Kigali: La FIDH (Fédération Internationale des Droits de l’Homme) est choquée par la confirmation en appel des condamnations infligées à quatre journalistes burundais du Groupe de Presse Iwacu.
La Cour d’appel de Ntahangwa (Bujumbura) a confirmé ce vendredi 5 juin la condamnation des quatre journalistes d’Iwacu : Egide Harerimana, Christine Kamikazi, Terence Mpozenzi et Agnès Ndiribusa, «en dépit d’un dossier d’accusation vide », selon la FIDH. Ils sont condamnés à deux ans et demi de prison et 500 euros d’amende. De nombreuses voix avaient demandé leur libération.
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme mis en place par la FIDH et l’OMCT(Observatoire Mondiale Contre la Torture) dénonce une parodie de justice visant à faire taire une des dernières sources d’information indépendante au Burundi, près de quatre ans après la disparition du journaliste d’IWACU Jean Bigirimana.
«Les quatre journalistes, emprisonnés depuis octobre 2019, doivent être libérés immédiatement et inconditionnellement », selon cet Observatoire. L’audience en appel s’est déroulée le 6 mai dernier au sein du Tribunal de Grande Instance de Bubanza et le verdict, mis en délibéré, était attendu sous 30 jours.
L’Observatoire rappelle que ces journalistes faisaient simplement leur métier en se rendant enquêter en octobre 2019 dans la province de Bubanza où des troubles avaient été signalés. Ils ont été arrêtés avant de faire leur travail. C’est pour avoir tenté de faire cette enquête qu’ils ont été poursuivis sous les charges ubuesques de « tentative impossible de complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État », faute d’éléments probants à charge.
« Ce verdict est un nouvel avertissement pour les derniers journalistes burundais tentant de faire leur travail, dans un pays où les journalistes internationaux ne peuvent plus se rendre depuis des années et où la plupart de la société civile est en exil. Le message distillé par cette décision est très clair : n’essayez plus de couvrir les événements hostiles au régime et de vous rendre là où le régime ne vous a pas invité. Le Burundi vient d’inventer une sorte de « délit de reportage » », dénonce Alice Mogwe, Présidente de la FIDH.
Egide Harerimana, Christine Kamikazi, Terence Mpozenzi et Agnès Ndiribusa avaient été arrêtés le 22 octobre 2019, en compagnie de leur chauffeur, Adolphe Masabarakiza – qui a été relaxé par la suite. Ils avaient été reconnus coupables de « tentative impossible de complicité d’atteinte à la sûreté de l’État » le 30 janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de Bubanza.
Au moment de leur arrestation, les quatre journalistes allaient enquêter sur des affrontements qui auraient opposé les forces de sécurité burundaises à un groupe de rebelles plus tôt dans la matinée à Musigati, dans la province de Bubanza, à l’ouest du pays, à la frontière avec la République démocratique du Congo, et qui auraient fait de nombreux déplacés parmi la population civile. Bien qu’ils aient informé les autorités provinciales de leur déplacement dans le secteur, ils ont été arrêtés dès leur arrivée sur les lieux.
« Ce verdict est malheureusement à l’image du harcèlement judiciaire constant à l’égard des défenseurs des droits humains au Burundi », a ajouté Gerald Staberock, Secrétaire général de l’OMCT. « D’autres défenseurs, comme Germain Rukuki, ancien employé de l’ACAT-Burundi condamné à 32 ans de prison dont le procès en appel est en délibéré devant la Cour Suprême du Burundi et le verdict attendu d’ici la fin du mois, on encore Nestor Nibitanga de l’APRODH qui a été condamné à 5 ans de prison, sont toujours incarcérés pour avoir légitimement défendu les droits humains. Ils doivent eux aussi être immédiatement libérés », a-t-il conclu.
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale. (Fin)