sur le terrain, les activités d’aide alimentaire à Goma et dans ses environs ont été temporairement interrompues. Le PAM s’inquiète de la pénurie de nourriture à Goma et de l’augmentation des prix des denrées alimentaires car l’aéroport et les principales routes d’accès à la région ont été coupés.
En fonction de la durée des violences, l’approvisionnement en nourriture de la ville pourrait être sérieusement entravé. « Il s’agit d’un test énorme de leur résilience et les prochaines 24 heures seront critiques, car les gens commencent à manquer de provisions et devront voir ce qu’ils peuvent trouver pour survivre », a insisté Mme Thakral.
Le HCR suit de près les mouvements transfrontaliers
Du côté du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), les équipes suivent « également de près les mouvements transfrontaliers. « Nous comprenons que de nombreuses personnes attendent d’évaluer la situation avant de prendre une décision », a indiqué un porte-parole du HCR, Matthew Saltmarsh, relevant que l’agence onusienne est prête à répondre à tout flux de demandeurs d’asile quittant la RDC, afin d’assurer leur protection.
Sur le terrain, des centaines de milliers de personnes ont été forcées de fuir plusieurs zones de conflit actives et la capacité d’accueil et d’assistance est désormais saturée.
« La crise humanitaire en RDC s’est encore aggravée depuis notre dernier point de presse de vendredi, avec près d’un demi-million de personnes déplacées dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu au cours du seul mois de janvier », a ajouté M. Saltmarsh.
Un laboratoire d’Ebola pourrait être menacé par les combats
Par ailleurs, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s’est alarmé du risque que les combats à Goma ne provoquent la fuite d’échantillons d’Ebola et d’autres agents pathogènes conservés dans un laboratoire.
Le CICR « très préoccupé par la situation dans le laboratoire de l’Institut national de recherche biomédicale, qui est confronté à un risque de coupure d’électricité », a déclaré Patrick Youssef, Directeur régional du CICR pour l’Afrique.
Il a ainsi souligné l’importance de « préserver les échantillons qui pourraient être affectés par les affrontements », mettant en garde contre « des conséquences inimaginables si les (échantillons), y compris le virus Ebola, qu’ils contiennent venaient à se propager ».
M. Youssef a précisé que le laboratoire était « très proche » de la délégation du CICR à Goma, mais qu’il ne disposait d’aucune information sur la sécurité des autres laboratoires sanitaires de la ville. (Fin)