Le Secrétaire Général adjoint de la COMIFAC, Chouaibou Nchoutpouen
La COMIFAC ou Commission des Forêts de l’Afrique Centrale tient ses assises à Kigali du 27 Septembre au 1er Octobre 2021 pour valider deux études, et le Secrétaire Général adjoint de la COMIFAC, Chouaibou Nchoutpouen, en profite pour exhorter les pays riches pollueurs de planète à soutenir les efforts des pays de la COMIFAC à conserver le poumon vert de la planète que sont nos forêts. Lire l’interview exclusive de André Gakwaya de Rwanda News Agency (RNA).
RNA/ – Ce fut un grand effort pour tenir cette réunion à Kigali avec les restrictions liées au Covid-19, n’est-ce pas ?
Chouaibou Nchoutpouen (C.N.) – Oui. Cela a été un grand effort, et c’est pour moi l’occasion de réitérer mes remerciements au gouvernement du Rwanda qui a accepté d’abriter cette rencontre ici à Kigali malgré ce contexte difficile lié à la pandémie. Nous avons été bien accueillis et nous avons également instruit tous les participants à respecter les mesures barrières édictées par le gouvernement.
Pancarte de l’Atelier
RNA – Combien de délégués à la réunion ?
C.N. – Nous avons sept pays sur les dix pays membres de la COMIFAC. Les autres pays n’ont pas pu faire le déplacement à cause des conditions liées à la pandémie faute de vols réguliers dans certains pays. Les pays présents sont le Cameroun, la RCA, la RDC, le Tchad, le Rwanda, Gabon. Les pays non présents sont : Burundi, Guinée équatoriale et Congo Brazzaville.
RNA – Y a-t-il un rapport entre cette réunion et la semaine du climat ?
C.N. – Oui il y en a. Nous sommes ici pour parler des aires protégés. Nous savons que les aires protégés jouent un rôle important dans la régulation du climat.
RNA – Est-ce que vous avez un appui pour préserver les forêts de l’Afrique centrale qui sont un poumon pour l’humanité ?
C.N. – Les forêts du bassin du Congo contribuent énormément dans la régulation du climat mondial. Nous avons aujourd’hui un taux de déforestation faible par rapport à d’autres forêts tropicales comme en Amazonie ou en Asie du Sud-est. Les forêts du bassin du Congo sont en passe de devenir le premier poumon vert de la planète parce que ces forets émettent environ 530 millions des tonnes de carbones et absorbent 1,1 milliards des tonnes de Carbonne. Ce sont des forêts qui jouent un grand rôle dans la régulation du climat. Je dirai que c’est le dernier rempart pour le monde entier et il va falloir qu’on redouble d’efforts pour la conservation. Malheureusement notre région ne bénéficie pas toujours de ces financements adéquats par rapport au rôle que jouent forêts du bassin du Congo. Nous faisons le plaidoyer et le lobbying pour qu’on arrive à un financement équitable pour soutenir les efforts des pays de l’Afrique centrale pour la préservation de ces forêts. Il faut plus de mesures de compensation des efforts que ces pays consentent pour conserver ce poumon vert de la planète. Il faudra que ces financements soient orientés aux pays d’Afrique centrale et qu’on mette aussi des mesures adaptées à ces pays pour accéder à ces financements. Parce que ce qu’on observe, ce qu’il y des guichets de financement, mais des conditions pour y accéder ne sont pas adaptées aux réalités des pays d’Afrique centrale.
RNA – Le cachet particulier de cette réunion ?
C.N. – Oui, cette réunion a un cachet particulier parce que nous voulons adopter deux études que nous avons commanditées : une étude sur l’harmonisation des aires proetégées et la faune sauvage et une autre sur les possibilités de labellisation des aires protégés.
La 1ère a son importance. Certaines de nos aires protégées ont été créées pendant la colonisation et le cadre juridique a été adapté sur celui de l’administration coloniale. Les réalités ne sont plus les mêmes. Il y a une évolution. Les codes forestiers dans l’espace COMIFAC ont des disparités et il faut une harmonisation.
Il y a des espèces qui sont intégralement protégées dans certains pays de la COMFAC et partiellement protégées dans d’autres. Les animaux n’ont pas de visa, oui de passeport pour aller d’un pays à un autre. Si une espèce qui est intégralement protégée ici au Rwanda migre vers le Burundi et que cette espèce n’a pas le même statut de protection au Burundi, elle pourra être tuée. Voilà ce que nous voulons éviter. Il faut arriver à harmoniser les législations.
L’autre chose. Les aires protégées créées pendant la colonisation l’ont été dans le but de la conservation et non comme un moteur de développement socio-économique et culturel des communautés. Or, ici par exemple au Rwanda, vous avez déjà changé de paradigme en faisant la gestion en mode partenariat public-privé. Si je prends le cas du Parc National Akagera, le gouvernement a signé un accord avec African Parks Network. Cela permet de contribuer au développement socio-économique des populations qui vivent tout autour aires protégées et cela permet également à ces communautés l’importance socio-économique de l’aire protégée. Or, dans d’autres Etat membres de la COIMIFAC, ce mode n’est pas encore en œuvre. Si on harmonise les lois, les exemples qui marchent ailleurs seront copiés dans d’autres pays. Voilà l’objectif de la première étude et on va y adopter des directives qui vont permettre aux pays d’arriver à cette harmonisation.
La seconde va nous aider à régler le problème de financement des aires protégées. Ces aires protégées aujourd’hui par rapport à leur importance pour le changement climatique ou le développement socio-économique pour l’éco-tourisme font aujourd’hui qu’il faut des labels pour certains de ces aires protégées. J’ai pris le cas de l’Akagara National Park qui est très bien géré, il faut un label. Il faut que quand vous arrivez quelque part on vous dit ça, ça sort de l’Akagera ; donc il faut le label pour qu’elles aient plus de financements et in fine. on n’aura pas toujours besoin de recourir aux financements externes. Voilà pourquoi nous sommes en train de faire cette étude pour voir les possibilités de labellisation. Et nous allons examiner ces deux rapports au cours de cet atelier.
Vue d’une forêt d’Afrique Centrale
RNA – Un message ?
C.N. – Les populations et les autorités doivent retenir que la conservation durable de la biodiversité est très importante pour les générations actuelles et futures. Les populations doivent aider les autorités à conserver cette biodiversité. Les aires protégées sont créées pour le bien-être des populations. Chacun à son niveau doit prendre des mesures pour soutenir ces efforts louables de nos dirigeants, des décideurs politiques. Si je prends l’exemple du Rwanda où nous sommes. Le Rwanda aujourd’hui est doté quatre parcs nationaux. Et ces quatre parcs nationaux sont très bien pour la régulation du climat, pour la conservation de cette biodiversité, pour les générations actuelles et futures. Et comme je l’ai dit, c’est une très bonne chose que le gouvernement ait le mode de gestion de partenariat public-privé. Ainsi ces aires protégées permettent de créer les emplois, permettent également que les touristes viennent au Rwanda pour visiter ces aires protégées. Et quand ces touristes arrivent, cela contribue à l’économie nationale du pays. Cela permet également aux populations riveraines, qui vivent tout autour de vendre de petits objets et in fine, cela permet d’améliorer leurs conditions de vie. Bien plus, dans certains pays, les populations autour des parcs ont droit à un certain pourcentage du revenu des parcs. Ce pourcentage sert à construire des infrastructures publiques diverses qui participent au développement et améliorent les conditions socio-économiques des communautés. Donc, nous devons comprendre tous ensemble que ce sont de bonnes mesures qui sont prises par nos dirigeants pour la conservation de la biodiversité et chacun de nous doit soutenir ces efforts. (Fin)