Kigali: L’association Handicap International, présente au Burundi depuis 1992, se voit contrainte de mettre fin à ses activités dans le pays.
«Elle ne s’estime plus en mesure de mener ses projets en raison des décisions du gouvernement burundais vis-à-vis des ONG internationales, notamment l’obligation du fichage ethnique de ses employés», indique-t-elle dans un communiqué.
Les actions de toutes les ONG internationales présentes au Burundi ont été suspendues par le gouvernement le 1er octobre 2018. La condition posée pour leur redémarrage est entre autres un plan de mise en place de quotas ethniques au sein de leurs équipes.
Handicap International a tenté de répondre aux demandes du gouvernement dans le respect des principes humanitaires et de ses valeurs, et engagé des discussions avec lui dans ce sens, sans arriver à trouver de solution.
Lors d’une entrevue le 24 décembre 2018, le Ministère de l’Intérieur burundais a confirmé que les conditions posées par le gouvernement étaient « non négociables » et qu’à défaut de les satisfaire d’ici au 31 décembre 2018, Handicap International ne serait pas autorisée à reprendre ses activités.
Attachée aux principes humanitaires de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, Handicap International considère que l’obligation d’établir la composition ethnique de son personnel et de communiquer ces informations aux autorités constitue une ligne rouge qu’elle n’entend pas franchir.
Si l’association agit toujours dans le respect des lois des pays dans lesquels elle intervient et considère la pratique de discrimination positive acceptable quand il s’agit de donner accès à l’emploi à des groupes notoirement ignorés du fait de leur sexe ou de leur handicap par exemple, elle ne peut envisager d’être l’opératrice d’un fichage ethnique de son personnel, dans un pays où la mention de l’appartenance ethnique n’apparait pas sur les papiers d’identité.
Cette obligation faite aux ONG s’inspire du système des quotas (60% de Hutus et de 40% de Tutsis) prévu dans la Constitution pour toutes les structures et les institutions de l’État burundais, y compris l’administration publique et les corps de défense et de sécurité. Mais la Constitution évoque uniquement les secteurs de l’État, en aucun cas la société civile.
Handicap International rappelle que la Constitution burundaise dispose également dans son article 22 que «nul ne peut être l’objet de discrimination du fait […] de son ethnie».
En outre, l’article 6 du Code du travail burundais indique que « la loi assure à chacun l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi et dans le travail, sans aucune discrimination. Elle s’oppose à toute distinction, exclusion ou préférence, fondée sur […] l’origine ethnique ou sociale en ce qui concerne l’embauche, la promotion, la rémunération et la rupture du contrat. »
«Le processus d’identification ethnique et son mode de contrôle annuel imposés par les autorités burundaises peuvent être des préalables à des mesures dont nous ignorons à ce stade la portée », ajoute Handicap International qui entend «ne pas être complice d’une forme de discrimination ethnique ».
L’association tire les conséquences de cette situation, et ferme à grand regret son programme au Burundi, après vingt-six ans de présence et d’intervention dans les domaines de la santé, la réadaptation, l’éducation, la protection, l’insertion socio-économique et l’appui aux associations.
L’association déplore dans son communiqué le fait que les capacités d’action des ONG se réduisent de plus en plus dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres du monde, au détriment des populations burundaises les plus vulnérables.
Handicap International est une association indépendante et sans but lucratif, engagée en faveur des personnes handicapées auxquelles elle apporte un soutien sur plusieurs thématiques : la réadaptation, la réinsertion, la prévention, la défense des droits, le déminage humanitaire et plus récemment l’urgence.
C’est une ONG internationale créée en 1982 à Lyon(France) par deux médecins français, Jean-Baptiste Richardier et Claude Simonnot et un technicien, Yves Gaumeton, tout d’abord pour venir en aide aux personnes réfugiées dans des camps au Cambodge et en Thaïlande.
Son champ d’action s’étend maintenant à toute la planète. Initialement implantée en France, elle a par la suite ouvert des sections dans sept autres pays : en Belgique, en Suisse, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Allemagne, au Canada et aux États-Unis. (Fin)