Kigali: Les survivants du génocide contre les Tutsi qui ont écrit leurs témoignages dans les livres Amakayi y’urwibutso et Cahiers de Mémoire, qui contiennent les témoignages de ce qu’ils ont vécu avant, pendant et après le génocide de 1994 contre les Tutsi, ont indiqué que le fait qu’ils aient écrit cette histoire est une auto-guérison des plaies de l’histoire.
Ils l’ont révélé lors du lancement de ces deux livres. Martha Mukagahima est l’une des survivantes qui ont écrit leurs témoignages dans Amakayi y’Urwibutso, le premier Tome, écrit en 2014 et publié par Editions Bakame, une maison d’édition basée à Kigali.
Elle considère l’écriture de ce qu’elle a vécu avant et pendant le génocide comme une auto-guérison. «Quand on a mal au ventre, avec des nausées, on se détend quand on vomit. Nous l’avons également fait pour sortir de nos chagrins afin de nous libérer et de combattre ceux qui veulent écrire l’histoire du génocide alors qu’ils ne l’ont pas vécu », a-t-elle expliqué.
Pour Ernestine Mudahogora, elle était plus jeune lorsque le génocide a été perpétré. Toute sa famille a été décimée, la laissant seule survivante et doit subvenir à ses besoins.
Elle est l’un des orphelins qui s’étaient installés dans le village d’AVEGA à Kimironko. Elle a dit que l’écriture de ce qu’elle se souvient du génocide est d’une grande valeur pour les bien-aimés qu’elle a perdus.
«L’écriture m’a aidé à me sentir comme si j’étais avec mes parents et ma famille que j’avais perdue. Ces vieux et vieilles avec qui nous vivons sont devenus mes parents. Ils ont restauré mon cœur; je ne me sens plus seule, ce qui m’a redonné espoir de vie », a-t-elle raconté.
Dans la soirée du 7 avril 2014, lors de la 20ème commémoration du génocide contre les Tutsi, la ressortissante française Florence Pludhomme a convoqué des veuves et des orphelins du génocide installés dans le village d’AVEGA à Kimironko, dans la ville de Kigali, et leur a expliqué l’importance de l’écriture.
Pludhomme est directrice de Rwanda Avenir, une ONG qu’elle a fondée en 2004, qui vise à aider les survivants du génocide, en particulier les veuves, à se reconstruire.
Ce soir-là, Pludhomme leur a dit qu’ils devraient écrire leur histoire, s’ils voulaient que ce qu’ils ont vécu soit connu et serve de leçon aux générations futures. Il leur a fallu un peu de temps pour comprendre, mais ils ont subséquemment accepté.
Ils ont commencé par écrire les souvenirs de ce qu’ils avaient traversé dans des cahiers. Ces cahiers sont ceux qui ont été rassemblés dans les Cahiers de Mémoire en français et en Amakayi y’Urwibutso, en Kinyarwanda.
Lors du lancement de ces deux livres contenant des témoignages de ce que les survivants du génocide ont vécu avant, pendant et après le génocide de 1994 contre les Tutsi, Pludhomme a déclaré que nul autre ne peut raconter l’histoire du génocide mieux qu’un survivant.
«Les survivants sont ceux qui peuvent dire ce qui leur est arrivé. L’écriture les aide à se reconstruire et à combattre ceux qui nient et banalisent le génocide contre les Tutsi », a-t-elle expliqué.
En tant que quelqu’une qui a passé quatre ans avec des survivants du génocide alors qu’ils rédigeaient leurs cahiers de Mémoire, Pludhomme affirme que cela les a aidés à se commémorer et à rendre hommage à ceux qu’ils ont perdus.
Dr Jean-Damascène Bizimana, Secrétaire exécutif de la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG), a salué le courage des survivants qui ont rédigé leurs cahiers de mémoire. Il a ajouté qu’il s’agissait d’une autre arme pour contrer et combattre ceux qui nient et minimisent le génocide contre les Tutsi.
«Chaque génocide, chaque fois qu’il se termine, il y a des gens qui le nient. Il y a des assassins de la mémoire. Vos témoignages sont importants pour réduire au silence et tourmenter ces assassins de la mémoire parce qu’ils sont nombreux et changent constamment de stratégie », a-t-il expliqué. (End).