Fabien Neretse
Kigali: Mardi 26 mai 2020, la cour de cassation de Belgique a rendu un arrêt de rejet sur le recours soumis par la défense de Fabien Neretse, contre l’arrêt rendu, en décembre dernier, par la cour d’assises de Bruxelles.
Cette dernière avait prononcé contre Fabien Neretse une peine de 25 ans de réclusion criminelle, après l’avoir reconnu coupable de génocide et crimes de guerre, commis dans le cadre du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.
Après le prononcé des deux arrêts (arrêt de culpabilité le 19 et l’arrêt portant condamnation le 20 décembre 2019), la défense avait dénoncé un « scandale » et avait rapidement manifesté son intention de se pourvoir en cassation. La cour de cassation qui n’a pas vocation à connaître du fond des affaires, avait donc été saisie pour se prononcer sur les allégations de violation de procédure par la cour d’assises.
C’est en réponse à ce recours de la défense que la cour de cassation a rendu, le 26 mai dernier, un arrêt de rejet. Cette décision de la cour de cassation marque la fin des voies de recours possibles et rend définitive la condamnation prononcée en décembre 2019. Fabien Neretse doit désormais purger sa peine de 25 ans d’emprisonnement.
Affaires antérieures en Belgique
L’affaire de Fabien Neretse n’est pas la première jugée sur le fond par la justice belge dans le cadre du génocide des Tutsi commis au Rwanda en 1994. La justice belge avait déjà tenu quatre procès en 2001, 2005, 2007 et en 2009, et prononcé sept condamnations avant le procès de Neretse. Ce dernier présente la particularité d’être le premier dans lequel les juridictions belges ont retenu la qualification de « génocide ». Dans les affaires qui ont précédé, les poursuites avaient reposé sur les « crimes de guerre », une qualification fondée sur la loi de 1993 qui a introduit la compétence universelle des juridictions belges en matière de crimes de guerre. C’est en 1998 que cette loi a été modifiée pour s’étendre au crime de génocide.
La peine infligée
La peine de 25 ans de réclusion criminelle infligée à Fabien Neretse est la plus lourde des peines jusque-là prononcées par la justice belge :
Dans le premier procès dit « procès des 4 de Butare » jugée en 2001, la cour avait prononcé les peines d’emprisonnement de 20 ans pour Alphonse Higaniro, 15 ans pour Sœur Consolata Mukangango (sœur Gertrude), 12 ans pour Vincent Ntezimana et 12 ans pour sœur Julienne Mukabutera (Sœur Kisito).
Dans l’affaire de Étienne Nzabonimana et Samuel Ndashyikirwa jugée en 2005, les deux demi-frères avaient été condamnés respectivement à 12 et 10 ans de prison. Dans l’affaire du Major Bernard Ntuyahaga, jugée en 2007, ce dernier avait écopé d’une peine de 20 ans d’emprisonnement.
Il convient de mentionner également une autre affaire qui a connu un sort particulier. Il s’agit de l’affaire de Ephrem Nkezabera. Ce dernier avait été jugé en son absence pour des raisons de santé et condamné in absentia, à 30 ans de prison, le 1er décembre 2009. Il avait ensuite fait opposition et obtenu l’annulation de la condamnation. Il devait être jugé à nouveau mais il est décédé le 24 mai 2010 avant le jugement. Ce décès a entraîné l’extinction des poursuites.
Toujours dans le cadre du traitement du contentieux du génocide des Tutsi par la justice belge, il y a lieu de mentionner un procès civil dit « procès ETO », jugé en lien avec les massacres consécutifs au départ du contingent belge de la MINUAR qui était cantonné à l’Ecole Technique Officiel de Kicukiro. Il s’agit d’une action en réparation intentée par des ayants droit des victimes desdits massacres, contre l’Etat belge et contre les 3 Officiers de l’armée belge considérés comme responsables de l’évacuation qui avait eu lieu le 11 avril 1994, abandonnant des réfugiés à la merci des miliciens Interahamwe.
Le 8 décembre 2010, le Tribunal de Première Instance de Bruxelles avait reconnu que « la décision d’évacuer l’ETO est une décision prise sous l’égide de la Belgique et non de la MINUAR». Le jugement de première instance, se fondant sur des déclarations précises du commandant de la MINUAR, le général R. Dallaire, estimait, au contraire, que « des pans entiers des forces belges étaient soustraites, de fait, à l’autorité de la MINUAR », que « la concertation était permanente entre [le commandant du contingent belge, le colonel Marchal] et l’état-major de l’armée belge, qui n’hésitait pas par ailleurs à passer outre l’avis de la MINUAR » (jugement, § 38) Le tribunal avait en outre souligné, au sujet des trois officiers visés par la demande, que « le fait d’avoir obéi à des ordres n’est pas de nature en soi à exonérer les militaires de leurs responsabilités, dès lors que ces ordres étaient de nature à entraîner la commission de crimes de guerre, pas plus que le fait d’avoir cherché vainement avant l’évacuation des soldats belges du campement de l’ETO des solutions alternatives pour la protection des réfugiés ». À la suite de ce cas flagrant de non-assistance à personne en danger, les familles des victimes avaient introduit en 2004 une action civile en réparation contre la Belgique pour sa responsabilité dans le défaut des militaires belges de protéger les Tutsis présents à l’ETO alors que cette protection était parfaitement possible, ainsi que cela ressortait implicitement du jugement rendu en première instance (jugement du 8 décembre 2010, §§ 23 et s.).
Sans nier ce point, la Cour d’appel a rejeté l’action après avoir conclu qu’à l’époque des faits, le contingent belge de la MINUAR relevait uniquement des Nations Unies et non de la Belgique.
Dans son Arrêt du 28 juin 2018, la Cour d’Appel a ainsi réformé le jugement du Tribunal de Première Instance, en tranchant que le retrait des troupes basées à l’ETO relevait d’une décision de la MINUAR et non de l’Etat belge, affirmant ainsi l’immunité de juridictions au bénéfice des officiers concernés. Dans sa conclusion, la Cour a souligné que les demandes dirigées contre les appelants Luc MARCHAL et Joseph DEWEZ échappaient à la compétence des cours et tribunaux belges avant de déclarer non fondées les demandes dirigées contre l’Etat Belge.
A côté de ces affaires déjà jugées et clôturées, d’autres affaires restent à venir pour jugement devant la cour d’assises. Il s’agit de 4 inculpés à savoir Ernest GAKWAYA et NKUNZUWIMYE Emmanuel renvoyés dans la même affaire que Fabien Neretse, ainsi que l’ancien Procureur BUSHISHI Mathias et M. KWITONDA Thaddée dont le renvoi du 27 février 2018 a été confirmé par la cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt rendu le 12 décembre 2018.
Ces 4 accusés sont donc les sujets des prochains procès devant la cour d’assises, où, comme Fabien Neretse, ils doivent répondre des faits qualifiés de « génocide ».
Cette note d’information est une communication du programme « Justice et Mémoire » qui vise à faciliter aux populations rwandaises la compréhension et la participation aux procès de génocide sur base de compétence universelle, et favoriser l’intégration des apports de ces procès dans la mémoire de la justice du génocide.
Ce programme est conduit par les organisations RCN Justice & Démocratie, PAX PRESS, Haguruka et Association Modeste et Innocent (AMI). Ce programme entend suivre la suite de la procédure et informer sur le déroulement de ces procès.
Ce programme bénéficie du soutien financier de la Belgique à travers la Direction générale au développement (DGD). Les diffusions du programme n’engagent pas la DGD. (Fin)