Shakila et son enfant de l’ECD
Nyanza: Shakila Yankurije était une vendeuse ambulante courant ici et là avec son enfant au dos. Ce fut une chance pour elle d’apprendre qu’une crèche maternelle a ouvert ses portes dans son village de Karama, cellule de Gahondo, dans le District de Nyanza. Depuis lors, elle se lève tôt le matin et y laisse son enfant à 7h 30 pour revenir le récupérer le soir à 17h.
« Nous avons mis nos enfants dans cette crèche alors qu’ils présentaient le risque de malnutrition aiguë. Pour le moment, ils ont récupéré grâce à la bouillie enrichie qu’on leur donne chaque jour. Ils brillent de vigueur et de verdeur. Ils s’expriment sans peur et avec vitalité, dans une logique ordonnée. Et tout cela, c’est grâce à la crèche maternelle (ECD) qui a été créée dans notre village. Je passe mon temps à exhorter les autres mamans à suivre mon exemple », témoigne Shakila.
Enfants des ECD
Son propos ne diffère pas de celui de son amie Janvière Bandorayingwe dont ses deux enfants fréquentent aussi l’ECD de Karama.
« l’ECD de Karama m’a été d’un précieux support. Je suis une agricultrice. J’avais l’habitude de laisser seuls mes deux enfants à la maison. Ils passaient leur temps à errer en mon absence. Je leur laissais de la bouillie. Mais l’ainé s’en régalait sans souci de servir le plus jeune. Maintenant que tous sont à l’ECD, ils mangent bien et ils sont propres. Ils sont différents des autres enfants qui ne vont pas à l’ECD. Ils sont en sécurité et ils ne subissent plus les violences du quartier », renchérit Bandorayingwe.
Les témoignages de ces deux jeunes mamans illustrent l’objectif que s’est assigné le District de Nyanza en Province du Sud, et qui consiste à atteindre mille deux cents (1200) crèches maternelles (ECD) en Août prochain afin de contrer la malnutrition aiguë dans les villages. Cela signifie que chaque village du District se dotera de trois crèches maternelles (home based ECD), selon le Maire du District de Nyanza, Erasme Ntazinda.
Le Maire de Nyanza Erasme Ntazinda
« Nous avons actuellement plus de cinq cents (500) ECDs. Notre stratégie a été handicapée par la COVID-19. Mais nous avons relancé cette initiative. Nous espérons qu’en Août prochain, nous atteindrons les 1200 ECDs qui accueilleront des enfants âgés de trois ans à six ans. C’est ici qu’ils bénéficieront d’une bonne éducation et d’une saine alimentation. Le défi actuel auquel nous sommes confrontés est celui de la mauvaise perception de certains parents qui hésitent encore à envoyer leurs enfants dans tel ménage du village suite à telle persistance pour tel différend réel ou pas. Quand nous faisons la promotion des ECDs, nous l’associons au programme d’unité et réconciliation, de lutte contre la violence conjugale et de promotion du genre », a indiqué le Maire de Nyanza.
Il a tenu ces propos devant une dizaine de journalistes qui effectuent une descente dans les Districts de la Province du Sud afin d’évaluer les progrès des ménages dans la lutte contre la malnutrition aiguë.
Pour le Maire Ntazinda, selon une étude récente sur la vie des ménages au Rwanda, 205 enfants ont été hospitalisés pendant trois semaines pour malnutrition aiguë de Janvier à Mai 2021. Actuellement, pour le seul mois de Mai de cette année, six (6) enfants ont été internés pour la même cause.
« Mais des fois, cette malnutrition aiguë résulte d’une maladie, d’une infirmité ou d’un trauma que porte l’enfant depuis sa naissance. Dans ce cas, les soins contre la malnutrition aiguë apparaissent difficiles », reconnaît le Maire Ntazinda.
Il précise que la malnutrition aiguë dans le District de Nyanza était de 33% en 2019, et qu’elle est passée à 26% pour le moment, toujours selon une récente étude.
« Les progrès de cette lutte ont été atteints grâce à un Fonds qui a été créé en 2019 et qui fonctionne avec efficacité dans tous les secteurs. Chaque enfant souffrant de la malnutrition aiguë bénéficie de ce Fonds. Chaque ménage parmi les cent ménages d’un village apporte sa contribution de 0,5 KG de maïs ou de haricot à chaque saison de récolte, soit 50 KG. Ce n’est pas lourd pour les familles. Ce Fonds est géré par le Centre de Santé qui soignera les enfants hospitalisés pour malnutrition aiguë. Changer les perceptions des parents et des autorités locales est un long processus. Nous avons commencé avec les femmes enceintes, en les regroupant dans des rencontres de formation et d’échanges avec d’autres. Une femme qui met au monde apprend progressivement comment préparer des aliments riches pour son enfant. Il y a des progrès et nous enregistrons des changements positifs avec le temps. Nous travaillons avec les partenaires comme les confessions religieuses, toujours sur le volet d’unité et réconciliation nationale », encore rappelé Ntazinda.
Il a souligné que la malnutrition aiguë demeure un programme national majeur. Le problème persiste parce que les parents n’ont pas suffisamment de connaissances en nutrition. Certains préfèrent vendre une poule pour acheter une limonade à leur enfant. Il a fallu donc aborder le problème en formant sérieusement les parents. L’on a commencé par former les femmes enceintes sur les mille premiers jours de l’enfant depuis la conception. Celles-ci ont appris à bien s’occuper de leur enfant.
D’autres programmes comme les ECDs, la soirée des mamans, le jardin potager, les conseillers de santé dans le village, continuent d’apporter leur contribution. Le problème est que parfois l’on a des ménages vulnérables, sans parcelle ni propriété, qui survivent avec un revenu journalier pour se procurer des repas insuffisants et sans qualité.
L’on doit noter que le Projet de lutte contre la malnutrition aiguë est financé par la Banque Mondiale de 2018 à 2023 dans treize Districts du pays. En Province de l’Ouest, il y a les Districts de Rubavu, Nyabihu, Ngororero, Rusizi, Rutsiro et Karongi. Dans la Province du Sud, il y a Ruhango, Huye, Nyamagabe, et Nyaruguru. A l’Est figurent Bugesera et Kayonza.
Le reportage dans le Distrct de Nyanza est dicté par sa proximité avec ces Districts souffrant de malnutrition aiguë.
Le Rwanda affichait une malnutrition aiguë de 38% en 2018, et de 33% actuellement, selon une étude récente.
Des pas ont été marqués dans la croissance de l’enfant grâce à l’impact des ECDs. Mais on note aussi l’efficacité des jardins potagers, des démonstrations culinaires pour préparer un repas riche, les progrès dans l’hygiène et la planification familiale, la distribution d’une supplémentassions alimentaire riche aux enfants de moins de cinq ans qui ont le risque de malnutrition aiguë. (A suivre…)