Ce projet vise à décourager l’immigration clandestine vers le Royaume Uni
Le 14 juin 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a décidé d’indiquer une mesure provisoire dans l’affaire K.N. c. Royaume-Uni (requête n o 28774/22), qui concerne un demandeur d’asile exposé à un risque imminent de refoulement vers le Rwanda.
Le 13 juin 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a reçu une requête l’invitant à indiquer d’urgence au gouvernement britannique, en application de l’article 39 de son règlement, une mesure provisoire concernant un ressortissant irakien qui avait demandé l’asile à son arrivée au Royaume-Uni le 17 mai 2022 et risquait d’être refoulé vers le Rwanda dans la soirée du 14 juin 2022.
La Cour a indiqué au gouvernement britannique que le requérant ne devait pas être refoulé vers le Rwanda avant l’écoulement d’un délai de trois semaines à compter du prononcé de la décision interne définitive à intervenir dans la procédure de contrôle juridictionnel en cours le concernant.
L’article 39 de son Règlement permet à la Cour d’indiquer des mesures provisoires à tout État partie à la Convention européenne des droits de l’homme. Les mesures visées par l’article 39 sont prises dans le cadre du déroulement de la procédure devant la Cour et ne présagent pas de ses décisions ultérieures sur la recevabilité ou sur le fond de l’affaire dont il est question. La Cour ne fait droit aux demandes de mesures provisoires qu’à titre exceptionnel, lorsque les requérants seraient exposés – en l’absence de telles mesures – à un risque réel de dommages irréparables.
Le 13 avril 2022, le gouvernement britannique a conclu avec le gouvernement de la République du Rwanda un protocole d’accord de partenariat en matière d’asile prévoyant que les demandeurs d’asile dont les demandes ne seraient pas examinées par le Royaume-Uni pourraient être transférés au Rwanda.
Le requérant, K.N., est un ressortissant iraquien né en 1968. Il quitta l’Irak en avril 2022 pour se rendre en Turquie avant de traverser l’Europe et de franchir la Manche en bateau. Il demanda l’asile au Royaume-Uni à son arrivée dans ce pays le 17 mai 2022, alléguant qu’il était en danger en Irak. Le 24 mai 2022, le requérant se vit notifier un « avis d’intention » lui indiquant que les autorités envisageaient de déclarer irrecevable sa demande d’asile au Royaume-Uni et de le transférer au Rwanda.
Le 27 mai 2022, un médecin du centre de rétention du service de l’immigration établit un rapport indiquant que le requérant avait peut-être été victime de tortures. Le 6 juin 2022, K.N. fut informé que sa demande d’asile avait été déclarée irrecevable. Il se vit notifier une mesure d’éloignement vers le Rwanda pour le 14 juin 2022.
La High Court rejeta le référé en sursis à exécution que le requérant avait formé devant elle en vue de faire interdire le transfert vers le Rwanda de tous les demandeurs d’asile en application de l’accord de partenariat en matière d’asile ou son propre transfert vers ce pays. Elle considéra que le Rwanda se conformerait au protocole d’accord, même si celui-ci n’était pas juridiquement contraignant, et que, en tout état de cause, le sursis serait probablement de courte durée (puisqu’elle se proposait d’examiner en juillet la demande de contrôle juridictionnel formée par le requérant) et que l’intéressé pourrait être réadmis au Royaume-Uni si sa demande de contrôle juridictionnel était accueillie.
Toutefois, elle jugea que le point de savoir si la décision de qualifier le Rwanda de pays tiers sûr était irrationnelle ou insuffisamment étayée soulevait « une contestation juridique sérieuse » qui devrait être examinée par la juridiction appelée à connaître du fond du recours interjeté par le requérant. Le recours formé par le requérant contre cette décision fut examiné le 13 juin 2022 et rejeté. Le 14 juin 2022, la Cour suprême refusa au requérant l’autorisation de la saisir.
Un vol qui devait emmener ce demandeur d’asile irakien du Royaume-Uni au Rwanda a été annulé le 14 juin 2022 quelques minutes avant le décollage à la suite d’une contestation juridique tardive. À l’origine, 37 personnes devaient être envoyées, mais les contestations judiciaires en matière de droits de l’homme ont réduit ce nombre à environ sept.
Des organisations caritatives et des avocats représentant des demandeurs d’asile avaient lancé une série de recours juridiques contre cette politique. Les critiques remettent en question le fait que le Rwanda soit une destination sûre, et affirment que le système enfreint la Convention européenne des droits de l’homme.
En conséquence, certaines personnes avaient déjà été retirées du vol. Le vol a toutefois été interrompu après une intervention tardive de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). La CEDH n’est pas un organe de l’UE, mais fait partie du Conseil de l’Europe, dont le Royaume-Uni est toujours membre. Elle a été créée à Strasbourg par les États membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
La Cour a estimé que ce demandeur d’asile irakien connu sous le nom de KN courait “un risque réel de subir un préjudice irréversible” s’il était envoyé au Rwanda. Le jugement a déclenché d’autres recours juridiques, et tous les passagers ont finalement été renvoyés.
Le gouvernement britannique affirme qu’il organisera un autre vol vers le pays africain et insiste sur le fait que ce projet découragera les personnes de traverser la Manche.
Dans le cadre de ce projet de cinq ans, certains réfugiés seraient envoyés au Rwanda pour y demander l’asile. Ils pourront se voir accorder le statut de réfugié permanent pour rester au Rwanda. Dans le cas contraire, ils pourront demander à s’y installer pour d’autres motifs ou demander l’asile dans un “pays tiers sûr”.
Cette politique vise principalement les jeunes célibataires qui arrivent au Royaume-Uni par ce que le gouvernement appelle des “méthodes illégales, dangereuses ou inutiles”, comme sur de petits bateaux ou cachés dans des camions.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson explique que le Rwanda assumera la responsabilité des personnes envoyées dans ce pays et que les migrants auront “droit à une protection totale en vertu de la loi rwandaise”, avec un accès égal à l’emploi et aux services.
S’agissant du coût de ce projet controversé, le gouvernement britannique affirme que le système d’asile coûte 1,5 milliard de livres sterling par an, avec plus de 4,7 millions de livres sterling par jour dépensés dans des hôtels pour accueillir des migrants sans abri.
Le Royaume Uni dit qu’un paiement initial de 120 millions de livres sterling serait suivi d’autres paiements au Rwanda au fur et à mesure que ce pays d’Afrique de l’Est traite davantage de cas.
Le gouvernement britannique a déclaré que le coût serait « similaire au montant d’argent que nous dépensons actuellement pour cela », et que « à plus long terme, en maîtrisant cela, cela devrait nous aider à économiser de l’argent ». (Fin)