Les questions de sécurité n’ont cessé de prendre, depuis le début des années 1990, une place importante dans les programmes de gouvernance et développement durable, dans le but de prendre en compte les risques de déstabilisation qui pouvaient menacer certains États ou certaines régions de l’Afrique.
D’où, la réforme du secteur de la sécurité (RSS) est une condition majeure pour une paix durable en Afrique de l’Ouest et dans le Sahel. A la lumière de cette analyse de la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest et le Sahel, nous allons évaluer le processus de RSS dans cette région et ses perspectives.
Situation sécuritaire en Afrique :
L’Afrique était l’un des continents les plus instables au monde. Parallèlement aux crises, aux conflits armés, au terrorisme, l’insécurité s’accroît. Pendant les années 1990, certains pays d’Afrique ont été secoués par des conflits internes sanglants (rébellions, guerres civiles, guerres ethniques, guerres de clans…), et ont perdu tout contrôle sur la vie politique, économique et sociale. Nous citons l’exemple de La Somalie, le Libéria, le Rwanda, le Burundi, la Sierra Leone, l’Angola, le Mozambique, le Congo, le Mali, le Niger, le Soudan, l’Algérie.
En outre, les effets de ces conflits dans ces États, souvent violents et désastreux pour la sécurité humaine, car certains d’entre eux, étaient incapables d’assurer à leurs citoyens la sécurité la plus élémentaire à cause de l’absence d’autorité.
On peut noter, entre autres les conflits intercommunautaires, les conflits d’intérêt ou de leadership, les conflits relationnels entre droit coutumier et droit positif, les conflits religieux (déviations et montée de l’intolérance religieuse), la délinquance économique et financière (blanchiment d’argent, trafic d’armes, le trafic de drogue, la migration clandestine et le terrorisme, etc.
D’autant plus, parmi les causes profondes de l’insécurité dans des régions de l’Afrique de l’Ouest et le Sahel , on peut citer l’absence d’opportunités économiques pour mettre en valeur les énormes richesses naturelles du continent, la mal-gouvernance caractérisée notamment par des politiques non démocratiques menées par certains dirigeants plus soucieux de leurs intérêts personnels que ceux de leurs peuples , le bureaucratie , la corruption, les épidémies , les conflits communautaires, le réchauffement de la planète, la désertification, la sécheresse, les crises alimentaires, les famines, etc.
Les conséquences engendrées par cette situation sécuritaire sont souvent néfastes, comme les violations graves des droits humains, l’accroissement des souffrances humaines, la fragilisation des processus démocratiques, l’affaiblissement structurel des Etats, l’émergence de groupes armés non étatiques, etc.
Sécurité et développement
La question de la « gouvernance du secteur de la sécurité » (GSS) dans l’Afrique de l’Ouest et dans le Sahel est une illustration de l’importance de ce secteur pour la stabilisation de cette région en Afrique, à la fois en raison de sa position géostratégique toujours prédominante et les tensions explosives qui menacent la stabilité et la sécurité humaine, et à cause des problèmes de ralentissement du processus de développement.
Face aux défis sécuritaires dans cette région, les pays ont essayé d’initier des processus de gouvernance en vue de favoriser la mise en place des conditions nécessaires à l’instauration de structures gouvernementales dynamiques capables de mettre en œuvre d’un cadre politique de la réforme du secteur de la sécurité en cohérence avec les politiques de l’Union africaine et des Nations Unies, dans le respect de l’état de droit et des principes des droits humains.
En outre, l’accent, qui était autrefois mis sur la sécurité du territoire, laquelle ne pouvait être assurée que par une armée puissante, capable de se défendre contre tout attaquant extérieur contestant la souveraineté nationale, se reporte aujourd’hui sur la sécurité et le bien-être des populations et sur la puissance et la paix à escompter d’un sentier prévisible de développement durable.
Rappelons dans ce cadre, qu’il y a une relation étroite entre sécurité et développement, car il ne peut y avoir de développement sans sécurité, et inversement, comme il avait dit l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan : « L’humanité ne jouira pas du développement sans sécurité et ne jouira pas de la sécurité sans développement et ne jouira pas non plus des deux sans le respect des droits de l’Homme ».
En effet , face aux menaces multidimensionnelles et complexes à la sécurité , certains gouvernements de pays d’Afrique , comme le Burkina, le Mali, le Niger et le Sénégal , et par le soutien des organisations internationales et régionales , ont introduit des politiques de réforme du secteur de la sécurité (RSS) dans les programmes de développement , dans le but de renforcer l’efficacité, l’efficience des systèmes de sécurité, de manière plus respectueuse des normes démocratiques , comme le contrôle démocratique des forces de sécurité ; la professionnalisation et le renforcement des compétences et la coopération sécuritaire internationale et régionale.
Aujourd’hui, la sécurité, le développement et la gouvernance sont de plus en plus reconnus sur le continent africain en tant que champs inséparables et convergents.
Sécurité humaine et gouvernance du secteur de la sécurité
La définition du concept de sécurité intègre en grande partie la perspective développée par le concept de « sécurité humaine », car la gouvernance du secteur de la sécurité concerne la sécurité de l’Etat et des personnes, en même temps, par le renforcement de l’Etat de droit et le respect des droits de l’Homme par les services de sécurités.
En revanche, la sécurité humaine accorde une attention particulière à la sécurité des individus, des communautés et de l’ensemble de la population, notamment la protection des droits et libertés, la sécurité des personnes et des biens, ainsi que l’accessibilité et l’équité des procédures judiciaires.
C’est ainsi, que le renforcement de l’état de droit est un élément essentiel de la bonne gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique par la mise en place d’appareils de sécurité démocratiquement gouvernés et respectueux des droits de l’Homme.
Toutefois, les conflits politiques et l’instabilité dans certains pays d’Afrique ne permettent pas l’existence d’un système d’équilibre des pouvoirs qui garantit le respect des droits civils, des libertés et de l’état de droit , à cause d’une absence, parfois, des institutions de contrôle au niveau national (tels que les parlements, les institutions d’inspection et de comptes , les commissions indépendantes d’enquêtes sur la corruption et la violation des droits de l’homme, les organisations de la société civile, les médias , etc. ), qui peuvent jouer un rôle clé dans le contrôle des forces de sécurité.
De ce constat, les parlementaires, les organisations de la société civile, les académiciens, et les experts en sécurité en Afrique, devront partager des informations et des expériences pour améliorer l’état de droit dans les secteurs de la sécurité en Afrique. Dans ce sens, il faudra prendre en considération les mesures suivantes :
– L’évaluation des facteurs internes d’insécurité en Afrique, tels que l’instabilité politique, la pauvreté, les inégalités et le non-respect des droits humains ;
-L’évaluation des forces et faiblesses actuelles de la gouvernance du secteur de la sécurité dans la région de l’Afrique de l’Ouest et le Sahel ;
-L’analyse des avantages et des défis qui entravent les systèmes d’état de droit ;
– Le développement d’une compréhension de l’état de droit dans les défis sécuritaires africains, ainsi son implication de l’état de droit dans les réformes de la sécurité africaine ;
– Le contrôle démocratique et civil des secteurs de la sécurité dans la région ;
– La mise en œuvre des dispositifs d’une gouvernance efficace, de la paix, de la sécurité et du développement durable ;
– Le maintien des efforts de l’UA en matière de paix et de sécurité, dans le cadre du renforcement de l’appui aux capacités de prévention et de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent dans les régions confrontées à ces fléaux, comme la Corne de l’Afrique, le Sahel ou le bassin du lac Tchad. (Fin)
*By Khalid Cherkaoui Semmouni, analyste des questions politiques et sécuritaires de l’Afrique de l’Ouest.