L’envoyée de l’ONU en RDC Leila Zerrougui (à gauche) dans un hélicoptère lors d’un vol vers les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu.
Kigali: L’envoyée de l’ONU en République démocratique du Congo (RDC), Leïla Zerrougui, a prévenu mardi le Conseil de sécurité que ce pays avait encore beaucoup de défis à relever pour assurer sa stabilité et son développement de long terme et permettre le retrait progressif de la mission de paix onusienne, la MONUSCO.
« Les élections de 2018 et le transfert pacifique du pouvoir qui en a résulté ont constitué un tournant historique qui a permis de commencer à envisager le retrait progressif de la MONUSCO et son retrait de la République démocratique du Congo. De sérieux défis demeurent et il y a manifestement beaucoup de travail à faire pour placer le pays sur la voie de la stabilité à long terme et du développement à long terme », a expliqué Mme Zerrougui aux membres du Conseil lors d’une réunion par visioconférence.
La Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en RDC a invité le Conseil de sécurité à continuer d’appuyer la MONUSCO dans ses efforts pour aider le gouvernement et le peuple congolais à préserver les acquis obtenus pendant la présence de la Mission et à créer les conditions d’une sortie responsable.
S’agissant de la situation politique, l’envoyée de l’ONU a estimé que la classe politique accepte et apprécie même les opportunités offertes par la coalition au pouvoir, mais qu’il existe des tensions persistantes entre les membres de la coalition.
« À ce défi, nous devons maintenant en ajouter un autre : le risque que la politique et le positionnement avant les élections de 2023 deviennent la priorité absolue, à l’exclusion des réformes de gouvernance et des mesures de stabilisation dont le pays a besoin. Le régime politique actuel reste fragile et pourrait encore s’effondrer », a-t-elle prévenu.
Stratégie de retrait progressif
Mme Zerrougui a indiqué que le Conseil de sécurité recevrait bientôt la Stratégie conjointe sur le retrait progressif de la mission onusienne. « Il est convenu avec le gouvernement que dans les années à venir, la MONUSCO consolidera progressivement son empreinte dans les trois provinces où un conflit actif persiste – à savoir le Nord et le Sud-Kivu et l’Ituri – tout en poursuivant ses travaux de bons offices et de renforcement institutionnel au niveau national », a-t-elle précisé.
« Dans le cadre de ce processus, la Mission devrait être en mesure de se retirer assez rapidement de la région du Kasaï, qui est dans une phase de consolidation post-conflit. Au Tanganyika, les récentes améliorations de la situation en matière de sécurité devraient permettre à la Mission de réduire son empreinte militaire, malgré la poursuite des activités des groupes armés nationaux dans le nord et de conflits intercommunautaires de faible intensité dans certaines zones », a-t-elle ajouté.
L’envoyée de l’ONU a souligné que la MONUSCO restait concentrée sur l’amélioration de la mise en œuvre de son mandat de protection des civils. « La Mission continuera de travailler en étroite collaboration avec l’armée et la police congolaises pour renforcer leur capacité à protéger les civils dans les autres régions du pays touchées par l’insécurité », a-t-elle dit.
La MONUSCO travaille aussi avec les autorités congolaises et les communautés locales, la société civile, les organisations de femmes et les jeunes dans le cadre d’une approche intégrée qui combine le soutien à la réconciliation communautaire, le renforcement du système judiciaire, la professionnalisation des forces de sécurité et le suivi des violations des droits de l’homme.
Mme Zerrougui s’est dite préoccupée par les informations récentes faisant état d’attaques – notamment d’assassinats et d’enlèvements – contre des acteurs humanitaires. Elle a exhorté toutes les parties prenantes à permettre l’accès humanitaire aux populations dans le besoin.
Démantèlement des groupes armés
Selon la Représentante spéciale, la stabilisation de l’est de la RDC dépendra, dans une large mesure, des progrès accomplis vers le démantèlement des groupes armés et la réintégration durable des ex-combattants dans leurs communautés.
« Il est essentiel, dans ce contexte, d’éviter de répéter les expériences du passé, où un grand nombre d’ex-combattants ont obtenu l’amnistie et ont été intégrés dans les forces de sécurité congolaises, sapant leur professionnalisme, leur discipline et leur unité de commandement. La perspective d’obtenir un grade dans les forces de sécurité congolaises était une incitation à former un groupe armé, entraînant un cycle meurtrier de ‘recyclage’, dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui », a-t-elle dit.
Selon elle, il faut briser ce cycle et mettre en œuvre un programme de réintégration communautaire qui cherche à renforcer la résilience des communautés accueillant des ex-combattants, tout en supprimant l’incitation à former et à rejoindre des groupes armés.
L’UNICEF dénonce la violence incessante dans l’Ituri
De son côté, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) s’est déclaré mardi toujours profondément préoccupé par le sort de milliers d’enfants menacés par la violence incessante en Ituri, dans l’est de la RDC.
La violence s’est intensifiée au début de l’année dans cette province et depuis lors, les conditions de vie de milliers d’enfants en Ituri se sont encore détériorées.
Les attaques de milices dans les zones peuplées ont fait des centaines de morts, et l’UNICEF a reçu des informations faisant état d’enfants mutilés, tués, ou recrutés par des groupes armés.
Selon l’agence onusienne, 91 enfants ont été tués, 27 ont été mutilés et 13 ont été victimes de violences sexuelles entre janvier et juin 2020.
Près de 18 établissements de santé ont été pillés ou détruits, tandis que les attaques contre plus de 60 écoles ont privé d’école environ 45.000 enfants hors de la classe. Ce ne sont que des incidents vérifiés – les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés.
L’UNICEF rappelle qu’actuellement, 2,4 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire en Ituri. Entre janvier et août, plus de 150.000 personnes – dont plus de 87.000 enfants – ont été aidées sur le terrain par l’agence onusienne et ses partenaires dans les domaines de la santé et de la nutrition, de la protection, de l’éducation, de l’eau et de l’assainissement.
Toutefois, un financement insuffisant limite la portée des activités. L’appel de l’UNICEF pour l’action humanitaire en faveur des enfants en RDC est estimé à 318 millions de dollars, mais l’agence a un déficit de financement de 235 millions de dollars. (Fin)