L’aide étrangère a été massive et multiforme. Une des formes qu’a pris cette aide consiste à fournir au Rwanda une main d’oeuvre qualifiée. Mais cette main d’oeuvre étrangère et qualifiée n’est pas toujours venue en étant envoyée par les pays qui aident le Rwanda. Des fois le Rwanda, lui-même, a eu à prendre ses propres initiatives et appeler des étrangers ayant un savoir faire dont le pays a (ou avait) besoin. Les exemples ne manquent pas. A son début l’Office Rwandais des Recettes -plus connu sous son appellation anglaise de Rwanda Revenu Autority (RRA)- a bénéficié de l’expérience d’un ghanéen à sa direction avant d’être dirigé par des rwandais. Actuellement Rwanda Development Board (RDB) est dirigé par Joseph Ritchie de nationalité américaine. Et tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des monde.
Si des exemples sont nombreux où l’expertise des non-nationaux furent un succès, des échecs ne manquent pas. Les Rwandais se souviennent certainement de la société NETCARE de l’Afrique du sud à qui, à la fin des années 90, le gouvernement rwandais confia la gestion de cet hôpital. Le résultat ? Une gestion calamiteuse et le retrait de NETCARE.
Pourquoi les docteurs grognent ?
Il y a un an l’hôpital Roi Fayçal accueillait une trentaine d’infirmières kenyanes. D’elles l’hôpital attendait leur expertise et surtout l’encadrement des infirmières rwandaises. Quoi de plus normal sachant que ces kenyanes viennent des grands hôpitaux de renom international. Leur compétence n’est pas mise en doute : « Face à l’équipement médical moderne elles sont plus à l’aise que les infirmières rwandaises », affirme un docteur généraliste qui travaille régulièrement avec elles. Si le docteur ne met pas en doute la compétence des infirmières kenyanes il ne comprend pas par contre pourquoi elles (les kenyanes) ont un salaire deux fois plus important que le sien, lui le docteur.
Ces docteurs généralistes de l’hôpital Roi Fayçal affirment que leur salaire net est de 520 mille francs rwandais/mois alors que celui des infirmières kenyanes s’élève à plus d’un million, d’où leur mécontentement. « Mes collègues docteurs sont allé jusqu’à regarder sur leur fiche de paie, moi je ne l’ai pas fait car je trouve ça bas, mais je partage leur frustration », peste un autre docteur, ayant requis l’anonymat.
Ce docteur continue en affirmant que si l’on tient compte sa charge horaire et celle des infirmières kenyanes l’écart salaire/heure s’accroît sensiblement. La charge horaire hebdomadaire de 30 heures des infirmières kenyanes est scrupuleusement respectée alors que ce docteur affirme qu’il lui arrive régulièrement de travailler plus de 60 heures (et même plus) par semaines.
Problème de communication
L’hôpital Roi Fayçal est un hôpital moderne qui a été fondé par le gouvernement rwandais avec l’aide du roi Fayçal d’Arabie Saoudite, dans le but de limiter au strict minimum le transfert de patients disposant de moyens ou couverts par des assurances maladies vers les hôpitaux européens, des pays limitrophes, kenyans ou sud-africains. Actuellement il y a lieu de dire que cet hôpital est loin d’atteindre cet objectif. Les différentes tentatives pour y parvenir échouent. Les rwandais ne sont prêts d’oublier le cas NETCARE.
L’actuelle tentative avec les infirmières kenyanes ,aussi compétentes soient-elles, risque de ne rien apporter alors qu’elles auront englouti une somme importante d’argent à la fin de leur contrat de 3 ans. « Il y a un problème de communication entre elles et les infirmières rwandaises qui, en majorité, parlent français alors que les kenyanes parlent anglais et l’on sent qu’il y a une défiance des rwandaises qui s’estiment moins favorisées avec un salaire de 240 mille (frw, ndlr) », dit un docteur ayant toujours requis l’anonymat.
Pour ce docteur, il ne faut pas chercher des solutions aux problèmes en adoptant des mauvaises approches. « Pourquoi ne pas engager des consultants à temps partiel au lieu d’amener tous ces gens là qui suscitent la jalousie du personnel local ? », avance le docteur. Et de poursuivre : « Cette expérience risque de ne pas porter des fruits tant qu’il y aura manque de communication, les infirmières rwandaises n’apprendront rien d’elles (kenyanes, ndlr) ».
Manque de patience
Le cas de l’hôpital Roi Fayçal est représentatif de tant d’autres cas où l’arrivée des étrangers est à l’origine des remous essentiellement causés par leur salaire élevé que celui de leurs chefs directs. A son arrivée à l’Université Nationale du Rwanda (UNR) l’actuel recteur le Professeur Silas Lwakabamba s’est entouré d’une équipe d’étrangers grassement rémunérés. La décision a choqué le personnel rwandais de l’UNR. « Que font les medias qui ne révèlent pas ces pratiques qui nous rabaissent comme si nous rwandais serions des incompétents ? », se demande un employé de l’UNR.
Un des docteurs de l’hôpital Roi Fayçal fait son analyse sur cet état de chose : « Les dirigeants de certains de nos institutions ne sont pas du tout patients, ils veulent un résultat positif rapide et pensent que seuls les étrangers peuvent l’apporter. Ils devraient (ces dirigeants) miser sur le long terme et pensent à la formation de leur personnel local ». Ce docteur va jusqu’à accuser ces dirigeants de ne chercher qu’à se faire remarquer le temps qu’ils règnent sans penser à l’avenir à long terme des institutions dont ils ont la gestion en charge. « A quoi bon apporter un changement avec des étrangers qui repartiront quelques temps après en nous laissant avec nos anciennes habitudes et ce, en supposant que changement il y a ». Le docteur fait clairement allusion aux infirmières kenyanes qui risquent de repartir sans apporter un changement tangible à la fin de leur contrat.
Le président de la république qui a fait une visite surprise à l’hôpital Roi Fayçal au moins de mars aurait déploré son fonctionnement et dit au docteur Nyaruhirira Innocent, alors directeur de cet hôpital, que lui Kagame (président de la république) transformera cet hôpital en hôtel si rien ne change. Signe que ce bataillon d’étrangers à cet hôpital ne résout pas rien.