11 Rwandais, dont 4 ex-combattants, au camp de transit de Munigi à Goma, en RDC, avant leur départ pour le Rwanda le 24 février 2022.
By ONU Info;
«J’ai épousé ma femme alors que je combattais dans la brousse et nous venions d’avoir un bébé. Je me suis dit que ce ne serait pas sûr de courir d’un endroit à l’autre avec une famille, alors j’ai décidé de rentrer dans mon pays, le Rwanda ».
Mukeshimana Jean-Nepo, 26 ans, est un ancien combattant de Raiya Mutomboki, un groupe armé de Kibabi, dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC).
Il était souriant le 24 février 2022 au camp de transit de Munigi en RDC.
En effet, Jean-Nepo et 10 autres ex-combattants et leurs familles rentraient chez eux, la plupart pour la première fois après des années dans la brousse. Le camp de Goma, la capitale du Nord-Kivu, accueille des ex-combattants congolais et étrangers.
Vêtu d’un nouveau t-shirt, d’un pantalon, d’une veste et de baskets blanches fournis par la mission des Nations Unies en RDC, la MONUSCO, Jean-Nepo déclare : « Je n’ai jamais eu une tenue aussi propre, car dans la brousse, les poux couvraient tout mon corps ».
Quatre ex-combattants masculins avec leurs personnes à charge, deux femmes et cinq enfants ont résidé dans le camp de transit de Munigi à Goma pendant deux semaines dans le cadre de démobilisations dans l’est de la RDC.
Né en RDC puis recruté par les groupes armés
Les parents de Jean-Nepo sont des Rwandais qui ont fui le génocide de 1994. C’est en RDC que Jean-Nepo est né. Quand il avait 16 ans, ses parents sont rentrés au Rwanda car la guerre était terminée. Jean-Nepo s’est échappé et a ensuite été recruté par le groupe armé Raiya Mutomboki.
« Pendant 10 ans, j’ai combattu dans la brousse, la vie était dure et nous ne pouvions rien faire pour gagner un revenu. Chaque jour, nous devions nous déplacer d’un endroit à l’autre », raconte Jean-Nepo.
Uwineza Mapenzi, 20 ans, est la femme de Jean-Nepo. Tenant leur bébé dans les bras, elle raconte que son mari lui a ordonné de le rejoindre dans la brousse. Elle a affirmé : « Je ne pouvais pas ne pas être d’accord, mais la vie était dure. Lorsque nous avions besoin de nourriture, les combattants devaient aller piller, quel genre de vie est-ce là ? Nous n’avions pas de serviettes hygiéniques, je devais donc improviser avec de vieux morceaux de tissus. Pendant que nos maris étaient absents, nous étions battues par les rebelles ».
De plus, elles devaient marcher sur une longue distance pour aller chercher de l’eau dans une rivière.
Leur excitation à l’idée de partir pour le Rwanda est évidente alors qu’elles s’entraident pour emballer leurs affaires.
Des messages radio pour atteindre les combattants dans la brousse
Le programme Désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) de la MONUSCO a été établi par la résolution 2098 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 28 mars 2013 pour faciliter la démobilisation et le rapatriement de tous les combattants étrangers et des personnes à leur charge, pour collecter et éliminer les armes et les munitions et pour contribuer au Programme national de DDR des combattants congolais (PNDDR III) et le faciliter.
John Bashali, assistant DDR/CVR auprès de la MONUSCO-DDR à Goma, explique qu’ils utilisent des messages radio pour atteindre les combattants dans la brousse, car la plupart du temps, les combattants ont des radios mobiles. Le message était le suivant : « Le temps est venu pour vous de rendre vos armes et de rentrer chez vous. Vous n’avez pas à vous inquiéter car il y a la paix chez vous et nous faciliterons votre retour ».
Le manque de documents d’identité dissuade de nombreux combattants de penser à rentrer chez eux. « Nous devons avoir des documents à montrer aux autorités sur le chemin du retour », explique Jean-Nepo.
La MONUSCO a trouvé une solution en s’occupant des formalités administratives. « Quand ils reçoivent le message, il y a un numéro de téléphone anonyme qu’ils peuvent appeler et qui est payé par la MONUSCO. Après les avoir identifiés, ils sont transférés au camp de transit de Munigi, prêts à être rapatriés », explique M. Bashali.
Les 11 Rwandais ont passé près de deux semaines dans le camp où ils ont été sensibilisés à l’importance de la paix. Ils disent ensuite à ceux qui se battent encore dans la brousse qu’ils peuvent se rendre et rentrer chez eux en toute sécurité.
Camp de transit de Munigi
Créé en 2014, le centre de transit adhère désormais aux protocoles de Covid-19, comme l’installation de stations de lavage des mains. Il fournit également les produits de première nécessité comme des vêtements, de la nourriture, des kits sanitaires pour les femmes et des abris.
Les ex-combattants ont accès aux informations. Les amateurs de sport comme Jean-Nepo peuvent s’adonner à des activités sportives.
Outre les besoins de base, le centre leur fournit également des compétences de vie et une allocation pour les aider à rentrer chez eux. Pour M. Bashali, le programme est inestimable en termes de paix et de sécurité. Les combattants ont quitté le champ de bataille et les actes de violence qu’ils avaient l’habitude de commettre à l’encontre des communautés ont diminué.
De plus, ils n’ont plus peur d’être stigmatisés car ils ont été sensibilisés.
Anasthase rentre chez lui sans sa femme
Les combats dans la brousse ont coûté la vie à la femme de Nizeyemukiza Anasthase, un autre ex-combattant. Elle a été tuée par un groupe armé alors qu’il combattait pour le groupe armé Nyatura, dans la région de Kibabi.
L’air traumatisé par cette triste expérience, M. Nizeyemukiza, âgé de 45 ans, dit qu’il s’est rendu parce qu’il a entendu dire que ses parents et ses enfants au Rwanda étaient toujours en vie.
« La vie dans la brousse n’était pas facile, pas d’abri, pas de nourriture. Je ferais mieux de rentrer chez moi pour retrouver mes parents et mes enfants », déclare M. Nizeyemukiza. Il a un message fort pour les combattants encore dans la brousse : « Ils devraient arrêter de se battre car la guerre ne construit pas, elle détruit. Les gens se battent encore. Je rentre à la maison, et je vais cultiver pour nourrir mes enfants ».
De l’optimisme quant à leur avenir
Avant le départ, un repas de riz et de haricots a été servi. Alors que commence leur voyage de Munigi à la frontière de la RDC et du Rwanda, les ex-combattants et leurs familles montent à bord d’un minibus des Nations Unies avec leurs bagages, et semblent optimistes quant à leur avenir.
Après une demi-heure de route entre Munigi et le poste frontière, il est temps de dire au revoir à la terre avec des souvenirs doux-amers.
« Au Rwanda, ils passeront deux à trois mois au camp de démobilisation de Mutobo pour suivre une formation professionnelle qui leur permettra de joindre les deux bouts une fois de retour dans leurs villages », explique M. Bashali. (Fin)