La manifestation contre l’ambassadeur rwandais dispersée à coups de gaz lacrymogènes
La police congolaise a utilisé les gaz lacrymogènes pour disperser les militants des mouvements citoyens Lutte pour le changement (LUCHA) et Filimbi qui réclament l’expulsion de l’Ambassadeur du Rwanda Vincent Karega.
Les manifestants se sont réunis devant la cour de cassation pour se ranger afin de se diriger à l’Ambassade du Rwanda en RDC, située à quelques mètres de là. Mails n’ont pas pu approcher l’Ambassade où on pouvait observer un dispositif sécuritaire important depuis le matin de ce vendredi 4 septembre.
Les deux mouvements pro-démocratie accusent le diplomate de nier le rôle du Rwanda dans un massacre de civils perpétré en 1998 dans l’Est de la RDC. Une pétition est partagé sur la toile avec le hashtag #ExpulsezVincentKarega.
La polémique enfle depuis que le diplomate a réagi à un internaute congolais qui a twitté: “24 août 1998, massacre de Kasika (au Sud-Kivu). Des militaires rwandais tuent sans relâche plus de 1.100 personnes, brûlant des villages entiers sur un trajet de 60 km, de Kilungutwe à Kasika”.
L’Ambassadeur Karega a répondu à ce message en ces termes : “Incohérence flagrante entre image et histoire. Narratif simpliste pour des accusations graves. Accuser sans évidence s’appelle calomnie. Villages sans noms, 1100 morts avec deux noms. Circonstances de crimes et identité des criminels non dévoilée. Accusation ou propagande? “. Tweet que le diplomate rwandais a dû retirer après plusieurs réactions virulentes.
Cette polémique renvoie la RDC aux heures sombres des deux guerres qu’elle a traversées (1996-2003) après le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 commis par le régime mono-ethnique hutu alors au pouvoir à Kigali.
Depuis 1994, les forces génocidaires ont cherché à reconquérir le pouvoir depuis la RDC voisine où elles se sont repliées après leur défaite devant les troupes du FPR qui dirige le Rwanda jusqu’à ce jour.
A deux reprises, en 1996-1997 et entre 1998 et 2002, le Rwanda a envoyé des troupes en RDC et y a soutenu deux mouvements rebelles congolais, l’AFDL et le RCD, justifiant ses opérations par la présence des rebelles hutu rwandais.
En 1998, les forces gouvernementales de Kinshasa luttaient au Kivu contre une rébellion, le RCD, appuyée par le Rwanda.
Le 24 août 1998, des tueries attribuées aux rebelles Banyamulenge(Tutsi congolais) du RCD avaient été perpétrées dans les villages entourant la mission catholique de Kasika. François Mubeza III, chef traditionnel de Kasika, des prêtres et des religieuses catholiques figurent parmi les victimes. Mais le bilan exact de ces tueries diverge selon les sources.
Mais de nombreux Congolais accusent aussi le Rwanda de vouloir “balkaniser” leur pays et de déployer des troupes dans l’Est, considéré par Kigali comme une base arrière de milices pro-hutu qui lui sont hostiles.
Répondant à une interview du magazine Jeune Afrique, l’Ambassadeur Vincent Karega n’y va pas par quatre chemins. Il a fait savoir que son pays n’est pas venu balkaniser le Congo ni exploiter son coltan.
«Le Rwanda est venu pour combattre les FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] et, d’une manière générale, les génocidaires qui étaient armés et qui étaient installés le long de sa frontière. Il est regrettable que cela ait suscité la guerre qui allait renverser le maréchal Mobutu. Mais le mouvement de libération, lui, était purement congolais », a-t-il dit.
Le Rwanda devrait, selon lui, être le dernier à répondre des atrocités commises à l’Est de la RDC car lui n’est venu qu’en renfort qu’aux groupes armés congolais.
«D’ailleurs, l’ADFL [Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo] a accouché du PPRD [Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, de Joseph Kabila], du RCD [Rassemblement congolais pour la démocratie] et même du MLC [Mouvement de libération du Congo de Jean-Pierre Bemba]. Ce sont eux qui, en premier, devraient répondre de ce qui s’est passé dans l’est du Congo durant ces années-là, le Rwanda n’a fait que venir en renfort. Alors pourquoi cet acharnement contre nous ?”, a-t-il demandé.
D’ailleurs pour Vincent Karega, il y a aussi des crimes commis au Rwanda par des miliciens hutu qui opéraient des incursions au départ de l’Est de la RDC.
«Et qui parle des crimes qui ont été commis après 1994 au Rwanda par des gens venus du Congo, parce que le Congo était devenu un sanctuaire pour les génocidaires ? », a-t-il rappelé.
Le diplomate rwandais poursuit en disant que «c’est d’abord aux autorités congolaises qu’il revient de pacifier leur territoire et de ramener l’harmonie entre les peuples »
«Le Rwanda, lui, ne revendique rien, aucune parcelle du sol congolais. Nous sommes fiers de nos frontières et de notre espace, aussi petit soit-il », dit-il en substance.
L’ambassadeur rwandais affirme que le président congolais Félix Tshisekedi et eux essayent aujourd’hui «de tourner la page et combattre les maux à l’origine de tous ces bouleversements». (Fin)