Kigali: Le jour se lève à peine dans la ville côtière de Baltim, à 200 kilomètres au nord du Caire. Ahmed Abdel Salam, jeune homme d’une vingtaine d’années, est déjà dans le laboratoire de son entreprise Fish Powder Protein. Une jeune start-up spécialisée en aliments pour poissons d’élevage qu’il a fondée en 2019 dans sa ville natale.
Perché sur une échelle, le laborantin analyse, avec la bonne hauteur de vue, un banc de poissons tilapia qui nagent dans un bassin expérimental : aspect, goût, calibre et poids, tout est passé au crible. Ahmed ne néglige aucun détail lui permettant d’apprécier le rendement de sa poudre protéinée qui sert d’aliment aux tilapias. Il fabrique cet aliment lui-même en recyclant des déchets organiques de sa commune. Il revend ensuite aux unités d’aquaculture installées dans la région du Delta.
« Cela fait un an que j’ai créé ma propre entreprise d’aliments pour poissons avec l’équivalent de 20 000 dollars en poche. L’aventure n’a pas été facile au tout début pour moi. En mars 2019, une ferme aquacole seulement s’intéressait à mon produit. Aujourd’hui, six autres me l’achètent et mon chiffre d’affaires a bondi de 25% et n’arrête pas d’augmenter », se félicite Ahmed, tout sourire.
Pour faire face à la demande, il a dû recruter dix employés supplémentaires. « Nous sommes donc passés de cinq à quinze employés en quelques mois seulement », se félicite-t-il. Les raisons du succès de sa recette « miracle » tiennent au fait qu’elle « coûte deux fois moins chère que les produits concurrents et génère un rendement, en termes de poids des poissons, d’environ 5% de plus que la moyenne. Sans oublier évidemment une plus grande valeur nutritionnelle pour le consommateur… », précise-t-il.
Ahmed fait partie de 45 jeunes entrepreneurs soutenus par l’initiative « Leeha 2eema » (littéralement « Elle a de la valeur »), qui appuie les petites et moyennes entreprises (PME) spécialisées dans les dernières techniques de recyclage des déchets industriels. « Leeha 2eema » s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme de gestion des déchets industriels et de soutien aux PME en Égypte (IWEX) financé à hauteur de deux millions de dollars par la Banque africaine de développement via le Fonds pour la transition au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Grâce à cette initiative, Ahmed a bénéficié d’une formation à l’issue de laquelle il affirme être en capacité de « maîtriser les techniques nécessaires à la création d’entreprise, que ce soit depuis l’élaboration d’une étude de marché jusqu’à la conception d’un business plan ou encore la construction d’un réseau d’affaires. » Ahmed s’est aussi ouvert des horizons grâce notamment à un voyage d’études effectué en Corée du Sud sur financement de la Banque africaine de développement. Et le résultat est bien là Ahmed, qui débutait, il y a quelques années, comme jeune chercheur dans un laboratoire universitaire, dirige aujourd’hui une florissante unité agro-industrielle qui approvisionne le marché local en aliments piscicoles, qu’il ambitionne même d’exporter vers le reste de l’Afrique et la Chine.
Et il n’est pas le seul car Abdel Rahman Fahm était lui aussi sur les bancs de l’université il y a quelques années quand il a eu la possibilité de s’impliquer, de manière différente, dans ce programme. Il a pu aider à mobiliser 150 jeunes issus d’une vingtaine d’universités égyptiennes pour participer à des ateliers de sensibilisation à l’entreprenariat dans le secteur du recyclage des déchets industriels. C’est à ce moment-là que Abdel Rahman a eu son idée : « Après avoir suivi cette formation, j’ai terminé mes études d’ingénieur et j’ai ensuite rejoint l’armée pendant une année pour effectuer mon service militaire obligatoire. Mais l’idée de créer ma propre entreprise ne m’a jamais vraiment quitté. Avec des amis, nous avons donc créé « YouthinkGreen », un cabinet de conseil spécialisé dans l’accompagnement des entrepreneurs dans la gestion et le recyclage des déchets », raconte le jeune homme. Entre 2016 et 2019, les effectifs de YouthinkGreen sont passés de 4 à 20 et l’entreprise enregistre aujourd’hui un chiffre d’affaires de plus de 100 000 dollars américains.
YouthinkGreen a noué une dizaine de partenariats avec des acteurs publics et privés, des bailleurs de fonds et des organisations internationales. L’entreprise travaille aujourd’hui à l’accompagnement de nouveaux jeunes entrepreneurs. Au-delà de l’Égypte, le travail d’Abdel Rahman est mondialement reconnu. Les Nations unies l’invitent régulièrement à des réunions sur le changement climatique. Il vient également d’être retenu sur une liste de candidats pour devenir, un jour peut-être, l’un des 17 jeunes ambassadeurs mondiaux en la matière. (Fin)