Les journalistes burundais couvrant l’élection présidentielle dans un bureau de vote de Kiremba au nord du Burundi. 20 mai 2020.
Kigali: Alors que les réseaux sociaux ont été coupés depuis l’ouverture des bureaux de vote hier matin et que les journalistes ont été soumis à d’intenses pressions, Reporters sans frontières (RSF) dénonce un blackout général de l’information indépendante qui risque d’entacher la crédibilité et la sincérité du scrutin présidentiel au Burundi.
Inutile de chercher des informations sur l’élection présidentielle burundaise sur Facebook, Twitter ou WhatsApp, les réseaux sociaux ont été coupés depuis l’ouverture des bureaux de vote mercredi 20 mai 2020. Les données recueillies par NetBlocks et recoupées par les informations obtenues par RSF font incontestablement état d’une coupure internet ciblée malgré le démenti publié par Willy Nyamitwe, l’ambassadeur et conseiller du président burundais Pierre Nkurunziza qui avait qualifié cette interruption de “rumeur”.
Ce blackout digital intervient dans un contexte déjà extrêmement dégradé pour la liberté d’informer dans le pays. Quatre journalistes d’Iwacu, l’un des derniers médias indépendants du pays, sont en prison depuis octobre dernier et attendent désormais le délibéré de leur jugement en appel. Ils avaient été condamnés en première instance, le 30 janvier, à deux ans et demi de prison pour “tentative de complicité d’atteinte à la sécurité de l’Etat” après avoir tenté de couvrir l’incursion d’un groupe de rebelles basé en République démocratique du Congo (RDC). Les intimidations et les menaces reçues par les journalistes de cette rédaction se sont poursuivies lors de la campagne présidentielle. Ils ont tour à tour été menacés de mort par un député du parti au pouvoir, qualifiés de “virus” par le porte-parole du président et exclus, à l’instar de plusieurs autres journalistes, d’une conférence de presse tenue par les autorités sur la situation sanitaire dans le pays.
“Déjà gravement piétinée ces dernières années, la liberté d’informer est désormais confinée par les autorités burundaises en marge de cette élection présidentielle, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Le blackout général de l’information indépendante auquel nous sommes en train d’assister est la dernière marque d’une politique de prédation des médias continue aux conséquences désastreuses pour la société burundaise. Cette élection se déroule à huis clos, sans réseaux sociaux, sans la plupart des médias internationaux et avec des journalistes burundais soumis à d’intenses pressions. Les bureaux de vote ne sont pas fermés que la crédibilité de ce scrutin est déjà largement entachée faute d’une presse libre de pouvoir couvrir l’élection.”
Selon le calendrier de la commission électorale, les résultats provisoires de l’élection présidentielle seront connus d’ici au 26 mai.
Depuis la crise de 2015 qui avait été déclenchée par la volonté du président sortant Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat qu’il a fini par obtenir, la liberté de la presse est gravement menacée au Burundi. Des radios ont été incendiées, des dizaines de journalistes sont toujours contraints à l’exil, deux radios internationales très populaires dans le pays (VOA et la BBC) ont été arbitrairement suspendues de manière indéfinie et les journalistes restés sur place sont régulièrement victimes de menaces et d’exactions. Le reporter d’Iwacu Jean Bigirimana est toujours porté disparu depuis près de quatre ans sans qu’aucune enquête sérieuse n’ait été menée par les autorités pour tenter de savoir ce qui lui est arrivé.
Le Burundi occupe la 160e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020. (Fin)