Comme l’explique l’étude menée par la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG) sur l’histoire du génocide contre les Tutsi dans l’ancienne préfecture de Cyangugu, lorsque le président Habyarimana a pris le pouvoir, il y a eu un bref répit, les gens pensaient qu’il leur apportait la paix grâce à des paroles aimables dans ses discours. Cependant, cela n’a pas duré longtemps car il a continué dans la ligne acrimonieuse initiée par le président Kayibanda, a favorisé ceux de Rukiga (les Bakiga), la région natale du président Habyarimana (Gisenyi, Ruhengeri et Byumba) et a isolé les Tutsi en général et les Hutu de Nduga (Gitarama, Butare et Gikongoro). Cette ligne acrimonieuse a été incorporée dans la politique de Habyarimana dans ce qu’on a appelé «la politique d’équilibre ».
Cette politique de ségrégation ethnique et régionale fut utilisée dans l’éducation dans le but d’isoler les enfants des Tutsi et d’autres citoyens non Bakiga. Les Tutsi se sont vu refuser l’accès aux écoles, non parce qu’ils n’en étaient pas capables, alors que les Hutu ont eu accès aux écoles sur la base d’un favoritisme ethnique ou régional. Un grand nombre de Tutsi ont été opprimés par la «politique de quotas», beaucoup d’entre eux se sont tournés vers l’agriculture et le commerce pour subsister après s’être vu refuser la possibilité d’étudier.
Le président Habyarimana était soucieux des intérêts des Hutu et du développement de sa région natale, le nord du pays. De même que son prédécesseur, le président Kayibanda, le président Habyarimana a fondé en 1975 le seul parti politique du pays, le MRND, basé sur la ségrégation ethnique et régionale, qui perpétue l’idéologie PARMEHUTU initiée par Kayibanda.
Depuis 1985, le régime du président Habyarimana a été confronté à plusieurs défis dont la famine au sein de la population et l’inflation des cultures industrielles sur le marché international entre autres. En 1988, les médias internationaux ont sensibilisé à la question des réfugiés rwandais à l’étranger. Alors que la politique de haine et de division avait été intronisée, le président Habyarimana n’a pas prêté attention à la question. C’est quand il a plutôt annoncé publiquement que le pays était plein et qu’il n’y avait pas de place pour les réfugiés tutsis.
En 1989, il y eut aussi duplicité et rivalités entre les dirigeants, il y eut ainsi des idées que le président Habyarimana avait isolé au pouvoir des Hutu qui n’étaient pas du nord du pays. Cela a provoqué un malentendu parmi les dirigeants et suivi par la mort dans des circonstances peu claires de dirigeants, dont le père Sylidio Sindambiwe qui était rédacteur en chef du journal Kinyamateka, le député Nyiramutarambirwa Felicula, Sebukura et d’autres. Leur mort était mystérieuse.
Il y avait aussi un natif de Cyangugu, Nkubito Alphonse Marie, un procureur qui était contre les actes de violation des droits de l’homme. Son opposition aux actes de violation des droits de l’homme lui a causé des transferts constants, ce qui était clair pour tout le monde que le but était de le décourager.
Pendant cette période, des rumeurs ont couru que le Rwanda allait être attaqué par les Tutsi qui avaient fui le pays. Cela a amené le régime de Habyarimana à suivre de près toutes les activités des Tutsi, des mesures ont été prises pour leur refuser les documents de voyage (laissez-passer), pour connaître leur localisation et leurs activités entre autres.
C’est dans cette perspective qu’en juillet 1990 dans la commune de Gisuma, un certain Rutayisire Théoneste s’est marié avec une fille de Gategabondo Egide, un riche homme d’affaires de Bukavu mais originaire de Mutimasi dans la commune de Cyimbogo. La cérémonie a été considérée comme quelque chose d’extraordinaire car elle a réuni plusieurs participants de la RDC, du Burundi et de tout le Rwanda. Quelques jours après le mariage, le FPR-Inkotanyi a lancé la guerre de libération en octobre 1990.
Suivant la manière dont toutes les activités des Tutsi étaient surveillées au quotidien, des informations ont été diffusées selon lesquelles de nombreux «Inyenzi» (réfugiés tutsis) s’étaient infiltrés à Cyangugu sous le prétexte du mariage de Rutayisire Théoneste. Cela a conduit les Tutsi de Cyangugu à être étroitement surveillés d’une manière particulière, beaucoup de ceux qui ont assisté au mariage de Rutayisire ont été emprisonnés sur des allégations d’espionnage avec le FPR-Inkotanyi.
Le début de la guerre de libération a été utilisé comme prétexte pour intensifier les actes de violence constants contre les Tutsis jusqu’au génocide perpétré contre eux. (Fin)