Kigali: Ce 19.décembre 2019, la Cour d’assises de Bruxelles a reconnu Fabien Neretse coupable du crime de génocide et crimes de guerre. Neretse Fabien était poursuivi de crime de génocide et crimes de guerre commis à Nyamirambo où il résidait et Mataba sa région natale ; ainsi que de connexité ailleurs au Rwanda, entre le 6 avril 1994 et le 14 juillet 1994. Neretse a appelé l’armée pour procéder à l’exécution de plusieurs familles, soit 13 morts, au total à Kigali. Neretse avait créé une milice Interahamwe de Mataba à laquelle il avait distribué des armes avant les attaques, et la payait.
La condamnation de Neretse est une décision historique pour plusieurs raison. D’abord, c’est la première fois en Belgique qu’une poursuite et une condamnation pénale soient basées sur une loi réprimant le génocide. En effet, d’autres condamnations de Rwandais avaient été faites sur le fondement de la loi punissant les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. Cette première jurisprudence en Belgique de reconnaissance du génocide commis contre les Rwandais tutsi est pour les négationnistes belges un échec et un honneur rendu aux victimes.
Ensuite, il faut souligner une autre dimension du procès Neretse qui a montré une défense négationniste, notamment en la personne de l’avocat Jean Flamme qui, tout au long du procès, a été très virulent à l’égard du Procureur et des parties civiles. Pour la première fois en Belgique, la négation du génocide commis contre les Tutsi a été utilisée comme le moyen principal de la défense tendant par là à faire oublier la responsabilité de l’accusé.
Enfin, dès l’annonce du procès Neretse, celui-ci a mis en place une équipe chargée de corrompre les témoins. Des dons en nature ont été distribués aux témoins incluant de l’argent et des terrains de champ dans le but de les inciter à le disculper.
Ce procès est hautement symbolique pour d’autres procès à venir.
1. NERETSE A CORROMPU LES TEMOINS
Neretse est apparu libre pendant l’audience. Cette liberté lui a permis d’acheter les témoins, de les menacer et de mettre pressions sur eux.
Pendant plusieurs mois, la famille de Neretse a donné de terrains, distribué de l’argent à des témoins clés de l’accusation. La corruption de témoins s’accompagnait d’intimidation, semant la peur, suite au téléphone de Neretse, ou à travers ses agents de pression en place.
Mais, malgré cette pression, des victimes survivantes du génocide ont témoigné contre Neretse, défiant l’obsession génocidaire de faire « tabula rasa » de la réalité du crime de génocide qu’il a commis.
La CNLG dénonce la pratique de corruption de témoins qui devient une pratique devant les juridictions nationales étrangères et internationales. Ce fut le cas lors de la demande en révision du procès Augustin Ngirabatware devant le Mécanisme des tribunaux pénaux internationaux, où un groupe de cinq personnes ont été arrêtées pour avoir cherché à soudoyer et intimider des témoins. Cette pratique est une menace à la qualité de la justice, une stratégie de génocidaires d’échapper à la justice. Des mesures préventives doivent être prises, notamment l’incarcération en prison des présumés génocidaires mis en examen au cours d’une instruction.
2. LES STRATEGIES NEGATIONNISTES DE LA DEFENSE
Depuis le début du procès, l’avocat de la défense, Me Flamme n’a cessé de citer des thèses négationnistes axées sur le double génocide. Déjà dans le choix des témoins de contexte, on y trouve des noms de personnes connues dans les milieux négationnistes comme Judi Rever, Joseph Matata, Johann Swinnen et d’autres. Le but était d’offrir une plateforme aux individus explicitement connus comme négationnistes du génocide contre les Tutsi du Rwanda.
Plusieurs personnes furent choquées d’entendre Me Flamme dire que le génocide contre les Tutsi n’a pas été perpétré, et que donc son client était innocent puisqu’il était poursuivi pour un crime qui n’existe pas. Déjà connu pour ses stratégies négationnistes devant le tribunal pénal international pour le Rwanda, notamment en tant qu’avocat de Tharcisse Renzaho, Me Flamme a voulu ressasser la théorie du double génocide, une théorie « qui se répand depuis de nombreuses années dans la propagande des génocidaires et de leurs partisans»
Face au mensonge de Me Flamme, il faut saluer l’intelligence et la patience de tous ceux qui sont intervenus dans ce procès, ont suivi avec intérêt les témoins du génocide, ce qui a permis d’établir la vérité sur le génocide contre les Tutsi.
3. TENTATIVE DES AMIS DE NERETSE D’INFLUENCER L’ISSUE DU PROCES
Il faut rappeler que peu de temps avant le procès de Neretse, des initiatives négationnistes ont été organisées successivement en France, au Canada et en Belgique, dans l’objectif d’influencer l’opinion publique dans ces pays. Très habilement, ces relais négationnistes voulaient faire pression sur les juridictions belges qui devaient juger Neretse.
Dans ce contexte, le surgissement du négationnisme du génocide contre les Tutsi était lié à une idée : expliquer qu’il y a eu un génocide qui a visé les Hutu et perpétré par les Tutsi.
Ainsi, le 26 octobre 2019, le journaliste Vincent Hervouet de la chaine de télévision française, LCI, a interviewé Charles Onana sur son livre négationniste, “Rwanda, la vérité sur l’Opération Turquoise”. A cette occasion, Onana a repris ses thèses négationnistes où il explique qu’il existe un génocide commis contre les Hutu.
Le 31 octobre 2019, la journaliste canadienne Chantal Lavigne de CBC Radio-Canada a diffusé une pseudo-enquête « Des espions parmi nous », qui fait scandaleusement le montage d’un témoignage d’une étudiante supposée espionner pour le compte du gouvernement du Rwanda. Encore une fois, Judi Rever y développe ses propos haineux contre le gouvernement rwandais.
Pendant cette période, Jambo asbl a développé un activisme outrancier pour justifier l’existence du génocide contre les Hutu, en montant de toute pièce des témoignages de supposés rescapés de ce génocide imaginaire. Or, ces témoins ne sont rien ni plus ni moins que d’anciens combattants du mouvement terroriste FDLR impliqué dans plusieurs massacres au Rwanda et au Congo.
Au même moment, Judi Rever a organisé des conférences dans des universités belges flamandes: l’université catholique de Louvain, l’université d’Anvers et de la VUB de Bruxelles ainsi que la VUBArteveldehogeschool Gent. A cette occasion, soixante chercheurs, journalistes et historiens avaient adressé une lettre ouverte aux rectorats de ces quatre universités belges pour protester contre l’intervention de Judi Rever.
Enfin, le 2 décembre 2019, le responsable de l’association Pharos, Pierre Morel a organisé un colloque négationniste sur le rapport Mapping à l’assemblée nationale en France. A cette occasion, des négationnistes de tout bord se sont retrouvés et ont fait état des thèses négationnistes validant l’existence d’u génocide imaginaire contre les Hutu.
Cette campagne négationniste n’a pas atteint ses objectifs, mais il s’agit d’un processus sans fin qu’il faut dénoncer et condamner.
4. UN PROCES QUI ILLUSTRE LA VOLONTE DE TOUS DE LUTTER CONTRE L’IMPUNITE
Le verdict de condamnation de Neretse est un triomphe contre l’impunité, et contre la culture de la haine. Plusieurs personnes ont résisté à la plaidoirie menaçante de la défense, et à la pression de Neretse et à ses agents de pression chez lui à Mataba.
Nous remercions les juges d’instruction, les jurés, les témoins, le parquet fédéral, et les avocats des parties civiles au cœur de ce procès. Tous ont fait un travail remarquable pour la préservation de la mémoire et de la justice.
Vingt-cinq ans après le génocide perpétré contre les Tutsi, ce procès montre que le crime de génocide est imprescriptible, et que partout où se cachent les suspects génocidaires ils doivent être arrêtés et jugés.