By Manzi Bakuramutsa*
Le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’adopter une résolution prolongeant un embargo sur les armes contre les groupes armés au Congo. Résolution inutile car ces groupes armés s’approvisionnent en arme non pas de l’étranger, mais dans les stocks des FARDC (Forces Armées de la RDC).
Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté jeudi une résolution prolongeant un embargo sur les armes contre les groupes armés au Congo, qui fait face à une recrudescence de la violence dans l’Est riche en minerais, la Russie, la Chine et ses trois membres africains s’étant abstenus.
Le gouvernement congolais a demandé à plusieurs reprises la levée de l’obligation de notifier à l’avance toute expédition d’armes et de fournitures militaires ainsi que l’assistance militaire qu’il reçoit au comité du Conseil de sécurité chargé de surveiller les sanctions contre le pays.
L’exigence a été assouplie dans la résolution rédigée par la France qui a été adoptée par un vote de 10 contre 0. Les cinq pays qui se sont abstenus ont soutenu le Congo et ont demandé la levée de l’exigence.
La résolution maintient l’embargo sur les armes pour les groupes rebelles ainsi que le gel des avoirs et les interdictions de voyager pour les individus et les entités jusqu’au 1er juillet 2023. Elle prolonge également le mandat du groupe d’experts surveillant les sanctions jusqu’au 1er août 2023.
Dans cette résolution, on voit que les membres du Conseil de sécurité ont tenu compte de la seule voie classique d’approvisionnement en arme que les groupes armés pourraient utiliser. Ils n’ont pas pensé à d’autres voies possibles et plus faciles qui sont en réalité les plus utilisées par les groupes armés de la RDC.
La première voie et la plus courantes est l’échanges des armes contre les biens, l’argent et les minerais entre certains membres des forces des FARDC opérant sur place. Les officiers supérieurs des FARDC, opérant dans le Kivu, sont devenus très rapidement scandaleusement riches grâce à ces opérations.
Ces opérations couvrent aussi les échanges d’informations qui permettent aux rebelles de savoir quand attaquer avec sécurité et aux militaires de ne pas tomber dans les embuscades de rebelles.
La deuxième voie, qui est rare mais qui a été utilisée, est l’échange des armes contre les minerais avec les militaires faisant partie de la Monusco. Ces derniers profitent de leur immunité pendant leur séjour pour acquérir des minerais dans les régions où ils opèrent contre armes et information.
La troisième voie, qui a été fort utilisée par les forces de M23, est l’acquisition des armes laissées par les forces des FARDC qui souvent les abandonnent dans leurs fréquentes fuites à chaque fois qu’ils sont attaqués.
Le plus grand camp militaire de Rumangabo, a été plusieurs fois pris par M23, abandonné et puis repris ; cela a permis à ce mouvement rebelle, de piller et de s’équiper confortablement en armes de toutes sortes et de toutes calibres, de minutions, des uniformes, et autres matériels militaires utiles dans leurs opérations.
N’oublions pas aussi que les militaires français, sur ordre de leurs supérieurs, ont laissé en RDC, aux rebelles rwandais, actuellement FDLR, un grand stock d’armement avec objectif de les appuyer pour la reconquête du Rwanda. Ces derniers n’ont pas réussi à reprendre le Rwanda comme prévu, par contre, ils ont tourné les armes contre la population congolaise, en opérant seuls, avec FARDC ou en s’associant avec d’autres rebelles opérant dans la même région. Les FDLR ont continué à recevoir des armes par les FARDC qui les utilisent comme mercenaires.
Madame Bintou Keita, dont le rapport est à la base de cette résolution, a gommé certaines informations qui auraient été très utiles pour comprendre la vraie situation de la RDC.
En effet on ne peut prendre une décision appropriée et durable pour la RDC, si on ne parle pas :
• De la mauvaise gouvernance qui gangrène le pays depuis que les Belges ont donné ce qu’ils ont appelé l’indépendance et qui est à l’origine de la naissance de la plupart de ces centaines de rebellions qui pullulent dans le pays;
• L’ethnicité qui empêche le vivre ensemble. Elle est due à la mauvaise colonisation, suivie d’une mauvaise décolonisation. Les différents régimes l’ont exacerbé au lieu de le corriger ;
• Le gouvernement congolais n’a pas respecté les accords qu’il a pris avec le M23 en 2013;
• Le va-t-en guerre que tout le monde prend comme option, alors que le respect des droits et des devoirs de chacun, y compris les gouvernants, pourrait seul pacifier le pays.
Un apprenti stagiaire analyste se demanderait avant tout pourquoi les 200.000 membres des FARDC, plus les vingt mille (maintenant moins) membres de Monusco n’ont jamais arrivé depuis plus de vingt ans, à trouver une solution à cette question congolaise.
On se demanderait pourquoi, il faut à la RDC un bouc émissaire, 80 fois plus petit, de loin moins doté en richesse naturelle, dix fois moins peuplé, etc. Et pourtant le Rwanda a montré patte blanche et il n’a aucun intérêt à s’immiscer dans les affaires congolaises.
Faut-il que le grand Congo, qui devrait être la fierté de l’Afrique, aille pleurnicher au sein de concert des Nations, au Conseil de sécurité, aux Etats Unis, à l’Union européenne, à East Africa Community, et pimenter ces lamentations avec des mensonges ridicules, juste pour s’attirer l’attention et la compassion !
Cette situation donne à tout panafricain qui aime RDC, et lutte pour l’Afrique que nous voulons, envie de dire haut et fort à ces frères : « debout congolais ! dressez vos fronts pour bâtir un pays plus beau qu’avant dans la paix ». (Fin).
* Manzi Bakuramutsa est un ancien fonctionnaire de l’ONU (FAO, PNUD); • Ancien ambassadeur du Rwanda à l’ONU, Benelux, UE et Vatican.